Remco Evenepoel : Un abandon prévisible selon Serge Pauwels

Crédit photo Xavier Pereyron / DirectVelo
Lors de l'étape d'Hautacam, Remco Evenepoel avait évité la claque. Vendredi, le Belge a été humilié en étant rattrapé par Jonas Vingegaard lors du chrono de Peyragudes. L'espoir était mince de connaitre une bonne journée ce samedi. D'ailleurs, son directeur sportif Klaas Lodewyck avait précisé que l'objectif était de ne pas perdre de temps. Signe prémonitoire d'une défaillance de son coureur. Elle est arrivée dès les premières pentes du Tourmalet, à 109 kilomètres de l'arrivée. Directement laissé seul, à sa demande, dans sa galère, il manifesta une vive irritation à l’égard de la caméra de télévision. Le Champion du Monde résista encore quelque peu en retrait, s’efforçant de contenir son retard autour d’une petite minute. Après un bref échange avec la voiture de son équipe, ponctué d’un hochement de tête révélateur de son mécontentement — une fois encore dirigé contre l’objectif indiscret —, il poursuivit quelques instants encore. Submergé par l’émotion, luttant contre les larmes, il eut néanmoins un dernier geste empreint d’humanité : il tendit un bidon à un jeune spectateur. Puis, anéanti, il prit place à l’intérieur du véhicule de son équipe, mettant ainsi un terme à son calvaire.
"Sur la base de ce que j'ai vu hier, son abandon ne me surprend pas. Les autres sont simplement meilleurs, et lui n’était pas au niveau qu’il voulait atteindre. Et avec une journée aussi difficile en perspective, il était peut-être prévisible que cela arrive", explique à DirectVelo le sélectionneur national Serge Pauwels. Si la Soudal Quick-Step devra prendre le temps d'analyser cet échec, le sélectionneur pointe déjà son hiver perturbé comme explication de son retrait. "A cause de cet accident, il est resté trois mois sans vélo pendant que les autres roulaient plein pot pendant 4-5-6 heures. Si cela était arrivé à Jonas Vingegaard ou Tadej Pogacar, on n’aurait pas vu les mêmes coureurs sur ce Tour non plus. La base n'était pas assez solide. Cela a à voir avec les mitochondries, les petites usines énergétiques de la cellule. En accumulant les heures d’entraînement, leur nombre augmente. Sans entraînement, on ne peut pas compenser. Comme la base n’a pas été optimale, on récupère moins bien chaque jour", explique-t-il.
QUAND LA TÊTE NE VEUT PLUS
C'est grâce à sa classe que le Brabançon a pu gagner la Flèche Brabançonne en avril dernier. "On peut faire illusion sur une course d'un jour ou un chrono, mais sur les efforts longue durée, cela se paie. Regardez déjà à Liège-Bastogne-Liège et au Dauphiné ce qui s'est passé". Pourtant, son Dauphiné était meilleur que l'an dernier. "Il était même affûté. Sa première semaine du Tour était bonne aussi. Je ne l’ai pas trouvé trop fougueux, il abordait les choses intelligemment. Il est resté longtemps à la 2e place du classement général. Il est donc logique qu’il y ait eu certaines attentes. Mais ce qu’on a vu ces deux derniers jours était moins positif. Après dix jours de course, on voit mieux comment chacun se sent et où en sont les rapports de force entre les prétendants au général".
De plus, les entrainements post-Dauphiné semblent avoir été compliqués, perturbés par des allergies au pollen. "La dernière fois que je l'ai vu, c’était avant le Championnat de Belgique de chrono, à Brasschaat. Il m’avait dit que le stage avait été difficile, qu’il n’avait pas pu faire beaucoup d’intensité". Du coup, pourquoi avoir annoncé des ambitions de podium et de vouloir réduire l'écart avec Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard ? "Il parle avec son cœur. C'est un gars ambitieux, il ose l'afficher. Peut-être que ce n'était pas très raisonnable, néanmoins j'apprécie qu'il manifeste ses objectifs". Quand il ne les atteint pas, la déception est souvent très grande. "Vendredi, j'ai vu qu'il avait pris un coup sur la tête. Aujourd'hui, la tête n'a plus voulu. C'est elle qui peut vous faire avancer quand les jambes ne sont pas bonnes, mais si vous lâchez là-aussi, ce n'est plus possible". Quitter le Tour de France parait donc logique. "Finir le Tour ou rouler dans l’anonymat la troisième semaine, ce n’est pas ce qu’il est venu chercher". Ce samedi soir, après la douche et à froid, Remco Evenepoel avouait n'avoir aucune explication sur cet échec, expliquant qu'il se sentait vide dès le matin et qu'il a préféré ne pas forcer pour ne pas compromettre la suite de la saison.
CONFIANCE MAINTENUE POUR KIGALI ET L'ARDÈCHE
Serge Pauwels, actuellement en stage avec les Juniors belges dans les Vosges, garde toute sa confiance dans Remco Evenepoel pour les rendez-vous de la fin de la saison, le Championnat du Monde à Kigali et le Championnat d'Europe en Ardèche. "Il a été sage de s'arrêter à temps. Remco est toujours capable de revenir en force, nous le savons. Bien entendu, cela nécessite du temps. Il est essentiel qu’il puisse faire une pause, se recentrer, puis il sera prêt à relever le prochain défi". En principe, il devrait participer aux deux chronos et deux courses en ligne au Rwanda et en France. "C'était le plan avant le Tour de France en tout cas".
Cette base de condition physique manquante sera-t-elle dès lors préjudiciable pour le Mondial ? "Dans le cadre d’une course d’un jour, cela compte peut-être un peu moins, mais… Il s’agit tout de même d’une épreuve exigeante, longue et difficile. Cela dit, deux mois se seront écoulés depuis. Ce sont deux mois supplémentaires durant lesquels il pourra s’entraîner. En soi, la situation est moins problématique que pour un Tour de France où vous visez un général". Le Belge n'est pas contre l'idée d'une participation au Tour d'Espagne, sans ambition au général, pour prendre de la caisse. "Encore faut-il que la tête soit prête à le faire". Serge Pauwels reste persuadé que Remco Evenepoel peut remporter un jour le Tour de France. "S’il peut maintenant s’entraîner correctement pendant douze mois d’affilée, je le vois revenir à son tout meilleur niveau. Alors là, il pourra penser jouer la gagne et encore, ce ne sera pas facile, mais il a une arme formidable avec le chrono et avec un parcours plus à sa convenance, ça peut le faire". Les larmes de détresse feront peut-être place à des larmes de bonheur en 2026.
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