De 33 à 40% de délais, un air de déjà-vu

Crédit photo Billy Ceusters - ASO

Crédit photo Billy Ceusters - ASO

Les délais d'élimination étaient la préocupation des coureurs qui grimpent beaucoup moins vite que Tadej Pogacar, ce vendredi après-midi, pour le contre-la-montre en côte entre Loudenvielle et Peyragudes. Et ça concerne une bonne partie des sprinters.


Pour éviter une hécatombe, le collège des commissaires a accepté de donner du mou dans la corde aux pendus annoncés. Des 33% prévus par le règlement, les délais sont passés à 40% avant le départ, alors que d'habitude, c'est après l'arrivée que les arbitres ajustent le couperet. 40%, c'est quand même la différence de puissance entre un coureur qui prend du vent sur le plat et celui qui reste à l'abri dans sa roue.

5 COUREURS SAUVÉS

Là où les organisateurs avaient prévu un temps de 26', le coureur d'UAE Team Emirates XRG a réalisé 23'00" tout rond. C'est plus facile pour les calculs. A 40%, les délais sont portés à 32'12", de quoi retrouver tout le monde au départ de Pau ce samedi. Sauf Bryan Coquard qui a décidé d'abandonner après avoir monté jusqu'à Peyragudes avec son doigt fracturé.

Si le tarif de 33% avait été appliqué, cinq coureurs auraient dû rentrer à la maison pour être arrivés après 30'40" et une bonne partie du classement du maillot vert : Biniam Girmay (4e du classement par points), Arnaud Démare, Elmar Reinders, Tim Merlier (5e du maillot vert) et Luka Mezgec. Jonathan Milan termine d'ailleurs 117e en 29'13" mais sent la menace de Tadej Pogacar pour son maillot vert.

DÉJÀ EN 1959 AU PUY DE DÔME

Mais est-ce une première de porter à 40% les délais pour éviter de remplir un wagon de sprinters direction la maison ? Pas vraiment. L'étape contre-la-montre en côte du Puy-de-Dôme en 1959, le 2e contre-la-montre en côte du Tour (avec arrivée au sommet) après le Ventoux 1958.

Ce jour-là, les délais d'élimination sont de 33%. Federico Bahamontes écrase la course en 36'15". Charly Gaul, le vainqueur du Tour 1958 est 2e à 1'26". Les délais de 33% renvoient neuf coureurs à la maison. Officiellement en raison de la performance exceptionnelle réalisée par Bahamontes et les conditions atmosphériques, les commissaires rallongent les délais, après l'arrivée, à 40%. Dans ce cas, seuls deux coureurs sont éliminés : un équipier de l'équipe de France, Raymond Mastrotto et un de l'équipe d'Espagne, Aniceto Utset. Match nul.

POUR SAUVER L’ÉQUIPE DE FRANCE

C'est là que l'équipe d'Espagne intervient. Ce Tour est couru par équipes nationales de 12 coureurs. Parmi les neuf coureurs qui auraient été éliminés à 33% figurent trois coureurs de l'équipe de France. Les Espagnols pressentent un coup fourré dans cet allongement des délais. Federico Bahamontes ne compte plus que six coéquipiers. Ils contestent et les commissaires reviennent sur leur décision et fixent un nouveau délai à 38% du temps du premier. Quatre coureurs sont éliminés. L'équipe de France sauve René Privat mais pas Roger Hassenforder. On imagine moins des équipes du WorldTour qui courent ensemble toute la saison se lancer dans ces palabres.

Au Parc des Princes, Bahamontes terminera en jaune et l'équipe France, désunie pendant la Grande Boucle, sera sifflée par le public.

Samedi, les coureurs du Tour 2025 se dirigeront vers Superbagnères. En 1979, encore dans un contre-la-montre en côte, Bernard Hinault y avait renvoyé cinq coureurs à la maison. Les délais étaient de 25%. Deux semaines plus tard, rebelote dans le chrono Evian-Morzine Avoriaz où le Blaireau reprend le maillot jaune et met quatre coureurs hors-délais de plus.

Tadej Pogacar n'aura pas fait l'expérience de renvoyer des coureurs à la maison comme certains de ses prédécesseurs, mais ce vendredi soir, ce sont probablement ses concurrents directs qui ont le plus mal à la tête.

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