Remco Evenepoel : « C'est nouveau pour moi »

Crédit photo Xavier Pereyron / DirectVelo

Crédit photo Xavier Pereyron / DirectVelo

Les récentes batailles monstrueuses entre Mathieu Van der Poel et Tadej Pogacar lors de Milan-San Remo, du Tour des Flandres et de Paris-Roubaix auraient presque fait oublier qu’il existe un autre ovni au sein du peloton international actuel. Celui-ci porte le nom de Remco Evenepoel et il a remporté, ce vendredi, la Flèche Brabançonne, à domicile ou presque, plus de six mois après sa dernière apparition en compétition (voir classement). Une performance XXL, encore une, pour un coureur habitué à épater tout son monde depuis les rangs Juniors et qui réalise cette fois-ci la prouesse de battre Wout van Aert dans un sprint à deux, en costaud, pour sa course de reprise alors même qu’il y a encore quelques semaines de cela, il n’était pas certain de pouvoir retrouver un jour la compétition à la suite de son accident cet hiver. “Pour moi, la plus grosse performance, ce n’est pas qu’il gagne mais simplement qu’il soit là, sur la course”, confessait son père, Patrick, auprès de DirectVelo quelques minutes après l’arrivée. “Il y avait quand même des doutes du côté de certains médias sur le fait qu’il revienne au niveau, mais pas de notre côté. C’est la preuve qu’il faut toujours rester positif et continuer de travailler”, ajoute-t-il. DirectVelo s’est rendu à la conférence de presse d’après-course du Belge de la Soudal Quick-Step. Entretien.

DirectVelo : Les émotions étaient fortes après l’arrivée…
Remco Evenepoel : Cette victoire est pour le meilleur ami de mon papa, Pascal Vanherberghen. Il est mort il y a un mois. C'était la première course où il n'était pas avec mon père. Sa femme et son fils se retrouvent seuls. Ce n'était pas facile de les voir pleurer sur le podium… Mais c’était une motivation lors du sprint.

Es-tu surpris d’avoir été le plus rapide lors de ce sprint à deux ? 
Oui, Wout n'est pas n'importe qui. J'aurais eu plus de confiance si j'avais pu démarrer dans sa roue. Toutefois, je sais que j'ai un bon sprint après une course difficile et quand on a souvent été en zone rouge auparavant. Mais le battre en lançant en premier et en ayant roulé en tête les deux derniers kilomètres, c'est top. Wout est quelqu'un qui gagne des sprints en petit comité mais il a aussi gagné des sprints massifs. C'est nouveau pour moi de battre un tel coureur au sprint. C'est tout bon pour la confiance. Cela prouve que je ne dois pas forcément arriver tout seul pour l'emporter. Je peux me débrouiller dans un sprint à deux ou en petit comité. C'était osé de lancer en tête, mais le vent était de dos et ça a facilité les choses. 

« ON S’EST MIS D’ACCORD POUR FINIR À DEUX »

Le fait que Wout avait déjà perdu des sprints en 2025 a-t-il joué dans ta tête ?
Un petit peu. J'avais surtout le sentiment que j'étais le meilleur dans le dernier tour. Quand j'ai attaqué dans la Herstraat et que nous avons lâché (Joe) Blackmore, il était dans la roue mais j'ai senti que c'était difficile pour lui. Wout a également fait le tempo dans la Moskeestraat, mais je crois que c'est par peur que j'attaque. Cela n'enlève en rien que Wout était super fort aujourd'hui. C'est grâce à sa contre-attaque sur la mienne que nous avons pu partir.

Quand as-tu réalisé que tu pourrais être un acteur majeur de cette Flèche brabançonne, bien qu’il s’agissait de ta course de reprise ?
Le plan n'était pas d'attaquer si tôt (à 48 km de l’arrivée, NDLR). Nous voulions lancer les hostilités dans le deuxième tour, à environ 35 bornes de l’arrivée. Mais la Visma-Lease a Bike a accéléré. J'ai senti que c'était le moment d'y aller, car ils avaient mis la gomme dans la Moskeestraat. C'est pourquoi j'ai voulu, dès lors, réduire ce groupe. Et à ce moment-là, je n'avais plus de coéquipier non plus. Il fallait y aller. Quand j'ai vu que nous étions à deux, puis à trois et que l'écart est passé à 30-40 secondes, j'ai su qu'on pouvait aller loin, mais il fallait encore lâcher l'Anglais. C'est toujours plus facile de rouler le final à deux plutôt qu’à trois. On s'est mis d'accord pour finir à deux. C'était la bonne tactique. On se connait bien, on roule souvent ensemble en équipe nationale. Du coup, on s'est vite compris. Après la Herstraat, j'ai proposé à Wout que l’on collabore jusqu’au bout, sinon on risquait de repartir bredouille. Cela ne servait plus à rien d'attaquer. C'est ce qui fallait faire.

« POUR FINIR SEUL, IL AURAIT FALLU UN TOUR DE PLUS »

Était-il important de retrouver la victoire d’emblée ? 
Pour la confiance, terminer 1er ou 2e, cela m'aurait donné le même sentiment. Après la course qu'on a fait, être battu par Wout n'aurait rien changé. Perdre contre lui aurait été normal. C'est une surprise de gagner. Je montre à l'équipe que je suis prêt pour les Classiques. C'est surtout un peu plus de pression pour l'équipe en vue des Classiques ardennaises. C'est ce que nous aimons, porter le poids de la course. Nous serons tous les deux surveillés avec Tadej Pogacar. Nos équipes contrôleront la course et ce sera le cas pour les trois prochaines Classiques.

Tu es déjà totalement compétitif, presque comme si de rien n’était ! 
Le moment le plus dur aura été dans la Moskeestraat. Je l'ai monté trois fois plus ou moins à la cadence. Je savais que c'était là où je pouvais être un peu plus dans le dur, mais je suis rassuré sur les efforts d'une minute. Il faudra encore analyser tout ça avec mon entraîneur mais je suis satisfait à ce niveau-là. Quand je vois ce que je peux faire après avoir roulé les deux derniers kilomètres en tête, c'est top. Les derniers entraînements derrière scooter basés sur l'intensité et la vitesse avec mon père ont porté leurs fruits. L'attaque précoce de Wout a permis de faire sortir les jambes et les poumons. J'en avais besoin pour y aller à fond. Demain, je ferai une sortie tranquille dans les roues de mes coéquipiers. Je n'ai pas le sentiment d'être mort après les 3h30. J'ai pu monter toutes les bosses au même rythme. Pour finir seul, il aurait fallu un tour de plus, mais ce n'était pas nécessaire. Parfois, c'est bénéfique de se retrouver dans une situation dans laquelle tu n'es pas habitué pour avoir des réponses et c’était le cas aujourd'hui avec cette arrivée à deux.

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