Valentin Paret-Peintre, le Géant de Haute-Savoie

Crédit photo ASO - Aurélien Vialatte
Il y a des chutes qui changent une course, une saison, voire une carrière. Souvent en mal. Mais pour Valentin Paret-Peintre, peut-être y a-t-il une belle histoire qui se cache finalement derrière cette dernière étape de Tirreno-Adriatico, où le coureur de Soudal Quick-Step est allé à terre, dans une gamelle qu'il croyait alors anecdotique. Mais son corps le rappelle à l'ordre dès la course suivante, au Tour de Catalogne. Le coccyx touché, toute la suite de sa saison bascule. "Il a eu une grosse blessure, au bas du dos, il a beaucoup souffert", raconte Jurgen Foré, manager de la WorldTeam. Initialement prévu sur le Giro au côté de Mikel Landa, les cartes sont redistribuées. Le garçon d'Annemasse ira sur le Tour de France avec Remco Evenepoel, sans aucune ambition personnelle, mais pour porter le grimpeur belge au plus haut dans le classement général.
« CE N'ÉTAIT PAS LE PLAN »
Mais là encore, le malheur de Remco Evenepoel et son abandon en fin de deuxième semaine relancent les dés chez Soudal Quick-Step, pour la troisième semaine. "Il était ici pour aider Remco, mais c'est fantastique comme toute l'équipe hier a fait le switch", applaudit Jurgen Foré. "On a traversé des choses pas faciles avec l'abandon de Remco, on peut relever la tête", s'émeut Valentin Paret-Peintre, imité par son coéquipier Ilan Van Wilder, au micro d'Eurosport. "On a eu des journées de merde ces derniers jours. Aujourd'hui, on s'est repris à bloc. On a montré qu'on était capable, parce qu'on a eu beaucoup de critiques sur l'équipe, qu'on n'était pas assez forts, blablabla", enrage le Belge, dont les nerfs ont fini par lâcher avec l'émotion, avec des termes peu académiques pour répondre aux critiques.
Partis tous les deux en échappée, avec Pascal Eenkhoorn pour rouler sur le plat, jouer la victoire n'était pas garanti. "Ce n'était pas le plan, je pensais que Pogacar voulait gagner l'étape et allait cadenasser l'étape. S'il y a un gros groupe, on ne sait jamais, mais je n'étais pas vraiment concentré sur le départ en me disant que c'était pour l'échappée", concède Valentin Paret-Peintre. Le peloton laisse finalement plus de 6 minutes de marge, l'espoir est permis. "J'ai parlé assez vite avec lui. Quelques kilomètres avant le pied du Ventoux, j'ai demandé comment il se sentait. Il me disait « je ne sens pas mes jambes ». J'ai répondu : « ah bah moi je les sens donc je vais rouler pour toi »", se marre Ilan Van Wilder.
« TU NE DOIS PAS LÂCHER, TU DOIS LE FAIRE »
Habitué à faire les efforts pour Remco Evenepoel, Ilan Van Wilder change de leader mais pas de mission. "Je ne suis pas égoïste. Si quelqu'un est mieux que moi, je roule pour lui et c'est ce que j'ai fait". Tout le monde l'ignore à ce moment, mais sa tâche n'est pas terminée, même si Valentin Paret-Peintre prend ses distances en attaquant dans le Géant de Provence. Jusqu'à se retrouver en face à face avec Ben Healy, sérieux sparadrap collé aux basques. "C'est une occasion unique de gagner une étape du Tour, il faut jouer et tant pis si on perd", pense Valentin Paret-Peintre, qui s'amuse à s'envoyer des attaques avec l'Irlandais. Mais alors que la flamme rouge approche, et que Santiago Buitrago est parvenu à revenir, la menace se teinte de jaune.
Alors un autre va revenir de nulle part donner un dernier coup de main. "Une fois que j'ai trouvé mon rythme, j'ai fait un chrono contre moi-même, je voyais les gars un peu plus loin, j'ai poussé, et poussé encore. Je suis revenu au dernier kilomètre", raconte Ilan Van Wilder qui prend sans hésiter les commandes. Et c'est Ben Healy qui lance le sprint le premier. "Ben était très fort, mais dans le final je me disais « tu ne peux pas lâcher, c'est une victoire au Ventoux ». Même pour le doubler, j'ai eu du mal mais je me suis dit non, tu ne dois pas lâcher, tu dois le faire". Chose faite après le dernier virage, pour la première victoire française de ce Tour de France.
« UN LOUP GÉANT »
Bien plus bas, à Malaucène, le bus Soudal Quick-Step explose. "C'est incroyable pour l'équipe, quatre victoires et avec un Français sur le Mont Ventoux... On a beaucoup d'invités de notre sponsor Soudal France ici, je suis très fier, c'est vraiment fantastique", exulte Jurgen Foré. Ilan Van Wilder arrive quelques secondes après et entend l'annonce de Damien Martin. "J'ai entendu le speaker dire que Valentin gagnait et dans la radio, Bramati devenait complètement fou, rigole-t-il. C'était incroyable, je ne vais jamais oublier cette journée. C'est comme si je gagnais moi-même". Le principal intéressé a mis du temps à comprendre. "Je ne réalise pas, au Mont Ventoux c'est encore quelque chose de différent. J'ai du mal à réaliser", insiste-t-il.
Car même s'il y a eu la blessure en début de saison, les dix premiers jours du Tour de France n'ont pas non plus été de tout repos pour un grimpeur de poche comme Valentin Paret-Peintre. "Avec ses 55 kilos et vu les dix premiers jours du Tour de France... C'était vraiment dur, il est tombé deux fois. Mais il a la résistance d'une personne de 100 kilos. C'est un loup géant", rigole Jurgen Foré. Le manager n'a jamais douté de son protégé. "On a bien vu le talent qu'il a, l'année dernière, il a gagné une étape au Giro... C'est une personne fantastique à avoir dans l'équipe". Cette victoire d'étape sur le Tour de France va nouer des liens indéfectibles. "Maintenant je pense qu'on a créé une connexion, un moment d'émotion qu'on ne va jamais oublier", conclut un Ilan Van Wilder qui a bien du mal à retenir ses larmes. Les Soudal Quick-Step ont bien mérité de quitter le parking au rythme de We are the champions.
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