FDJ-Suez : « C’est une belle leçon d’humilité »

Crédit photo LaPresse / Giro Donne
La FDJ-Suez ne gardera pas un grand souvenir du Tour d’Italie. Habituée à jouer les premiers rôles lors de pratiquement toutes les épreuves du calendrier depuis le début de l’année, souvent autour de sa nouvelle leader Demi Vollering, la WorldTeam tricolore voulait tenter de jouer le maillot rose avec la paire franc-comtoise Juliette Labous et Evita Muzic. Pas à 100%, les deux jeunes femmes n’ont jamais été en mesure de rivaliser pour la gagne ni même le podium final sur les routes transalpines. Mais pas de quoi s’affoler en vue du Tour de France, l’objectif principal de l’équipe cette saison. DirectVelo a fait le bilan du Giro Donne avec le manager général de la FDJ-Suez, Stephen Delcourt. Entretien.
DirectVelo : L’équipe n’a pas réalisé un grand Tour d’Italie…
Stephen Delcourt : C’est aussi dans la défaite que l’on apprend à construire les prochains succès. On n’a pas été au niveau que l’on espérait, c’est sûr. Ce Giro, c’était un pari. On avait fait le choix d’emmener un groupe pas forcément à 100%, mais on a vu qu’il n’est pas possible d’espérer rivaliser quand on n’est pas au niveau des autres, au niveau de filles qui en avaient fait leur objectif prioritaire.
As-tu senti, d’emblée avec la contre-performance de Juliette Labous et d’Evita Muzic au chrono de Bergame, qu’il serait compliqué de prétendre à la victoire finale ?
On savait qu’on n’allait pas commencer à 100% mais qu’on finirait sûrement plus fort. On se l’était mis en tête. On espérait qu’être à 90% suffise pour performer, mais on a bien vu que non. Evita et Juliette ne pouvaient pas monter sur le podium dans ces conditions. On l’a vu avec Anna Van der Breggen, Lotte Kopecky… Même Marlen Reusser n’a finalement pas été aussi aérienne qu’au Tour de Suisse. On ne peut pas gagner dans ces conditions-là, c’est une belle leçon d’humilité pour nous. Il faut aussi noter que nous venions avec deux novices, qui n’avaient jamais fait de Grand Tour (Célia Gery et Eglantine Rayer, NDLR). Il leur faut encore du temps même si elles étaient solides.
« ELLES NE SE CHERCHENT PAS D’EXCUSES »
Il y a quelques semaines, lorsque l’on avait évoqué cette envie d’aller gagner le Giro après le triomphe de Demi Vollering et de l'équipe sur la Vuelta, c’était en ayant conscience que Juliette et Evita n'y seraient qu’à 90% ?
Oui, on a essayé une préparation différente, plus courte. Elles sont tellement talentueuses qu’on voulait y croire. Si on n’y croit pas, personne ne va y croire à notre place. Il fallait leur donner cette confiance, on est obligés de le faire. On savait qu’il nous manquait dix jours de préparation pour arriver dans une condition optimale. Les deux ont fait la Vuelta et ont également voulu faire Burgos derrière (Juliette Labous a terminé 5e du Tour d’Espagne et 5e du Tour de Burgos, Evita Muzic s’était quant à elle classée 10e de la Vuelta et 9e à Burgos, NDLR). Il a fallu couper entre-temps, reprendre… On savait que ça allait être juste, mais on l’a tenté. On espérait commencer le Giro à 90% et le finir à quasi 100%. Au final, on était même sur du 80-90%, sachant que Juliette est arrivée sur ce Tour d’Italie avec un virus qu’elle avait déjà au Championnat de France. Evita avait besoin de jours de course mais elle a mieux fini le Giro qu'elle ne l'avait commencé. Elle s’est bien battue. Les filles sont hyper honnêtes, elles ont voulu bien faire pour le collectif. Elles ne se cherchent pas d’excuses. Les filles n’ont rien lâché jusqu’au bout. Je pense par exemple à la fin de Giro de Léa Curinier, qui a couru devant malgré un mal de dos. Mais les autres étaient meilleures, c’est tout. Le peloton féminin est plus dense que jamais.
Les filles ont été offensives sur la seconde partie du Giro, alors que le général semblait perdu. Décrocher une victoire d’étape pour sauver le Giro était devenu l’objectif les trois derniers jours ?
Oui, il n’y a jamais de fatalité. On a essayé de bien faire jusqu’au bout. Vendredi, on a attaqué du Km 0 jusqu’à la fin, y compris avec Juliette. Ça ne s’est pas trop vu, ça n’a pas payé, mais il ne faut pas rester que sur le résultat. On a quand même apprécié cette semaine italienne. Evita a joué la victoire le dernier jour, ça aurait pu le faire (5e, NDLR).
« JE N’AI PAS DE CRAINTES CAR ELLES N’ONT PAS COURU À LEUR VRAI NIVEAU »
C’est une leçon, aussi, dans le choix du calendrier et des objectifs ?
Pour gagner les trois Grands Tours, il faudra sûrement faire d’autres choix de préparation, changer des programmes, et renoncer à faire plaisir à certains organisateurs, par exemple… Même s’ils sont français. On a voulu faire plaisir aux sponsors, aussi, sur certaines décisions. On a cru que ça allait passer, mais ce n’est pas le cas. On va continuer de bosser et revoir certains plans.
Juliette Labous et Evita Muzic ambitionnent de gagner un Grand Tour à terme. Cet échec sur le Tour d’Italie peut-il n’être qu’une mauvaise parenthèse dans cette quête ou as-tu peur d’avoir des filles marquées ?
Non, je n’ai pas de craintes car elles n’ont pas couru à leur vrai niveau, l’une comme l’autre, on l’a vu sur les datas. Elles ne sont pas au niveau de l’année dernière, ni de ce début de saison. Il ne faut pas oublier non plus qu’il a fallu reprendre des réflexes de leader, après avoir beaucoup couru pour Demi (Vollering) depuis le début de saison. Le groupe doit mûrir aussi car encore une fois, on avait des filles moins expérimentées. En tout cas, je n’ai pas de doutes sur leurs capacités à gagner de grandes courses à terme. Ça ne remet rien en cause.
« PAULINE FERRAND-PRÉVOT SERA L’ADVERSAIRE LA PLUS REDOUTABLE »
Tu n’as aucune inquiétude pour le Tour de France ? Les filles seront bien à 100% pour aider Demi Vollering à l’emporter ?
On ne sait jamais, mais je n’ai pas de doutes quant à leurs capacités à récupérer. Elles ont bien fini sur la dernière étape. Je n’ai pas de doutes non plus quant au fait qu’elles se sacrifient pour Demi, ni sur le fait qu’elles arrivent à monter en puissance. Il va falloir bien travailler, avec le staff, sur le protocole de récupération car elles ont beaucoup donné. On sait que nos adversaires seront très fortes. La vainqueure sortante du Tour n’était pas sur ce Giro (Kasia Niewiadoma, NDLR). Et il manquait aussi Pauline Ferrand-Prévot, qui sera pour moi l’adversaire la plus redoutable.
Tu en fais votre principale rivale, malgré l’inconnu sur sa capacité à briller aujourd’hui sur une longue course par étapes ?
Pauline Ferrand-Prévot, c’est LA grande championne de notre sport, toutes disciplines confondues. Elle sait se préparer pour un grand événement, on le sait tous. Elle a fait le choix de renoncer à la Vuelta pour mieux se préparer pour le Tour. Je n’ai pas de doutes sur sa capacité à s’être bien préparée. La performance qu’elle a faite l’an passé aux Jeux Olympiques, si elle l’avait faite sur route, elle aurait dominé cette course sur route. C’est celle qui peut dominer le Tour. Mais la cycliste la plus forte depuis le début de saison, c’est Demi Vollering et on aura l’équipe autour d’elle pour aller décrocher ce maillot jaune. Mais ce ne sera pas facile, il ne faudra commettre aucune erreur. Ce sera tactique, technique et physique.