Maillot jaune, protocole et temps perdu, ces poids lourds pour les leaders

Crédit photo ASO - Billy Ceusters

Crédit photo ASO - Billy Ceusters

Le maillot jaune met des étoiles dans les yeux des coureurs. Rien que sur cette édition 2025, nombreux sont ceux qui lui courent après, pour avoir le privilège de le porter, ne serait-ce qu'une seule journée. Au grand départ de Lille, Jasper Philipsen avait les yeux d'un gamin en touchant enfin ce rêve du doigt, ou plutôt des épaules, de porter le mythique maillot du Tour de France. Côté rouleurs, Kévin Vauquelin ne cache pas son ambition de réussir à le revêtir, et tente tout pour y parvenir depuis le coup d'envoi de la Grande Boucle, s'agaçant même parfois de ne pas trouver d'alliés de circonstance dans sa quête.

Côté français, Romain Bardet est le dernier à l'avoir porté, l'an dernier, après son succès sur la première étape. Là aussi, l'émotion débordait, lui qui avait prévu d'arrêter sa carrière moins d'un an plus tard. Pourtant, pour les favoris à la victoire finale, le maillot jaune a des allures de cadeau empoisonné, parfois. Nombreux sont ceux qui profitent d'une échappée fleuve pour refiler le fardeau, qui se transforme alors en offrande pour l'heureux élu. Ce jeudi, c'est Mathieu Van der Poel qui l'a récupéré, après l'avoir cédé une seule journée. "Je vais garder ce maillot une seule journée peut-être, mais ce n'est pas rien. Retrouver Mûr de Bretagne avec ce maillot est spécial pour moi. Je vais juste me réjouir de porter le maillot demain", sourit celui qui avait profité de cette même arrivée en Bretagne, en 2021, pour le chiper à Julian Alaphilippe.

UNE VRAIE TACTIQUE POUR DÉCHARGER TADEJ POGACAR DU PROTOCOLE ?

Si le maillot jaune a le goût de l'or, il en prend aussi le poids pour ceux qui n'ont pas le droit de fléchir pendant trois semaines. Car maillot jaune rime avec protocoles, interviews, défilé des photos, récupération tardive.... Alors Tadej Pogacar qui cumulait jaune, vert et pois, avait toutes les raisons d'être embêté au départ de Bayeux. Sa formation UAE Team Emirates a donc reproduit le coup de Cassel en offrant le maillot à pois à Tim Wellens, qui avait alors permis à son leader d'échapper au protocole à Dunkerque. "On a parlé du fait que Tadej se retrouvait maillot à pois sans vraiment faire exprès, et comme il est généreux il m'a proposé de partager", s'amusait le Champion de Belgique, qui a donc refait le coup ce jeudi. "Aujourd'hui ce n'était pas du tout prévu de reprendre le maillot", tempère-t-il néanmoins. Mais faut-il le croire ?

Car quelques kilomètres avant, le fait que les sprinteurs puissent jouer le sprint intermédiaire permettait aussi au Slovène de céder le maillot vert à qui voulait. Jonathan Milan, en l'occurrence. Mais il restait encore le maillot jaune. Alors avec Mathieu Van der Poel à l'avant, UAE Team Emirates voit une occasion rêvée de se délester du protocole, en laissant le Néerlandais prendre du champ. "S'ils avaient voulu le maillot ils auraient sans doute accéléré un peu plus", concède Mathieu Van der Poel. Même si Tadej Pogacar avait admis quelques jours avant que "ce n'est pas non plus une punition de venir en interview, il y a pire dans la vie", toutes les économies d'énergie sont bonnes à prendre. L'époque n'a pas changé cette donnée. En 1976, Cyrille Guimard exige de Lucien Van Impe qu'il abandonne son maillot jaune à l'entrée des Pyrénées pour éviter aux coureurs de Gitane d'assumer le poids de la course, pour mieux le récupérer ensuite.

UN COUP DE "VICE" DE LA VISMA-LEASE A BIKE ?

Mais pour ne pas rendre la tâche trop facile, la Visma-Lease a Bike aurait-elle prévu un tour de passe-passe à ses meilleurs ennemis ? C'est en tout cas la théorie évoquée du côté d'UAE Team Emirates, en voyant les maillots jaune-et-noir débarquer en furie à l'avant du peloton pour mettre un coup de vis dans le final ce jeudi. "Je ne sais pas pourquoi, mais Visma a essayé d'accélérer, on a juste suivi. Dans les deux dernières montées, Visma est arrivée, ils ont tout mis. Peut-être qu'ils ont vu que Van der Poel souffrait à l'avant et perdait du temps. Donc ils voulaient peut-être me faire garder le maillot jaune aujourd'hui", sourit Tadej Pogacar, qui concède que son équipe s'est posée la question sur la tactique à suivre. "Après deux heures super rapides, difficiles, il fallait décider si on visait la victoire d'étape ou pas. Finalement on a décidé de ne pas dépenser de cartouches".

Mauro Gianetti, manager, est d'accord sur la théorie de son leader, mais constate que la Visma-Lease a Bike a raté son coup. "Ils ont échoué pour une seconde. Ce n’était pas le but pour nous de garder le maillot. On est heureux si on l’a, mais Mathieu le voulait vraiment et il l’a eu", admet-il. Arthur van Dongen, directeur sportif, leur répond, au micro de Wielerflits. "Ce n’était pas un plan prémédité, on n'était absolument pas dans l’idée de lui faire garder le jaune. On n'en a pas parlé. En fait, on a essayé toute la journée, dès le kilomètre zéro, de rendre la course difficile". Vrai ou pas, la suite du Tour de France de Tadej Pogacar n'en sera pas bouleversée. "Ça ne me dérange pas d'avoir le maillot jaune, mais le but est de lâcher le moins de forces possible. On garde les jambes pour les deuxième et troisième semaines, donc on a fait du bon travail aujourd'hui". Mais la guéguerre entre les deux grosses structures du peloton ne fait que commencer.

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