Samuel Bellenoue : « On va être dans l'innovation »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

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Les entraîneurs peuvent travailler plus sereinement. Ils ont une date de reprise et désormais un calendrier complet pour préparer la fin de saison très chargée de leurs coureurs. “C’est un défi à relever. Le schéma idéal est tellement dessiné par l’histoire qu’on ne cherche plus à en sortir. Ça nous force tous à réfléchir et à nous adapter”, reconnaît Samuel Bellenoue. L’entraîneur de Cofidis analyse les prochains mois pour DirectVelo.

DirectVelo : Comment as-tu accueilli le nouveau calendrier ?
Samuel Bellenoue : Ce calendrier fait du bien. On l’a accueilli de manière très positive. Il remet du sens à ce qu’on va pouvoir faire dans les prochains mois. Il commence à alimenter des réflexions. On se dit qu’on pourra faire un bout de saison, car on en doutait à un moment donné. Même si bien sûr il n’y a rien de garanti aujourd’hui.... Je reste très calme (sourire). On s’aperçoit que ça bougeait encore pas mal il n’y a pas si longtemps. Une fois que le calendrier français est sorti, certains ont dit qu’ils n’allaient pas pouvoir maintenir leur course. Nous restons dans l’attente de recevoir des informations plus certaines. 

En attendant, les coureurs peuvent s’entraîner pour courir le 1er août...
Pendant le confinement, on a conservé pas mal de qualité. Il fallait éviter de perdre trop de masse musculaire liée à l’inactivité. Les coureurs ont évidemment fait des exercices d’intensité. Ils ont bien sûr perdu en terme de volume. À l’inverse du début du confinement, où on en ignorait la durée, on n’est plus dans le flou aujourd’hui. On ressort de cette période avec des petites garanties, il y a cette rentrée des classes le 1er août. Les coureurs ont le temps de se préparer d’ici-là. Jusqu’à fin mai, ils doivent récupérer de cette période particulière. Depuis le 11 mai, je les oriente donc sur du plaisir. Ils ne sont pas encore dans de grosses charges de travail.  

À quel moment allez-vous envisager des stages en altitude ?
On peut envisager deux stages en altitude d’ici la reprise des courses. On peut imaginer le second fin juillet/début août. Ce qui veut dire qu’il ne faut pas tarder pour caler le premier. En tout cas, une fois que la saison va repartir, il n’y aura pas beaucoup de temps pour des stages. 

« LE DAUPHINÉ, UN PASSAGE OBLIGÉ »

Il y aura beaucoup de courses en août. Par où un coureur qui vise le général du Tour de France doit-il passer ?
Pour moi, il est primordial de passer par au moins une course par étapes avant le Tour. Le Dauphiné a l’avantage d’être disputé sur cinq jours (du 12 au 16 août, NDLR), ça me paraît donc être un passage obligé. On peut imaginer de densifier cette préparation avec une autre course par étapes plus courte, comme la Route d’Occitanie ou le Tour de l’Ain. Il y a donc l'option d’être sur l’une des deux puis sur le Dauphiné. Autre idée : aller au Mont Ventoux Dénivelé Challenge (le 6 août, NDLR) puis au Dauphiné la semaine suivante. Sans oublier qu’on peut être soumis à des mesures de précautions médicales. On a entendu parler d’une sorte de "quarantaine" entre les courses. Il y aurait alors des scénarios à supprimer. 

Peut-on dire que la Route d’Occitanie (1er au 4 août) est mieux placée que le Tour de l’Ain (6 au 9 août) ?
En terme de "qualité", on sera plutôt sur l’enchaînement Occitanie-Dauphiné. Mais certains coureurs se diront qu’il vaut mieux enchaîner Ain et Dauphiné pour faire une grosse charge de travail avant le Tour. Ce qui signifie qu’il faudra anticiper la préparation et être plus “light”, car il n’y aura pas beaucoup de récupération derrière. Sur le Tour de l’Ain, certains auront peut-être moins l’objectif de performer qu’habituellement et se testeront, par exemple, uniquement sur des montées. Il faudra une réflexion globale avec les directeurs sportifs avant ces courses-là. 

« UN DÉFI À RELEVER »

Est-ce un challenge excitant pour un entraîneur ?
C’est un défi à relever. Le schéma idéal est tellement dessiné par l’histoire qu’on ne cherche plus à en sortir. Ça nous force tous à réfléchir, à nous adapter etc. C’est une ouverture. On dit souvent que le Tour est stéréotypé et que c’est toujours pareil. Mais l’approche est toujours identique. À 95%, tout le monde fait la même chose, avec le stage en altitude en mai et le Dauphiné en juin. Le chemin est tellement bien balisé jusque-là qu’il n’y a plus beaucoup de grosses défaillances. On est dans le contrôle. L’approche de ce Tour de France 2020 donnera beaucoup plus de “peps” que si on enlevait les capteurs de puissance et les oreillettes comme certains le demandent. Cette année, on va être dans l’innovation. On ne sait réellement pas où on met les pieds. L’histoire du vélo n’a jamais connu ce scénario-là. Il y a aussi des incertitudes sur les capacités de certains coureurs à bien passer, ou non, les cols en septembre. Il y aura plus de surprises qu'on le pense. 

Ces trois prochains mois sont donc particulièrement importants…
Oui, ça va se jouer ces prochains mois. La densité de courses est telle qu’il sera par exemple difficile de récupérer pour quelqu’un qui est en retard. Si un coureur saute après deux heures, il ne pourra pas faire un travail intéressant en course. Il va même accumuler du retard. Par ailleurs, un coureur qui aura besoin de récupérer aura du mal. Il faudra viser juste dès le début car il y aura peu d’espace.

Il ne faut pas non plus oublier des coureurs qui ne feront pas le Tour de France et qui joueront gros, pour certains en fin de contrat, en fin de saison...
On a déjà plus ou moins un avis sur la prolongation d’un contrat. Mais il y a un devoir de ne pas oublier ces coureurs-là. On doit les respecter. Il faudra les faire courir pour qu’ils s'expriment. Mais je ne suis pas inquiet vu le nombre de courses. Je crois même qu’on sera plutôt à devoir faire des impasses. 

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