Le scénario de cette édition 2025 d’A travers la Flandre restera, à coup sûr, l’un des moments les plus marquants de la saison quoi qu’il advienne ces six prochains mois. Alors que la formation Visma-Lease a Bike avait réalisé un énorme coup de force à plus de 70 kilomètres de l’arrivée en projetant quatre - puis rapidement trois - coureurs à l’avant, les jaune-et-noir, ensuite flanqués du seul Neilson Powless (EF Education-EasyPost) pendant plus d’une heure et demi de course ont tout de même trouvé le moyen de se faire battre par l’Américain (voir classement). Une situation qui n’était pas sans rappeler un fameux Circuit Het Nieuwsblad, en 2015, lorsque Ian Stannard, alors chez Sky, s’était joué d’un trio de Quick-Step.

« JE SUIS TOTALEMENT RESPONSABLE »

Dans la zone d’arrivée où se réunissent tous les assistants d’équipes, au niveau du public le long des barrières de la dernière ligne droite ou devant les écrans en zone mixte, tous ou presque étaient incrédules au moment de voir le maillot rose de Neilson Powless déborder Wout van Aert. “What ? Oh my God ! What ?”, pouvait crier le lauréat quelques secondes après l’arrivée en enlaçant des membres de son staff, aussi heureux que surpris de cet exploit majuscule. “Neuf fois sur dix dans une situation similaire, Wout m’aurait battu au sprint. C’est vraiment ma plus belle victoire”, se réjouissait-il quelques minutes après l’arrivée, encore euphorique après ce numéro.

Mais comment la Visma a-t-elle pu laisser échapper cette victoire ? “Je suis totalement responsable, tranche Wout van Aert sans tourner autour du pot. C’est moi qui ai demandé à ce que l’on opte pour cette stratégie-là de jouer ma carte au sprint”. Plutôt que de tenter de profiter de ce trois contre un pour attaquer Neilson Powless à tour de rôle dans le final, le Belge a ainsi souhaité que son compatriote Tiesj Benoot et le double lauréat de Paris-Nice Matteo Jorgenson se sacrifient pour lui en s’assurant que la victoire se joue au sprint au terme d’un duel avec un Neilson Powless qu’il n’imaginait pas si fort. “C’est une belle leçon et la preuve qu’il ne faut jamais sous-estimer un adversaire”.

« J’AVAIS TROP PEUR QUE LA VICTOIRE NE M'ÉCHAPPE »

Cette décision, Wout van Aert ne l’aurait sûrement pas prise il y a un an. Dans le doute, frustré après des mois difficiles, il voulait cette victoire plus que tout et admet qu’il ne pouvait concevoir que le travail d’équipe favorise une victoire en solitaire de Tiesj Benoot ou Matteo Jorgenson ce mercredi. “J’ai été égoïste dans le final, je voulais tellement cette victoire… Après toutes les critiques dont j’ai été la cible ces derniers temps, et la malchance qui s’est abattue sur moi l’an passé… Je voulais répondre aux critiques en gagnant, justifie celui qui avait été victime d'une terrible chute l'an passé sur cette même compétition. J’avais trop peur que la victoire ne m’échappe si on s’y était pris différemment alors j’ai pensé à moi, pour une fois. Mais c’était une grosse erreur. Je suis très très déçu”. Surtout, Wout van Aert explique avoir été victime de crampes durant le sprint. “Et Neilson a simplement été plus fort”.

Il faut dire que l’Américain admet avoir eu des sensations extraordinaires lors de l’épreuve belge. L’athlète de 28 ans se sentait tellement fort qu’il assure même qu’il aurait sans doute pu suivre d’éventuelles attaques, à tour de rôle, de ses trois adversaires. “J’ai toujours été vigilant à ne pas laisser le moindre écart pour ne pas me faire piéger. J’étais prêt à sauter sur tout le monde. Franchement, j’avais des jambes de folie”. Une seule fois, à 24 bornes de la ligne, il aura failli se faire avoir lorsque Tiesj Benoot a créé une cassure d’une cinquantaine de mètres. Mais il a toujours collaboré sans hésitation. “Je ne voulais pas rouler, en réalité, mais je savais qu’il fallait le faire sinon ils m’auraient attaqué ou laissé des trous à boucher sans arrêt, comme Tiesj l’a fait une fois. Cela dit, je n’ai pas l’impression qu’ils aient mal joué le coup. Sur le papier, c’était normal d’imaginer que Wout allait me battre”. Mais il n’en a rien été.