Thomas Gloag : « Une expérience incroyable »

Crédit photo Corentin Richard / DirectVelo

Crédit photo Corentin Richard / DirectVelo

Thomas Gloag aime la France et ne tarit pas d’éloges sur les épreuves et le cyclisme hexagonal. “C’est vraiment le pays du vélo. Il y a de superbes courses ici et la Ronde de l’Isard en fait partie, c’est mythique de grimper ces cols. J’ai adoré et j’aimerais revenir encore l’année prochaine !”. Mais jusqu’à présent, la France ne lui rend pas totalement cet amour. Certes, le Britannique - souvent très souriant et à la bonne humeur communicative - s’est imposé, samedi dernier, au sommet du Plateau de Beille, endossant par la même occasion le maillot jaune avant l’ultime étape de l’épreuve Espoirs. Mais la dernière journée de course, disputée au même moment que Paris-Roubaix, s’est avérée être un enfer du sud pour le sociétaire de la Trinity Racing Team. Tombé dans la descente du Port de Lers après avoir percuté une voiture de l’organisation, alors qu’il venait de voir Gijs Leemreize s’envoler au sommet de l’ascension, le coureur de 20 ans n’est ensuite pas parvenu à se ressaisir et a perdu son maillot jaune. Un scénario qui n’est pas totalement sans rappeler celui du Tour de l’Avenir : brillant lors des trois étapes de montagne précédentes - trois Top 5 -, il avait dû abandonner dans le courant de la dernière étape à la suite d’une lourde chute. DirectVelo revient sur cette fin de Ronde de l’Isard très animée et sur la solide saison de Thomas Gloag. Entretien en mode “cool attitude” avec un garçon qui fait le boulot mais ne se prend pas au sérieux.

DirectVelo : Comment as-tu récupéré mentalement et physiquement de cette folle étape dominicale ?
Thomas Gloag : Il y a forcément de la déception car ce n’est pas la façon dont j’espérais terminer la course. Quand tu te présentes sur la ligne de départ de la dernière étape avec le maillot jaune sur le dos, c’est pour gagner. Mais il s’est passé ce qu’il s’est passé… J’espère avoir l’occasion de revenir l’année prochaine pour essayer une nouvelle fois. J’adore cette course, elle est fantastique, vraiment ! Le niveau est élevé et les parcours sont merveilleux. J’ai vraiment beaucoup aimé.

Dans quel état d’esprit étais-tu au départ de la dernière étape ?
J’étais plutôt confiant. La 4e étape avait été extrêmement satisfaisante pour moi, évidemment, avec cette victoire au Plateau de Beille. Ce jour-là, j’ai montré ce dont j’étais capable. Pour la dernière étape, forcément, ce n’était pas à notre équipe de durcir la course, on était en contrôle. L’idée était simplement de suivre mes principaux rivaux au général. Et tout s’est bien passé jusqu’à ce que je chute…

« QUAND JE SUIS TOMBÉ, IL N’AVAIT QUE DIX SECONDES D’AVANCE »

On t’a vu allongé sur le sol dans une section qui ne semblait pas particulièrement dangereuse… Que s’est-il passé ?
On était en train de revenir sur une partie de l’échappée et l’organisation avait visiblement donné la consigne aux voitures qui étaient derrière la tête de course de s’arrêter. Des voitures se sont garées à l’extérieur d’un virage et au moment où je suis passé, un des chauffeurs ne m’a pas vu et est ressorti… J’ai percuté la voiture (l’information a également été confirmée par un membre de l’organisation de l’épreuve, qui a pris connaissance d'un choc entre le maillot jaune et un véhicule accrédité présent sur la course, NDLR). J’étais en dernière position de mon groupe, avec Reuben Thompson et l’Espagnol (Fernando Tercero, NDLR) lorsque c’est arrivé. La voiture s’est engagée car elle n’avait pas dû voir qu’il restait encore un coureur dans le groupe (il y avait du brouillard sur le sommet, NDLR). Ce n’était vraiment pas l’idéal, évidemment, mais ça fait partie du cyclisme.

Une partie de la course s’est sans doute jouée sur cette chute, mais il faut également préciser que Gijs Leemreize était déjà parti lorsque tu as percuté ce véhicule…
Il a attaqué sur les dernières rampes de la montée mais je n’étais vraiment pas loin lorsqu’on a basculé. Par contre, c’est vrai qu’il a commencé à faire le trou dans la descente. C’était vraiment très humide, la route était détrempée et je n’étais pas super à l’aise. Mais quand je suis tombé, il n’avait que dix secondes d’avance.

On t’a ensuite vu très à la peine dans le reste de la descente, attendu par l’un de tes coéquipiers qui ne pédalait pratiquement pas par moments…
Ce n’était pas évident de repartir. En plus, avec le brouillard, on ne voyait pas très loin, et j’avais froid. J’ai eu du mal à me relancer. Physiquement, ça allait, car j’étais concentré sur la défense de mon maillot mais ça faisait quand même mal, même si je ne me suis rien cassé. Mais à partir de là je n’avais plus trop de repères. Comme on n’avait pas une grande visibilité, je ne savais plus du tout où étaient les autres coureurs devant moi. C’était bizarre. Et puis, mentalement, c’était dur de se dire que j’allais pouvoir rentrer. J’ai senti que je n’avais pas les jambes pour revenir sur les premiers, même si je n’ai pas lâché.

« C’EST TRÈS BIEN MAIS ÇA AURAIT AUSSI PU ÊTRE MIEUX »

Ce n’est pas la première fois que tu perds gros le dernier jour d’une course par étapes cette saison…
Oui et la dernière fois, c’était déjà en France (rires). Sur le Tour de l’Avenir, je suis tombé lourdement dans la dernière descente de la 8e étape. J’ai quand même pris le départ de la dernière étape mais c’était compliqué. La veille, ils avaient mis en place le protocole commotion pour moi car j’avais quand même cassé mon casque sur la chute. Finalement, il s’est avéré plus raisonnable de ne pas aller au terme de cette dernière étape, même si les radios passées par la suite n’ont rien révélé d’inquiétant. Mais c’était déjà un épisode malheureux… Sur les courses françaises, ça aurait pu mieux se passer cette année quand même (rires). Mais ce sera mieux l’an prochain, j’espère !

Malgré tous ces malheurs, tu as été l’un des Espoirs les plus solides de la saison avec ta 4e place au Tour d’Italie, de beaux accessits au Tour de l’Avenir, une 6e place à Liège-Bastogne-Liège et donc cette victoire d’étape à l’Isard !
C’est vrai que ça a été une saison sympa pour moi. Si on prend tout dans son ensemble et qu’on analyse l’année 2021, on peut dire qu’elle est réussie. C’était très bien mais ça aurait aussi pu être mieux. Je veux encore progresser, je sais qu’il y a beaucoup de chemin à accomplir et je suis très excité à l’idée de faire encore mieux l’année prochaine. Gagner au Plateau de Beille était une expérience incroyable, j’ai ressenti des choses que je n’avais jamais ressenties jusqu’ici. Mais maintenant, je veux pouvoir faire encore mieux. Je veux gagner un classement général, je l’espère en tout cas.

Revenons sur ton parcours jusqu’à présent : où as-tu grandi et comment as-tu découvert le cyclisme ?
Je pratique le vélo depuis mes 10 ans. J’ai commencé sur la piste. La montagne, c’est venu plus tard car en fait, j’ai grandi et je vis à Londres, ce qui n’est pas commun parmi les coureurs britanniques que l’on connaît tous. D’ailleurs, ce qui est marrant, c’est que j’ai là aussi un attachement indirect pour la France puisqu’en Angleterre, il faut savoir que beaucoup de clubs ont des noms français. Apparemment, c’est un truc sympa qui fait bien (rires). Tout ça pour dire que j’ai commencé au Vélo Club Londres. Un nom bien français (sourire). Bon, normalement, en ayant fait de la piste, je devrais être adroit sur le vélo mais apparemment, j’ai encore des progrès à faire vu que je suis tombé plusieurs fois cette année.

« LES MATHS, L’OCCASION DE PENSER À AUTRE CHOSE QU’AU VÉLO »

Te consacres-tu totalement au cyclisme ?
Après le lycée, j’ai pris une année sabbatique, puis je me suis finalement inscrit à l’université à la rentrée. J’étudie en ligne et d’ailleurs, je viens tout juste de commencer ce lundi ! (interview réalisée ce mardi matin, NDLR). Je donne la priorité au cyclisme désormais mais je voulais reprendre mes études pour continuer de faire travailler mon cerveau en parallèle, avec d’autres choses que le vélo. Je me suis donc lancé dans les maths et les stats.

C’est parfait pour le cyclisme : tu vas être un expert dans l’analyse des données physiologiques !
(Rires). C’est clair, ça peut aider ! Mais c’est surtout l’occasion de penser à autre chose qu’au vélo. Je trouve ça super intéressant. Dimanche, quand j’ai quitté la course, j’avais envie de vite passer à autre chose car j’espérais gagner le général et j’ai été vraiment déçu. Et finalement, j’étais content de pouvoir penser à d’autres choses lundi, grâce aux études. Tout ça permet de s’aérer l’esprit et de ne pas cogiter ou ressasser de mauvaises pensées. Je pense aux maths ! Et ça c’est bien aussi.

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Thomas GLOAG