Alan Boileau, de « l’équipe C » au triplé

Crédit photo Tour du Rwanda

Crédit photo Tour du Rwanda

Alan Boileau semble en plein rêve. Le néo-pro de la B&B Hôtels p/b KTM a décroché sa troisième victoire en quatre jours sur les routes du Tour du Rwanda (2.1), ce jeudi. Visiblement au-dessus du lot cette semaine, le Finistérien en profite pleinement et se montre à chaque fois implacable et impeccable au moment de conclure. “Il y a eu une prise de confiance grâce aux deux premières victoires, et ça s’enchaîne bien aujourd’hui encore. La confiance aide à être de plus en plus performant. Gagner trois fois en quatre jours, c’est incroyable !”, se réjouit-il auprès de DirectVelo, une fois de retour à l’hôtel. En pleine euphorie, il n’est pas persuadé de totalement réaliser ce qu’il est en train d’accomplir. “Je n’ai pas eu l’occasion d’avoir beaucoup de proches au téléphone, la connexion internet n’est pas très bonne. Mais je pense que quand je les verrai, de retour à la maison, ce sera un truc de fou et ce sera plus facile à réaliser. En attendant, je lis absolument tous les messages que je reçois et ça me fait très plaisir”.

« ILS M’ONT FAIT CONFIANCE »

Pour obtenir ce formidable triplé, le coureur de 21 ans a pris ses responsabilités. Et ses coéquipiers de la ProTeam bretonne lui ont parfaitement rendu, lorsqu’il a fallu prendre la décision de rouler en tête de peloton pour rentrer sur l’échappée du jour. “J’ai osé dire aux gars que j’étais bien et que je pouvais peut-être encore jouer quelque chose dans le final. Ils m’ont fait confiance. Pierre (Rolland) et Cyril (Gautier) se sont mis à la planche pendant dix bornes puis Jonathan (Hivert) en a rajouté une couche. Quentin (Pacher) et moi avons été mis sur orbite. On a repris le dernier mec aux 300 mètres puis j’ai fini le travail”. En devançant en haut d'une bosse de 1500 mètres et dans un sprint pour costauds Alexis Vuillermoz, pour qui la formation Total Direct Energie avait roulé une majeure partie de la journée et qui rêvait d’un doublé collectif après le succès de Valentin Ferron la veille (voir tous les classements d’étapes). Avec ces trois succès, Alan Boileau devient en quelques jours le troisième meilleur « scoreur » de l’histoire de la B&B Hôtels, derrière les sprinteurs Bryan Coquard et Lorrenzo Manzin. “Certains coureurs ne gagnent qu’une fois dans toute une carrière, ou ne gagnent pas du tout. Alors gagner trois fois aussi tôt, c’est incroyable”, insiste le garçon.

L’ancien membre du VCP Loudéac est d’autant plus heureux qu’il n’avait pas connu des débuts faciles chez les pros ces derniers mois. Son entraîneur, Gaël Le Bellec, explique : “Alan a besoin d’enchaîner les journées de course difficiles pour être performant. C’est comme ça depuis qu’il est Junior. Et une fois lancé, c’est tout bon. Malheureusement, jusqu’ici cette année, il s’est retrouvé dans l’équipe C, en troisième front. Et il n’a pas beaucoup couru”. Depuis le début de l’année, il avait ainsi disputé la Faun-Ardèche Classic, le Samyn, Paris-Troyes et le Tour de Valence. “J’ai fait un stage avant Valence, puis un autre après. C’était un bon bloc qui m’a été bénéfique”, assure le principal intéressé. Gaël Le Bellec, pour sa part, évoque l’abandon de son protégé lors de Paris-Troyes, en Classe 2, et la force mentale d’Alan Boileau pour rebondir par la suite. “Il avait pris cher là-bas, comme l’équipe. Il savait que ce n’était pas une course pour lui mais le staff attendait mieux du front présent là-bas (aucun coureur présent dans le groupe de onze qui s’est joué la victoire, NDLR). Chez les pros, quand tu ne marches pas sur des courses comme ça, tu peux vite être cramé. Mais il a su relever la tête et prouver quel est son niveau réel. On va enfin lui faire confiance maintenant !”.

« JE NE SUIS PAS UN GRAND LEADER ET JE NE VAIS PAS LE DEVENIR LA SEMAINE PROCHAINE »

Membre du staff du Stade Rochelais Charente-Maritime WC et désormais à la tête du futur projet d’équipe féminine chez Cofidis (lire ici), Gaël Le Bellec promet ne pas être surpris par les performances d’Alan Boileau ces derniers jours. “Je n’étais pas trop inquiet pour lui. Il grimpe bien, il roule bien, il a aussi une pointe de vitesse. C’est un coureur solide et très complet malgré son petit gabarit. Il a un très bon rapport poids/puissance. Quand toutes les planètes sont alignées, ça peut marcher très fort. Au Rwanda, ce n’est pas le niveau du Tour de France mais ça prouve qu’il est bien et qu’il a d’énormes qualités. Sa première victoire lui a servi de déblocage et depuis, ça déroule”.

Reste désormais à bien encaisser cette folle semaine et à s’appuyer dessus pour la suite de sa jeune carrière. “On verra bien ce que l’on va me dire et ce que ça peut changer, au niveau du calendrier ou des responsabilités. J'aurai peut-être un peu plus la pancarte mais je ne suis pas un grand leader et je ne vais pas le devenir la semaine prochaine. Il y aura peut-être juste un petit peu plus d’attention autour de moi, c’est tout”, analyse Alan Boileau tout en admettant que ses coéquipiers et son staff sont agréablement surpris de ses récents résultats. “On ne s’y attendait pas vraiment. Après la première victoire, on s’était déjà dit que c’était super et que le travail était récompensé. Là, j’ai encore passé un cap, tant mieux !”. Son entraîneur Gaël Le Bellec et son agent, Philippe Raimbaud, ont récemment échangé sur « l’après » Tour du Rwanda. “Notre rôle sera de continuer à le faire bosser et de ne surtout pas s'arrêter-là. Une carrière, c’est long. Ce n’est que le début. Gagner sur une Classe 1 au Rwanda, c’est bien, mais il aspire à mieux. Il ne faut surtout pas qu’il se sente arrivé”, prévient l'entraîneur. 

« IL FAUDRA ASSUMER »

Autre nécessité : veiller à ce que le jeune coureur garde son sang-froid, et les pieds sur terre. “On sait qu’il a ce profil de coureur qui peut sembler arrogant et sûr de lui. Et parfois, dans le milieu, ça dérange. Mais c’est simplement qu’il sait où il veut aller. Après ces trois victoires, il faudra assumer. Mais il est déjà en train de le faire. Quand tu arrives chez les pros et que tu n’as rien gagné, tu ne demandes pas à Pierre Rolland de rouler pour toi… Mais là, il a fait ses preuves et l’équipe s’est mise à la planche pour lui. C’est beau”.

“Je tiens vraiment à remercier l’équipe, ils font un travail extraordinaire”, tient d’ailleurs à souligner Alan Boileau, bien conscient d’avoir la chance de compter sur un groupe uni et dévoué autour de sa personne. “Ils m’ont déposé idéalement au pied de la dernière bosse, c’était super”. Prudent quant à la suite des événements, celui qui enchaînera avec le Challenge de Majorque explique ne pas avoir le sentiment d’être “sur un nuage” et fera tout pour “aider le groupe” dans les jours à venir. À moins qu’il ne soit encore en mesure de jouer la gagne d’ici la fin de l’épreuve ? “Ça ne va pas réussir à chaque fois, bien sûr. Il y aura d’autres occasions où il passera à côté mais il faudra continuer de tenter, rappelle son coach. Il va avoir un nouveau statut et je suis sûr qu’il arrivera à assumer. Et il se mettra à la planche quand il faudra le faire. Dans tous les cas, pour des débuts chez les pros, c’est top”

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