Un « moment exceptionnel » pour Tahiti

Crédit photo Patrick Pichon - FFC

Crédit photo Patrick Pichon - FFC

L’histoire est belle. Pour la première fois, Tahiti a participé, ce mercredi lors du relais mixte, au Championnat du Monde sur route. Taruia Krainer a appris la bonne nouvelle il y a un mois et demi. Avant la course, il a fallu faire un premier contre-la-montre. “On a été prévenu un peu tardivement. On a essayé de trouver des vélos de chrono car on n’en avait pas”, rapporte, à DirectVelo, l’ancien stagiaire du Team Europcar. Grâce au bouche à oreille, les six Tahitiens ont tous trouvé une machine. “Moi, j’ai un vieux Trek de l’époque d’Armstrong, sourit-il. On ne s’est pas pris la tête mais il fallait qu’on ait tous un vélo de chrono car c’est la base, peu importe le circuit”.

LA SECONDE JEUNESSE D’ÉLODIE TOUFFET

Pour trouver des coureurs, le conseiller technique de Tahiti n'a eu aucun mal. Il a construit une équipe en une seule journée. “On avait même des remplaçants”. Parmi l’effectif, une certaine Élodie Touffet, 3e du Championnat de France 2006 à Chantonnay et passée par plusieurs équipes UCI. “Taruia est mon voisin ! Il habite au-dessus de chez moi. On s’entend très bien. Mon conjoint et Taruia sont de bons amis. C’est d’ailleurs grâce à lui qu’on s’est installés à Tahiti. On est venu plusieurs fois puis on s’est installés en 2021, à la suite d’une histoire amicale. C’était une opportunité importante à saisir. On tente l’aventure avec les enfants. Si ça marche, tant mieux et sinon, on aura tenté l’expérience”, confie l’athlète de 42 ans, actuellement clerc d’huissier.

Elle avait arrêté le vélo et n'imaginait pas vraiment reprendre en raison du terrain escarpé sur l’île du Pacifique. “Je ne voulais plus en entendre parler. Mais le président m’a poussé à prendre une licence. Alors j’ai commencé à rouler un peu”. Un mois après son arrivée, elle a disputé une course. “Je ne me suis pas trop mal débrouillée et ça m’a relancée. Mais vraiment pour prendre du plaisir, en course à pied comme en vélo. J’ai combiné les deux, c’était top. J’ai revécu une seconde jeunesse”. Puis Taruia Krainer lui a parlé du Mondial australien. “Je lui ai dit qu’il était fou, que je n’avais pas le niveau pour ça. Mais quand il a annoncé que c’était pour le relais mixte… C’est un honneur et un bel investissement pour la Polynésie. C’était ma première compétition internationale depuis 2008 !”.

DES DRAPEAUX DE TAHITI

Les Tahitiens ont fait les choses bien, avec des entraînements bi-hebdomadaires. “Le but était de ne former qu’un seul groupe”, déclare Taruia Krainer. Grâce à ses six années au Vendée U, il avait de précieux conseils à donner à ses coéquipiers. “J’ai repris quelques exercices qu’on faisait. Ça m’a bien aidé. Tout le monde a bien travaillé derrière”. Avec une envie commune de profiter à fond de ce moment unique. Ils ont logé dans un airbnb, à Wollongong, à un kilomètre de l’aire d’arrivée. “On a voulu en profiter au maximum. On est en train de créer quelque chose, un noyau, une famille”. Il ne cache pas avoir eu une certaine émotion au moment de s’élancer. “Il y avait quelques drapeaux de Tahiti à différents endroits. Sur la fin, c’était vraiment le graal du graal. C’est quelque chose d’énorme”.

Une fois les deux premiers Tahitiens arrivés, les filles ont pris le relais. Avec un état d’esprit bien différent entre les trois féminines. “Je connais l’engouement des Championnats du Monde, des grandes courses… Je venais sans stress, assure Élodie Touffet. On n’avait rien à perdre alors j’ai essayé de détendre tout le monde. Hier (mardi), à la reco, je sentais que les filles étaient un peu tendues. Il fallait savoir jouer avec le vent et avec les virages techniques. Moi, ça me plaît, mais ça peut être stressant”. Elle a dû attendre ses coéquipières dans plusieurs virages. “J’ai dû ralentir. Sinon, on aurait gagné plus de temps mais c’est comme ça, c’est le jeu”.

ATTIRER LES JEUNES

Les six Tahitiens ont tout de même pu un temps profiter des hot seats (voir classement). “Ce Mondial, c’était un moment exceptionnel. On l’oubliera jamais. On sera marqué à vie”, promet Taruia Krainer. Le Championnat du Monde passé, il va pouvoir se concentrer sur le Tour de Tahiti, qui aura lieu du 30 octobre au 5 novembre prochains. “C’est la plus grosse course qu’on organise. On va essayer de préparer au mieux l’évènement, d’attirer plus d’équipes étrangères. On n’en a pas beaucoup, on aimerait bien faire monter le niveau du Tour”.

À la Fédération tahitienne, il y a deux salariés, lui et une secrétaire. “Taruia (Krainer) va dans les écoles pour attirer un petit peu les enfants mais sur les courses, on n’est pas très nombreux, regrette Élodie Touffet. Avec le décalage horaire, il est aussi difficile de suivre les courses européennes. Il n’y a pas de grande ferveur”. Il espère bien surfer sur cette présence au Mondial pour développer le cyclisme sur son île. “C’était pour montrer qu’on fait aussi du cyclisme à Tahiti. Le monde entier a vu ça. C’est top. Ça va peut-être amener les jeunes à faire du vélo”. Il aura désormais une belle histoire à leur raconter.

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Portrait de Taruia Franz KRAINER
Portrait de Elodie TOUFFET