Laurent Mars : « Je ne les ai pas vus une seule fois rigoler »

Crédit photo Aurélien Regnoult / DirectVelo
L’équipe Trustup-CC Chevigny est passée tout près de remporter l’étape de Belley, le quatrième jour de l’Ain Bugey Valromey Tour, grâce à Edouard Claisse. Le club belge parvient chaque année à s’illustrer sur une course où le niveau ne cesse de s’élever et où les équipes se sont professionnalisées. Le directeur sportif de la structure wallonne, Laurent Mars, présent sur l’épreuve pour la 16e fois, analyse l’évolution du peloton Juniors et de la course pour DirectVelo.
DirectVelo : Quel bilan fais-tu de l’Ain Bugey Valromey Tour pour ton équipe ?
Laurent Mars : C'était méga dur. Il y a eu une très grosse édition, très montagneuse. On était venus pour faire un petit peu mieux, mais je suis fier des garçons. Les six coureurs de l’équipe sont à l’arrivée, ce n’est pas le cas chaque année. On est passés tout près de la victoire le quatrième jour avec Edouard (Claisse), qui revient bien en forme. Son objectif, c'est d'être Champion du monde, donc il va maintenant se préparer pour le Mondial de Kigali. Le niveau est vraiment très élevé. Pour une équipe de club, je trouve que ça devient très difficile de se montrer sur le Valromey. Il est difficile d'exister en tant que club familial, avec une structure de gamins de toutes les catégories au sein du club. On n'est pas un Team de performance, comme certaines équipes le sont ici. Quand on voit comment Grenke Auto Eder fait la course... Par contre, nous, le soir, on rigole, et eux ils sont à côté de nous, et ils ne rigolent pas. Ce n'est pas le même vélo.
Le leur est-il trop sérieux, selon toi ?
Je ne sais pas, mais nous on s'amuse. Il y a un esprit de camaraderie. Je n’ai pas beaucoup vu ça chez Grenke Auto Eder qui était dans le même hôtel que nous. Le Valromey, ce sont presque nos vacances. Nos coureurs préparent cette course dans la bonne humeur. Eux, ils étaient tendus tout le temps, alors qu'ils avaient le maillot jaune du début à la fin. Je ne les ai pas vus une seule fois rigoler. Donc est-ce que c'est bien ou non chez les Juniors ? Il y a moyen de faire un long débat là-dessus. Mais chapeau à eux, parce qu'ils ont atomisé le Tour.
Depuis plusieurs saisons, on dit que le niveau est de plus en plus élevé sur la course…
C’est la 16e fois que je suis là avec l’équipe. Au début, on était un peu les rois du pétrole les Belges. Nous avions toujours l'occasion de jouer la victoire. Et là, il faut saisir sa chance dès qu'il y a un millimètre d'ouverture. Le niveau Junior post-Covid a vraiment explosé, sous l'impulsion de Cian (Uijtdebroeks) et Remco (Evenepoel). Maintenant, il faut voir où ils seront dans cinq ans. Je leur souhaite à tous d’être au top niveau. Ils sont déjà hyper professionnels chez les jeunes mais ne sont-ils pas ensuite gavés de vélo ?
« UN BON TIERS S’EST PRIS UNE GROSSE CLAQUE »
Est-ce qu’une équipe de club comme la tienne peut complexer face à une structure comme Grenke Auto Eder par exemple ?
Il n’y a aucun complexe, ils ont deux bras et deux jambes comme nous. Le dimanche, on est passé tout près de la victoire, donc c'est possible de les prendre. Je suis fier de nos garçons, je pense que comme toutes les structures de club qui sont présentes ici, on vient avec le maximum de sérieux possible, mais avec un petit peu de légèreté quand même. Maintenant, il faut voir à long terme et notamment ce qui se passe avec le Valromey. On parle de cette course dès l'hiver, c'est vraiment devenu le gros objectif pour tous les Juniors. Et il faut que ça reste un bel objectif. J'ai peur que dans les 175 coureurs qui ont pris le départ de la course, il y en ait 40 qui arrêtent le vélo la semaine prochaine.
À ce point-là ?
Il y a toujours un vainqueur, mais sur les 175, un bon gros tiers s'est pris une grosse claque. Et nous, notre rôle de club de formation, c'est de les remobiliser et d'essayer qu'ils gardent le moral, parce que c'est clair que les champions d'aujourd'hui sont souvent ceux de demain, mais pas toujours. Il faut que ça reste aussi un peu ouvert. L'année dernière, j'avais vraiment apprécié l'étape qui était taillée pour les sprinteurs. Il y avait eu une belle course, Edouard était déjà sur le podium. Je pense qu'il ne faut pas toujours chercher la difficulté. Quand on voit le dernier raidard à quatre bornes de l'arrivée, le dernier jour, chez nous en Belgique, c'est presque la Redoute. Ils prennent ça en cinquième jour de course. On veut parfois en faire des adultes, mais ce sont encore des enfants.
Et toi, tu prends toujours le même plaisir à encadrer des Juniors ?
Oui, vraiment. Ce sont mes vacances. J'apprécie énormément le comité d'organisation avec Jean-Marc Vivier, qui vient nous rendre visite sur la Famenne Ardenne Classic qu'on organise. C'est devenu un très bon copain au fil des années. J'ai beaucoup de respect et beaucoup d'admiration pour le travail qu'ils font. Ils se réunissent chaque semaine pour proposer ce rendez-vous. Et d'année en année, tout s'est amélioré. Ici, il y a des signaleurs à tous les carrefours. On peut presque rouler les yeux fermés. Ils font vraiment attention à la sécurité. Tout ça a vraiment super bien évolué. C'est vraiment le petit Tour de France des Juniors. Et aussi, au niveau des équipes, on a vu l'évolution des maillots. Il suffit de remonter 15 ans en arrière. Les comités régionaux étaient alors très présents. Tout doucement, ils se sont effacés au profit de très grosses équipes. Quand on voit Groupama-FDJ qui vient ici avec un camping-car et tout le toutim. Il y a un cyclisme qui s'est modernisé. Mais à voir ce que ça donnera dans cinq ou six ans…