Victor Lafay : « Il ne faut rien s’interdire »

Crédit photo Zoé Soullard / DirectVelo

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C’était le 15 mai dernier, sur les hauteurs de Guardia Sanframondi, dans la région de Campanie. Victor Lafay remportait, après une longue échappée, la 8e étape du Tour d’Italie, signant ainsi son premier succès chez les pros. Un moment forcément inoubliable dans la carrière d’un coureur qui n’a fait qu’alterner les hauts et les bas depuis ses jeunes années sur le vélo. DirectVelo fait le point avec le leader de la Cofidis pour le Mont Ventoux Dénivelé Challenge (1.1), où il s’apprête à retrouver la compétition ce mardi.

DirectVelo : Tu as quitté les routes du Tour d’Italie il y a onze jours. Comment vas-tu depuis ?
Victor Lafay : J’ai pu prendre le temps de récupérer tranquillement. Ça m'a fait beaucoup de bien de me retrouver à la maison. Revenir après une longue période en déplacement est toujours quelque chose de ressourçant, ça redonne de l’énergie. J’ai passé quatre/cinq jours sans vélo puis je m’y suis remis petit à petit.

Ce deuxième Grand Tour de ta carrière - après le Tour d’Espagne 2020 - t’a coûté énormément d’énergie tant physiquement que psychologiquement !
Complètement ! D’ailleurs j’avais mal à la tête sur la fin du Giro et c’est pour ça que je ne suis pas allé au bout. Physiquement, ça allait encore, je l’ai senti sur l’étape de 230 km (la 18e étape, la veille de son abandon, NDLR). Je pense avoir plutôt bien géré la situation après ma victoire d’étape. J’ai passé toute la suite de la course à essayer de prendre une autre échappée mais je n’ai jamais réussi à le faire. J’ai souvent fini tranquillement dans le gruppetto pour garder des forces, ça m’a permis de bien récupérer. Mais nerveusement, c’était fatiguant. Surtout le soir de ma victoire d’étape, bien sûr. Quand le téléphone sonne toutes les deux minutes, même si je ne répondais pas à tout le monde… Il faut gérer. Je n’avais pas levé les bras depuis les amateurs. Il y avait forcément beaucoup d’adrénaline, même si je me suis couché vers 23h30 et que j’ai réussi à faire une bonne nuit de huit heures le soir de ma victoire. Tous les jours, je me demandais ce qu’il allait se passer si je réussissais à prendre une nouvelle fois l’échappée. Car j’ai réalisé l’énergie mentale que ça demande le jour où j’ai gagné. Il faut penser à tout calculer, réfléchir, courir juste, ne pas faire d’erreur… Sans parler de l’effort physique en tant que tel, évidemment. C’est un engagement énorme.

Tu évoques des maux de tête sur la fin du Tour d’Italie : s’agit-il toujours de séquelles de la lourde chute dont tu as été victime lors de la Classic de l’Ardèche en début de saison ?
Ça m'a embêté pendant trois semaines/un mois puis plus rien. Mais je pense que c’est quand même lié. Enfin… Disons que sur la fin du Giro, je n’arrivais plus trop à me concentrer. Mentalement, ça devenait dur. J’avais les paupières lourdes… En quelque sorte, ça devenait même dangereux de continuer. Il était plus raisonnable d’arrêter et de prendre le temps de souffler.

« C’EST SANS DOUTE UN EFFORT UN PEU TROP LONG POUR MOI »

Te voilà de retour à la compétition, ce mardi, sur le Mont Ventoux Dénivelé Challenge. Était-il important pour toi de reprendre rapidement ?
C’était prévu comme ça depuis un moment, avant même que j’abandonne le Giro. J’ai envie de courir et d’enchaîner. J’ai prévu de faire une bonne coupure après le Championnat de France alors je compte enchaîner d’ici-là et profiter de ma bonne condition. C’est pour ça que je suis au Ventoux puis sur Paris-Camembert.

Avec de l’ambition ?
C’est sans doute un effort un peu trop long pour moi, dans le Ventoux. J’ai bien senti sur le Giro que je suis quand même plus un puncheur qu’un grimpeur. Mais il ne faut rien s’interdire. Je vais essayer de faire de mon mieux. Cela dit, vu les mecs qu’il y aura en face, ça va être compliqué de jouer la gagne mais si je peux m’accrocher, je le ferai. Je peux essayer d’accrocher un Top 10, pourquoi pas, d’autant qu’il n’y a pas vraiment d’autre coureur capable de jouer la gagne pour Cofidis avec l’équipe que l’on aligne sur ce profil si particulier.

Ta récente victoire d’étape sur le Tour d’Italie peut-elle changer ta façon d’aborder les prochaines courses ?
Je suis du genre à me mettre de la pression en effet. Je vais peut-être attendre un peu plus de moi-même désormais. Je l’ai fait et donc je sais que je peux le refaire. Il faut en tout cas le voir de façon positive : c’est une victoire qui doit me libérer. Sur le reste de cette saison, je me dis que ça peut m’aider si je me retrouve encore une fois dans une situation similaire. Je pourrai peut-être plus facilement jouer avec mes adversaires en leur disant que j’en ai déjà gagné une belle cette saison. On ne sait jamais, ça peut aider. Ce qui est sûr, c’est que même si j’ai l’habitude de me mettre de la pression, j’ai généralement tendance à bien la gérer.

« C’EST UNE AUTRE FAÇON DE COURIR »

Vas-tu revoir tes ambitions à la hausse ?
J’ai réussi l’un de mes objectifs de la saison, mais on court toujours après plus. Ça ne veut pas dire que je ne me satisfais pas de ça, c’est déjà très bien. Mais on a toujours envie d’aller encore plus loin. Je pense que c’est essentiel pour être motivé et pour continuer de progresser quand on est un athlète de haut niveau. Je dois être ambitieux et espérer faire de belles choses. Alors oui, je vais être ambitieux. Paris-Camembert est une course intéressante, puis il y aura le Championnat de France où les favoris se marquent, parfois. On pourrait avoir une course ouverte, alors on ne sait jamais. Il faudra tenter.

Avant le Giro, tu avais terminé 4e du Tour de Valence. Souhaites-tu jouer plus régulièrement le classement général des courses par étapes à l’avenir ou t’imagines-tu plus performant en tentant des coups ?
J’aime bien prendre des échappées. C’est la façon la plus facile de gagner, entre guillemets. Peut-être qu’un jour j’arriverai à gagner une course en restant dans le groupe des favoris, mais c’est compliqué… Jouer le général, pourquoi pas sur des courses d’une semaine, mais il faut que je progresse encore. Et puis, on en revient à cette histoire de dépense d’énergie. C’est une autre façon de courir. Tu n’as pas le droit à la moindre erreur sur la moindre étape quand tu joues un général.

T’attends-tu à avoir plus de responsabilités au sein du collectif de la Cofidis ?
Je pense que ça va venir petit à petit, oui. Mais ça dépend aussi de l’équipe alignée sur les courses, et bien sûr de ma progression car il reste du travail. L’équipe est sans doute prête à me donner ma chance sur des terrains qui me conviennent, notamment lorsqu’il n’y a pas trop d’autres coureurs de mon profil alignés sur le même front. Ce sera le cas au Ventoux. En quelque sorte, j’y serai le leader de l’équipe. C’est une expérience bonne à prendre.

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