La Grande Interview : Simon Guglielmi

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Le Mont du Chat, une difficulté devenue mythique pours les jeunes grimpeurs Juniors qui rêvent des sommets. L’ascension savoyarde est tous les ans escaladée lors de la Classique des Alpes. C’est au milieu de celle-ci, sur les hauteurs du Lac d’Aiguebelette, que Simon Guglielmi a fait ses armes. Après des années de progression constante, sans faire grand bruit, le Savoyard est désormais devenu l’un des coureurs les plus réguliers du peloton amateur français. Alors qu’il est en course pour remporter le Challenge BBB-DirectVelo Espoirs (voir classement), le coureur de 21 ans est sans doute à quelques jours de remporter la Coupe de France DN1 avec le collectif du CR4C Roanne. Ne reste plus qu’au détenteur d’une Licence STAPS option enseignement à conclure le travail, ce week-end sur la Boucle de l’Artois. Avec, également dans un coin de sa tête, de décrocher d’ici la fin de l’exercice 2018 une victoire, après laquelle il tourne depuis près d’un an.

DirectVelo : Tu t’apprêtes à vivre un week-end primordial avec l’ensemble de tes coéquipiers sur la Boucle de l’Artois !
Simon Guglielmi : Le staff nous a encore mis dans des conditions idéales. Je pense que nous sommes la première équipe à être arrivée sur place. Nous allons repérer chaque étape en ligne et le contre-la-montre et je pense que ça peut être un avantage. Plus encore sur une épreuve comme celle-ci, où le vent pourrait jouer un rôle. On essaie simplement de mettre toutes les chances de notre côté avec l’objectif de gagner la Coupe de France.

Comment imagines-tu cette dernière manche ?
Je pense qu’il pourrait y avoir une course de mouvements, encore une fois. En DN1, on ne sait jamais comment ça peut se passer. Il suffit de repenser au scénario du Grand Prix de Cherves, par exemple. La course était pliée après cinq kilomètres avec ce groupe imposant qui était parti et n’a jamais été revu (voir classement). Et ça peut aussi arriver avec un sprint massif sur les étapes… Cela dépendra peut-être des conditions météos mais dans tous les cas, nous avons des coureurs avec tous types de profils. On est assez polyvalent.

Le CR4C Roanne est en tête de la Coupe de France depuis la première manche, Bordeaux-Saintes : y’a-t-il une pression particulière au moment de conclure le travail de toute une année ?
C’est vrai qu’il y a un peu de pression car on veut gagner, bien sûr. On est obligé de rester concentré au maximum. Maintenant, vu l’équipe que l’on a, nous sommes en confiance. Personnellement, j’ai envie de me faire plaisir et que l’on fasse la course, collectivement. Il y a la pression du résultat, oui, mais c’est sans doute en faisant une course sans trop calculer que l’on arrivera à gagner cette Coupe de France DN1.

« CE N’EST PAS CATASTROPHIQUE »

La saison touchera bientôt à sa fin. Avec cette dernière manche de Coupe de France, qui a servi de fil rouge au club toute la saison, tu dois avoir l’impression d’être sur le point de refermer un grand chapitre…
On ferme un chapitre, oui. La Coupe de France structure, en quelque sorte, la saison d’une formation de DN1. Donc on arrive au bout de quelque chose. Collectivement, ce serait parfait de clore ce chapitre là par un succès final au classement par équipes. On a fait une très belle saison et c’est la dernière grosse échéance du club. Cela dit, il y aura encore de quoi rester motivé pour chaque coureur en fin de saison.

Justement, on imagine que tu auras à coeur d’essayer d’en gagner une d’ici la fin de saison, toi qui tourne tant autour depuis le début de l’année…
(Rires). Je me doutais que l’on allait aborder ce thème des places d’honneur ! En fait, au point où j’en suis, je me dis que je suis encore en avance en comparaison avec l’année dernière, puisque j’avais attendu le Trophée des Champions pour gagner. Ce n’est pas catastrophique, mais c’est vrai qu’il ne va pas me rester beaucoup d’opportunités.

Cette saison, tu comptes un total de six podiums pour dix-huit Top 10. Dans quel état d’esprit te retrouves-tu au soir ou au lendemain d’une place de 2 ou 3 ? Ressasses-tu, ou parviens-tu à passer rapidement à autre-chose ?
Disons qu’à chaud, quand je sais que cela ne s’est pas joué à grand-chose, ou à une erreur de ma part, c’est dur à accepter. Je me dis : “putain, t’as encore fait de la merde alors que physiquement, tu pouvais la gagner…”. Et ça m’énerve ! Mais le lendemain, j’essaie de relativiser et je suis quand même content car je me dis que ça reste de bons résultats sur de grosses courses. Il y a quand même un petit pincement et un sentiment d’inachevé. Il arrive souvent que je me refasse le sprint, le soir, avant d’aller au lit. Je me questionne, je ne comprends pas pourquoi je n’ai pas fait le bon choix au bon moment.

« JE VAIS FINIR PAR EN CLAQUER UNE »

Et ça ne t’aide pas pour les fois suivantes ?
Ca devrait, mais quand je vois que je fais deux fois la même erreur à Cherves puis sur l’étape du Tour de l’Avenir… Je pense que c’est un problème de confiance avant tout. Tant que l’on n’a pas gagné, c’est dur de savoir conclure.

N’y-a-t-il pas des courses pour lesquelles tu n’as aucun regret, considérant que les coureurs qui t’ont devancé étaient simplement plus forts ?
Si, bien sûr. Cette année, c’est arrivé par exemple sur l’étape du Kreiz Breizh ou à Vougy. J’étais battu par des mecs plus forts (Alistair Slater puis Fabien Schmidt, NDLR). Dans ces cas-là, mes 2e ou 3e places sont satisfaisantes et j’ai le sourire. C’est seulement quand je fais une erreur tactique que je m’en veux. Quand tu es battu à la pédale, tu ne peux pas avoir de regrets. C’est le sport.

Tu ne crains pas la loi des séries ?
Pas du tout, au contraire ! Je me dis justement que ça va forcément s’arrêter à un moment ou un autre et que je vais finir par en claquer une. Quand tu te sens bien physiquement, ça ne peut que finir par sourire. La roue va tourner, j’en suis sûr.


« IL FAUT QUE J’ARRIVE A FAIRE LE VIDE »


Tu parlais tout à l’heure d’un “problème de confiance”. Comment le gommer ?
Quand un coureur a déjà gagné cinq fois dans la saison, il n’aborde pas le dernier kilomètre de la même façon que moi. Quand tu as déjà gagné, tu sais quoi faire. C’est plus facile. Personnellement, j’ai la peur de me louper encore et en me disant ça, je ne suis pas dans de bonnes conditions. Il faut que j’arrive à faire le vide et à me convaincre que ça va le faire.

Comment se passe un dernier kilomètre de course lorsque tu es sur le point de jouer la victoire : as-tu le temps de penser aux précédents sprints, de cogiter ?
Sur l’étape du Tour de l’Avenir, nous étions devant pendant une centaine de kilomètres et j’ai eu le temps de me demander : “si ça arrive au sprint, comment je vais faire ?”. Parfois, j’y réfléchis bien avant mais au moment où ça se fait, tu te trompes quand même d’un dixième de seconde et c’est fini. Par exemple, je peux me convaincre de lancer le sprint le premier, mais il y a quand même, au final, un autre coureur qui va lancer juste avant moi. Le temps d’aller chercher la roue, le sprint ne se passe plus du tout comme tu l’aurais imaginé…

Discutes-tu de ce manque de confiance avec tes proches ?
Mes coéquipiers me vannent pas mal là-dessus. Mon père me dit souvent qu’il faut que j’ai les crocs et que je sois un tueur. Il me dit : “tu as encore eu peur de perdre…”. J’en parle un peu également avec Nicolas (Boisson, son entraîneur depuis de longues années, NDLR) et avec ma copine, qui souhaite d'ailleurs travailler dans le domaine de la préparation mentale. Cela dit, il ne faut pas en faire des tonnes non plus. Encore une fois, il y a quand même plein de courses sur lesquelles je suis simplement battu par plus fort. Je n’ai pas perdu dix courses dans l’année à cause d’une erreur non plus.

« LE BUT N’EST PAS DE GAGNER 36.000 COURSES »

Beaucoup de coureurs dans le peloton aimeraient pouvoir se vanter d’un si grand nombre de places d’honneur en fin de saison…
C’est sûr que ça montre une certaine régularité tout au long de l’année, même si comme je le dis souvent, je préférerais avoir une grosse victoire que toutes ces places-là. En fait, l’idéal, ce serait simplement de pouvoir concrétiser cette régularité avec une gagne de temps en temps. Le but n’est pas de gagner 36.000 courses dans ta carrière, ce n’est pas possible. Mais disons que si sur le total de places d’honneur que j’ai dans l’année, je pouvais en gagner trois ou quatre belles, on pourrait pratiquement parler d’une saison parfaite. C’est ça, le but. En tout cas, c’est sûr que dans l’optique d’un passage chez les pros, la régularité est importante également. Si tu gagnes une course et que tu ne fais rien d’autre de l’année…

Ta régularité est aussi vraie en terme de sélections en Equipe de France. Cette confiance du sélectionneur national, Pierre-Yves Chatelon, t’a-t-elle aidé ?
Pierre-Yves a vu passer énormément de coureurs, il a une grande expérience. Le fait qu’il ait pensé à moi est forcément plaisant. J’ai lu récemment qu’il disait que j’étais quelqu’un qui ne faisait pas de bruit dans un groupe mais qui était utile et c’est plaisant de la part de quelqu’un qui connaît si bien le vélo. Cela motive encore davantage.

Qu’apporte une sélection en Equipe de France ?
Quand tu es Français, une sélection, c’est le maximum que tu puisses faire. Il n’y a rien au-dessus. C’est pour ça que tous les coureurs en rêvent. Lors des premières sélections, tu as le petit truc en plus… C’est une récompense ! En même temps, il faut faire attention. C’est une certaine pression et d’ailleurs, il m’est souvent arrivé que l’on me félicite pour mes sélections. Mais ce n’est pas une fin en soi. Le but, c’est d’être performant lors de ta sélection. Si tu es choisi, c’est que tu as les qualités physiques pour répondre présent derrière et représenter le pays. Je trouve que ça donne encore une motivation supplémentaire car beaucoup de monde aimerait être à notre place. Quand tu es sélectionné, tu as des gens à ne pas décevoir et il faut prouver que tu mérites d’être-là.

« JE LEUR AI DIT QUE J'ÉTAIS UN GRIMPEUR »

On te décrit avant tout comme un coureur relativement complet. Pourtant, en tant que Savoyard, tu as passé toute ta jeunesse à avaler des cols et on aurait pu t’imaginer un avenir de grimpeur !
Depuis que je suis tout petit, comme j’ai vécu à Chambéry, je rêvais d’être un grimpeur. Ce sont les grimpeurs qui me faisaient rêver sur le Tour de France. En plus, j’ai fait cette 2e place sur la Classique des Alpes en Juniors (voir classement) et lorsque je suis arrivé au CR4C Roanne, je me souviens qu’ils m’avaient demandé quelles étaient, selon moi, mes spécialités au moment de confectionner le calendrier de la saison. Je leur ai dit que j’étais un grimpeur (sourires), qui descendait bien également. Et donc, je comptais viser les courses de montagne ! Mais le staff a vu que je n'étais pas forcément taillé pour la montagne et qu'en arrivant chez les Espoirs, il fallait remettre les compteurs à zéro. Et effectivement, j’ai vite compris que je n’étais pas un grimpeur lors de ma première Ronde de l’Isard. Mes rêves de devenir grimpeur ont pris fin à ce moment-là (sourires). Bon, cela dit, je grimpe quand même assez bien. Depuis mes débuts, on se tire la bourre avec les copains dans les cols, donc je connais. D’ailleurs, j’ai plutôt bien passé la montagne au Tour de l’Avenir.

En terme de caractère, on te sent assez méticuleux…
Quand je fais quelque chose, je veux que ce soit bien fait. C’est le cas dans tous les domaines. A l’école, j’ai toujours fait en sorte d’arriver prêt au maximum avant un examen. J’essaie de faire les choses bien quand j’entreprends une tâche, je pense que c’est important, d’abord pour soi. C’est le plaisir du travail bien fait. Dans le cyclisme, c’est pareil. Quand j’arrive sur une course, j’aime savoir que tout est optimisé. C’était le cas récemment au moment d’arriver sur le Tour de l’Avenir, par exemple. Je savais que je m’étais bien alimenté avant, que j’avais bien travaillé à l’entraînement… J’avais fait tout mon possible pour être bien au moment d’arriver sur la course. Après, il n’y a plus qu’à.

Cela évite aussi d’avoir des regrets ?
Forcément. Si tu sais que tu as fait les choses à fond, tu ne peux pas t’en vouloir le jour où tu n’es pas au niveau. Il faut aussi réaliser qu’il y a des choses que l’on ne peut pas faire toute sa vie. Combien de fois tu peux disputer un Tour de l’Avenir dans une carrière ? Il faut le vivre à fond et se donner tous les moyens de réussir.


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