L’Etoile de Bessèges ne compte pas cesser de briller

Crédit photo Xavier Pereyron / DirectVelo
« Les étoiles sont éclairées pour que chacun puisse un jour retrouver la sienne », écrivait Antoine de Saint-Exupéry dans le célèbre Petit Prince. À Bessèges, commune cévenole du Gard, autrefois réputée pour son industrie - charbon et sidérurgie -, on a bien un temps été tenté de baisser les bras, de laisser la lumière s’éteindre et de tomber le rideau après 55 éditions d’une épreuve marquante du calendrier cycliste. Du côté de l’organisatrice Claudine Fangille, d’abord. Sonnée, dans les cordes après les différents coups du sort et les problèmes de sécurité qui ont émaillé son épreuve en février dernier, terriblement déçue par le comportement de certaines formations qui ont mis les voiles à 48 heures de l’arrivée finale, la présidente de l’organisation admet avoir réellement envisagé de tout laisser tomber. Cinq ans après avoir repris le flambeau de son père Roland Fangille, créateur de l’Étoile et décédé en 2020, peut-être était-il temps de refermer le livre au terme d’un chapitre particulièrement intense et riche en émotions. Finalement, malgré les coups durs, nombreux et violents, Claudine et toute son équipe sont prêts à faire briller l'Étoile, encore en 2026, entre les collines boisées du Gard et la Cèze.
UNE RÉUNION À PARIS
“On s’est rendu compte que l’on avait énormément de soutien de tous les côtés, des gens qui nous ont fait savoir que l’on pouvait compter sur eux pour 2026, qu’ils ne souhaitaient pas arrêter. Personnellement, je n’avais pas envie de repartir, mais j’ai senti beaucoup de soutien, d’envie…”. Les échanges avec préfet et sous-préfets, ainsi qu’avec des maires, lui ont également donné du baume au cœur. Elle s’est ainsi laissée convaincre par ce bel élan de solidarité et cette force collective.
Fin février, trois petites semaines après la fin de l’édition 2025, Claudine Fangille et son beau-fils Romain Le Roux, ancien coureur professionnel et responsable de la sécurité sur l'Étoile, sont montés à Paris. Ils ont pu échanger, longuement, avec Arnaud Platel, directeur de la Ligue Nationale de Cyclisme, Thierry Gouvenou, Président du ROCC, Yvon Sanquer, Président de l’Association des Groupes Cyclistes Professionnels ou encore Pascal Chanteur, à la tête de l’UNCP. “On a évoqué les problèmes que nous avions rencontrés pendant la semaine”.
UN REFUS D'OBTEMPÉRER AVÉRÉ
Entre-temps, lumière a été faite en partie sur les deux incidents majeurs de la compétition. “Les gendarmes ont fait leurs recherches. L’incident du jeudi, c’est une dame qui devait aller à la pharmacie. Elle a reconnu avoir été arrêtée par deux fois mais être repartie malgré tout. C’est un refus d’obtempérer, le dossier est entre les mains du procureur. Pour l’incident du vendredi (celui qui a fait partir de nombreuses équipes en raison de l’aspect répétitif), il reste un flou sur la position exacte du véhicule mais contrairement à ce qu’ont dit certains coureurs, la conductrice ne comptait pas repartir, puisqu’il a été prouvé qu’elle a pris des photos du passage des coureurs devant elle. On a retrouvé les photos dans son téléphone”. Ces détails précieux ont été communiqués à l’UCI en réponse d’un courriel initial de l’institution. “On y a répondu dans les temps impartis, avec les éléments que l’on avait eus de la gendarmerie, notamment sur le refus d’obtempérer. On n’a pas eu de réponse depuis”.
Ces derniers mois, les incidents se sont multipliés sur les compétitions, y compris au plus haut niveau mondial. “Ça n'aide pas forcément à mieux le vivre”, assure pour autant Claudine Fangille. “Pour la voiture qui a failli sortir au nez des échappés au Dauphiné, on n’était pas devant la télévision, mais mon téléphone et celui de Romain n’ont fait que vibrer pendant quelques minutes. On nous écrivait : « vous voyez, encore une preuve que ce n’est pas que chez vous ». Les gens veulent nous rassurer mais en fait, ça ne me rassure pas car on se rend compte que même pour les plus grandes courses, qui ont des moyens autrement plus importants que nous, on n’est quand même pas à l’abri. On se dit qu’il y aura toujours un risque que ça recommence et ça fait peur”.
EN 2026, DES MOTARDS EN PLUS ET DES COUREURS EN MOINS
Malgré ce triste constat, l’organisatrice de la première course par étapes française de la saison a réfléchi, avec ses équipes, à différentes solutions pour maximiser les chances de réussite en 2026. Parmi les principales mesures imaginées : “un arrêt de la circulation de trente minutes, contre dix actuellement”. Sept à huit motos-sécurité seront également ajoutées au sein de la bulle course, pour passer de vingt à une petite trentaine. “C’est un coût supplémentaire mais il faut le faire”. Un guide de traversée des communes va également être sollicité “pour tout sécuriser au maximum”, en amont du passage de la course.
Une décision importante a été actée : le nombre de formations au départ de l’Etoile de Bessèges en 2026. Elles ne seront plus que 18 sur la course, contre 21 cette année. “Pour la sécurité, c’est toujours mieux”. Alors que les frais de gendarmerie vont encore augmenter de 20% - soit environ 10 000 euros supplémentaires - et que la présence de sept à huit motards de plus va également faire augmenter la facture de 5 000 euros, cette diminution du nombre de formations permettra de compenser cette perte financière, la présence d’une équipe coûtant environ, d’après nos informations, 7 000 euros au comité d’organisation. Bien sûr, Claudine Fangille n’omet pas de rappeler que “priorité sera donnée aux équipes qui ont fini la course cette année”.
DES ADAPTATIONS AU NIVEAU DU PARCOURS
Le nombre de jours de course, lui, ne changera pas, avec une Étoile de Bessèges prévue du 4 au 8 février 2026 sur cinq étapes. “À l’instant-T, on ne voit pas l’intérêt financier de raccourcir d’une journée. Mais qui sait, peut-être qu’on finira par le faire dans quelques années…”. Claudine Fangille assure n’avoir eu aucun mal à trouver de villes-étapes pour l’an prochain malgré les incidents de février dernier. “En fait, on avait déjà les candidatures avant l’édition 2025 et les mairies sont toujours partantes malgré ce qu’il s’est passé”.
Les parcours devraient également évoluer, à la marge, alors que de nombreux débats quant à la possibilité (ou nécessité, pour certains) de multiplier les courses en circuit avaient eu lieu les jours suivants la dernière édition. “On ne peut pas faire que des circuits, ce n’est pas possible. Mais on a eu de longues réflexions sur la façon de s’adapter”. Ainsi, la fameuse étape du vendredi, celle de Bessèges, est actuellement même retracée par Romain Le Roux. Les habituels Col de Trélis et Col des Brousses devraient être escaladés trois fois chacun dans les 60 derniers kilomètres, via un circuit final modifié. “On va tout faire pour maximiser la sécurité et répondre aux demandes et propositions qui ont été faites”. Dans la mesure du raisonnable, avec des modifications apportées dès l'étape du mercredi. Voilà en tout cas toute une équipe de bénévoles au travail pour redonner toute sa splendeur à l’Étoile. Alors vivement 2026.