Evita Muzic, l'inattendu coup d'éclat

Crédit photo Flaviano Ossola

Crédit photo Flaviano Ossola

Vendredi soir, à 24h de la fin du Tour d’Italie, Evita Muzic n’avait qu’une idée en tête : assurer jusqu’au bout son rôle d’équipière de luxe pour Cecilie Uttrup Ludwig et permettre à sa leader de monter sur le podium final de l’épreuve (lire ici). Persuadée de voir la Danoise aller au protocole au moins pour endosser le maillot de meilleure grimpeuse de l’épreuve, la Franc-Comtoise s’imaginait déjà devoir faire preuve de patience au terme de la neuvième et dernière étape. “On prendra vite la route pour Imola car il y a quand même quelques heures de voiture pour se rendre sur le lieu du Mondial ! Mais je vais y aller avec Cecilie, notamment, et je risque de devoir l’attendre un moment à cause du podium”, souriait-elle pour DirectVelo. La grimpeuse de la FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope était visiblement très loin de se douter qu’en réalité, elle se retrouverait, elle-même, sur ce fameux podium protocolaire final du « Giro Rosa ». À 21 ans, elle a en effet décroché sa première victoire UCI lors de cette 9e étape du Tour d’Italie, ce samedi après-midi. Et c’est donc directement sur la plus grande course par étapes du calendrier féminin qu’elle a ouvert son compteur. Rien que ça. “Gagner directement en WorldTour, surtout sur le Giro, c’est top. Surtout, ça fait du bien de finir cette longue course sur une bonne note”.

BRODIE CHAPMAN DANS LE RÔLE HABITUEL… D’EVITA MUZIC

Cette victoire, la première en WorldTour pour Evita Muzic mais aussi pour la formation FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope, la Jurassienne est allée la chercher en échappée, avec une journée passée à l’avant sur un circuit difficile à effectuer à quatre reprises autour de Motta Montecorvino, dans la région des Pouilles.
“Il y avait un groupe vraiment imposant devant. Brodie (Chapman) m’accompagnait. On avait pour consigne de ne pas trop rouler dans l’échappée. Il y avait beaucoup de monde devant et on protégeait la place de Cecilie au général, alors on pouvait se le permettre”. Dans l’avant-dernier tour, Brodie Chapman a placé une vive accélération, histoire de tester les forces en présence dans cet imposant groupe de tête. Niamh Fisher-Black et Juliette Labous répondent rapidement et semblent (déjà) les plus à l’aise. “C’était une bonne indication pour le final. Dans ma tête, je considérais qu’il y avait encore beaucoup de filles fortes dans ce groupe et ça me faisait un peu peur, mais j’ai aussi senti que j’avais de bonnes jambes”.

Evita Muzic prend alors ses responsabilités et demande à Brodie Chapman de remettre le couvert dans le dernier tour. L’Australienne s’exécute à la perfection. “Elle a bien contrôlé le groupe puis elle a fait toute la montée à bloc”. Au moment où Brodie Chapman s’écarte, il ne reste plus qu’une poignée de filles en tête. “Peut-être cinq ou six”, hésite Evita Muzic, qui a préféré ne pas prendre le temps de trop regarder derrière “pour éviter de me faire surprendre”, justifie-t-elle auprès de DirectVelo. Il reste alors environ deux kilomètres et la pression s’intensifie. “C’était de la pression positive, mais de la pression quand même. Je me sentais capable de le faire et d’un autre côté, après son gros travail, j’avais conscience de ne plus avoir le choix. Il fallait terminer le travail et gagner cette étape”.

PIZZAS ET GLACES POUR SAVOURER

Brodie Chapman a très bien travaillé mais Evita Muzic ne se sent pas capable de porter l’estocade dans la foulée, au panneau indiquant les deux derniers kilomètres.
“C’était clairement trop tôt, je n’aurais pas pu tenir”. Les filles encore présentes à l’avant se regardent alors dans le blanc des yeux. Qui va bouger la première ? Ellen Van Dijk (Trek-Segafredo) tente le coup. “J’ai tout de suite suivi”. La Néerlandaise prend sa chance une seconde fois, sans plus de succès. Niamh Fisher-Black accélère à son tour aux 300 mètres et cette fois-ci, c’est franchement tranchant. “C’était parfait pour moi. Elle m’a parfaitement emmenée, en quelque sorte”, sourit la lauréate après coup. Evita Muzic garde en effet son sang-froid jusqu’au bout et déborde au dernier moment. Il ne lui reste plus qu’à lever le poing droit au ciel. “Je savais que j’avais la pointe de vitesse pour passer. J’ai tout mis et ça l’a fait”.

Sur la ligne d’arrivée, Evita Muzic - qui rentre également dans le Top 10 du général final en guise de cerise sur le gâteau (voir classements) - devance finalement la Néo-zélandaise Niamh Fisher-Black, qui confirme l’excellent comportement de l’équipe Paule Ka depuis la reprise des compétitions. Sur la troisième marche du podium, une autre Française et même une autre Franc-comtoise, Juliette Labous. “Je suis super contente de partager ce podium avec elle. On se connaît depuis longtemps. On se tire vers le haut depuis les jeunes catégories. On a couru en équipe de France ensemble régulièrement et on s’entend très bien. Et nous voilà sur notre premier podium WorldTour, ensemble”. Que de chemin parcouru en effet et quel symbole pour ces deux jeunes femmes qui se tirent la bourre depuis toutes petites, sur la route comme en cyclo-cross, et qui semblent faire partie du paysage depuis déjà très longtemps alors qu’elles n’ont toutes deux que 21 ans. L’avenir leur appartient. Le présent aussi. “On va profiter et se faire plaisir niveau alimentation ce soir !”, promet Evita Muzic. Au menu : "pizzas et glaces", sourit-elle avec gourmandise. “Il y aura aussi du vin mais ça, c’est pour les autres filles et le staff car moi, je n’aime pas ça !”.

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