Arkéa-Samsic : « On ira au Tour pour le gagner »

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Nairo Quintana monte (déjà) en puissance. Après une reprise fort logiquement poussive sur les routes du Mont Ventoux Dénivelé Challenges (8e), le Colombien a terminé, ce dimanche, 3e du Tour de l’Ain (2.1) derrière Primoz Roglic et Egan Bernal (voir classements). “On voit que la préparation a été bonne. On a aussi pu constater ce week-end que nous sommes proches du niveau des meilleurs, ce qui nous apporte de la sérénité pour les semaines à venir. Il nous reste encore une course de plus, le Dauphiné, pour arriver au top niveau au moment du Tour de France”, relatait l’ancien vainqueur du Tour d’Italie 2014 et du Tour d’Espagne 2016 après l’arrivée. Heurté par un véhicule début juillet et contraint de couper pendant dix jours, le leader d’Arkéa-Samsic admet qu’il n’a “pas été facile de revenir au niveau” mais qu’il s'améliore “petit à petit”. De quoi être rassuré avant un Tour de France d’ici lequel il compte bien avoir retrouvé sa “meilleure condition”.
Au terme de ce Tour de l’Ain, DirectVelo fait le point avec Yvon Ledanois, le directeur sportif de la ProTeam, présent ce week-end sur la course par étapes au côté de Nairo Quintana.

DirectVelo : Quel bilan tires-tu de ce Tour de l’Ain ?
Yvon Ledanois : Un bilan positif. On arrive à faire un podium derrière les deux favoris et les deux équipes les plus fortes. La force de frappe des Ineos et des Jumbo-Visma n’a surpris personne. Ce sont les deux équipes les mieux armées pour gagner le Tour. De notre côté, on est là, on répond présent, avec un podium. C’est bien.

Nairo Quintana semblait déjà un ton au-dessus de jeudi dernier, sur les pentes du Mont Ventoux…
Beaucoup se sont alarmés au Ventoux, beaucoup ont dit des choses. Tout le monde a le droit de parler, bien sûr, mais moi je n’ai jamais été alarmiste comme ont pu l’être certains. S’il y a bien une chose dont j’étais certain au Ventoux, c’est que Nairo allait monter en puissance. Sur cette course, il était en reprise, après un accident et dix jours sans vélo. C’était son premier jour de course, face à des mecs qui revenaient du Tour de Burgos ou de la Route d’Occitanie. J’étais convaincu que Nairo serait déjà mieux au Tour de l’Ain qu’au Ventoux et ça va continuer d’aller crescendo. Je ne dis pas que je le voyais jouer la gagne, mais je savais qu’il serait proche des meilleurs.

Ce dimanche, l’objectif premier était-il de jouer la victoire d’étape dans le Grand Colombier ?
On pensait à la victoire d’étape, bien sûr, mais on est tombé sur deux collectifs très forts, notamment Jumbo-Visma. Tant qu’un leader n’est pas isolé, c’est compliqué de tenter des choses. Or, on a vu que Roglic était très bien entouré jusqu’au bout. Ce n’était pas évident de manoeuvrer dans ces conditions.

« SI ROGLIC NOUS DIT QU’IL N’ÉTAIT QU’À 90%... »

Les formations Jumbo-Visma et Ineos semblent actuellement (très) au-dessus du lot. Considères-tu leur future domination collective sur le prochain Tour de France comme une fatalité ?
Oui et non. Ils seront forcément au-dessus sur certaines étapes du Tour, quand ils auront trois ou quatre coureurs dans le dernier col et que les autres équipes n’auront plus que leur numéro un. Dans ces moments-là, il faudra presque faire une croix sur le fait de tenter quelque chose au risque de tout perdre. Cela dit, je ne me satisfait jamais d’une 6e place et je vais sur le Tour pour le gagner avec l’équipe. On n’ira pas là-bas pour défendre une éventuelle 6e place en troisième semaine, ou même un Top 5. Il ne faut pas se leurrer : Roglic sera très fort et des gars comme Dumoulin ou Kruijswijk risquent d’être impressionnants aussi. Mais on ne sait jamais. Il y aura des circonstances de course particulières, en septembre. La météo peut jouer son rôle. Sans parler du fait qu’on n’aura repris la compétition que début août. Il peut y avoir de jolis coups tactiques également. Pour toutes ces raisons-là, je ne suis pas inquiet et j’y crois.

Primoz Roglic et Egan Bernal déclarent tous deux que peu de choses devraient évoluer dans les trois prochaines semaines, jusqu’au départ du Tour de France. Mais considères-tu que Nairo Quintana, de par les circonstances, a une marge de progression supérieure à ses adversaires à l’instant-T ?
Si Roglic nous dit qu’il n’était qu’à 90% de ses moyens sur ce Tour de l’Ain, alors on peut déjà dire qu’il a gagné le Tour de France… Je ne vois pas comment il pourrait être beaucoup mieux qu’il ne l’était ce week-end. Pour moi, il est déjà au top niveau, en top forme. Nairo a dû couper pendant dix jours suite sa chute. Il n’est pas à 75% non plus, on ne va pas se mentir. Il est déjà en très bonne condition, mais il lui en manque encore un petit brin, et je ne suis pas sûr que ce soit le cas d’un coureur comme Roglic. Si Roglic progresse encore d’ici au Tour de France, ce sera compliqué.

Sur le Tour de France, penses-tu qu’il puisse y avoir une guerre interne pour le leadership dans les équipes Jumbo-Visma ou Ineos, ce qui pourrait profiter à ton équipe, notamment ?
Je ne le pense pas, pas du tout. L’enjeu est tellement important ! Dans chaque équipe, chaque coureur aura une mission bien définie au départ du Tour, c’est obligatoire. Je considère qu’à la fin du Dauphiné, chaque équipe sera en mesure d’établir les rôles de chacun. On a vu sur le Tour de l’Ain que Geraint Thomas et Chris Froome ont bossé pour Egan Bernal, ça prouve que c’est possible. Un gars comme Tom Dumoulin est capable de se transformer en équipier de luxe si on lui demande.

« LA CONCURRENCE N’A PEUT-ÊTRE JAMAIS ÉTÉ AUSSI FORTE »

La composition de l’équipe Arkéa-Samsic pour le Tour de France est-elle déjà décidée en interne ?
Non, l’équipe est faite à 50%. Le Critérium du Dauphiné va jouer. On a une petite idée de ce que l’on va faire, bien sûr, mais il y a des choses que l’on doit encore caler. Ce que je peux dire, c’est que je ne cherche pas forcément à créer une “bande de copains”. Le but, c’est d’avoir la meilleure équipe possible sur le terrain. C’est important de le dire. On veut des mecs à 100% et capables de performer. Le Tour de l’Ain pouvait donner quelques enseignements mais il faut vraiment attendre le Dauphiné pour décider. J’aurai plus d’éléments à ce moment-là. Il est trop tôt pour juger car certains coureurs ont besoin de temps pour se mettre en route.

Quelles seront les ambitions de Nairo Quintana et du Team Arkéa-Samsic sur ce Tour de France ?
On ira au Tour pour le gagner avec Nairo. Je n’ai pas envie de dire qu’on ira pour faire au mieux ou pour gagner une étape, ce serait mentir. Il a déjà terminé sur le podium du Tour, il a gagné le Giro et la Vuelta. Le Tour n’a jamais été autant taillé pour les grimpeurs. Ce ne serait pas sérieux de dire qu’on vise un Top 5 dans ces conditions. Alors oui, on y va pour le gagner, mais en ayant bien conscience qu’en face, la concurrence n’a peut-être jamais été aussi forte ! Au moins, ça donne du piment.

Nairo Quintana peut-il encore espérer atteindre, dans le futur, un niveau qu’il n’a jamais atteint jusqu’à présent, ou ses meilleures années sont-elles derrière lui ?
En terme de progression physique, il ne pourra peut-être pas aller plus haut. Par contre, il a une marge de progression certaine sur le plan tactique et en terme d’expérience. Parfois, un coureur est très fort mais s’il n’est pas intelligent en course, cette force ne sert pas à grand-chose. Cette année, le Tour de France représente un challenge particulier de par les circonstances. Je suis convaincu qu’avec Nairo, on est sur le bon chemin pour réaliser quelque chose de bien.  

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