Corse : Vers un retour du Tour de l’île ?

Crédit photo Fabien Boukla / ASO

Crédit photo Fabien Boukla / ASO

Antoine Bartoli le clame haut et fort comme l’une des grandes priorités du comité corse de cyclisme : “On va essayer d’avoir un calendrier plus fourni car ces dernières années, on était très limité : on a quatre courses sur route et une dizaine de courses en VTT. On aimerait en ajouter quelques-unes dès 2022, c’est prévu” (relire ici nos quatre précédents numéros sur la santé du cyclisme corse). Parmi les dossiers sur la table, le retour du Tour de Corse, dont la dernière édition s’est tenue en 2014. Mais pour quand, et sous quel format ? Les avis divergent nettement, une fois encore. “C’est très compliqué et c’est un projet qui n’est pas à l’ordre du jour. Ce ne serait pas vraiment porteur, pour l’île comme pour nos licenciés. Sur l’île, à l’instant-T, il n’y a même pas une dizaine de coureurs corses qui pourrait y participer, donc ça ne vaut pas le coup”, lance le nouveau président du comité, Antoine Bartoli, à propos d’un Tour de Corse amateurs. “Il faut peut-être d’abord passer par des formules type cyclos, des événements qui donnent envie de s’y mettre”, appuie Cyrille Vincenti, ancien coureur de DN et en charge du SRC Bastia, en plus d’être le gérant du plus grand magasin de cycles de l’île, à Bastia.

Stéphane Ruspini, l’ancien président du comité, affiche régulièrement ses ambitions quant au devenir du cyclisme corse. Mais cette fois-ci, il se fait plus discret, évoquant “le besoin d’avoir du concret comme la finale de la Coupe de France enduro”. Autrement dit, le retour du Tour de Corse ne semble pas franchement à l’ordre du jour, du moins ni à court ni à moyen terme. L’arrivée de Pierre-Maurice Courtade - patron du Tour de la Provence et du Tour de Savoie-Mont-Blanc - débarqué sur l’île l'automne dernier avec son nouveau format d’ISULA Race (lire ici), a tout de même de quoi intriguer. Et s’il s’agissait d’un premier repérage, d’une prise de contact avec les acteurs du cyclisme régional avant d’y poser d’autres billes à l’avenir ? “Quand le club du SC Bastia et CorsiCom nous ont contactés, c’était dans le but de relancer le cyclisme en Corse à travers un Tour de Corse. On a proposé cette épreuve, l’ISULA Race, en tampon. Préparer un Tour de Corse en quelques mois était trop compliqué. Il faut y aller étape par étape en Corse. On a donc défini ce format-là”, lâche-t-il pour DirectVelo. Certaines voix s’élèveraient donc bien en faveur d’un retour du Tour de Corse. Mais, comme pour l’ISULA Race, pas forcément en passant par le comité.

TOUR DE CORSE : UN RETOUR CHEZ LES AMATEURS… OU LES PROS

Si Pierre-Maurice Courtade insiste sur le fait qu’il a déjà bien d’autres choses à gérer, et en particulier l’organisation de son Tour de la Provence en février prochain, il concède bien volontiers qu’il est intéressé par l’idée. “Quand on est passionné de cyclisme et qu’on aime la Corse, forcément, on y pense. Mais je fais très attention à ne pas mélanger le côté passionnel et le travail. Refaire un événement sans qu’il ne bénéficie aux gamins, ça ne sert à rien. Le cyclisme est un sport populaire : il faut maintenir cette popularité. Je ne connais pas du tout le cyclisme local ni le nouveau président. C’est une inconnue pour moi. Nous sommes motivés pour refaire un Tour de Corse, mais il faudrait que toutes les planètes soient alignées”. Et se mettre d’accord sur ce que l’on souhaiterait faire de cette nouvelle formule du Tour de Corse. Lorsque l’on interroge les cyclistes locaux ou les membres du comité, tous ou presque évoquent le retour d’un Tour de Corse amateur, sous son précédent format. Pierre-Maurice Courtade, lui, rêve de proposer un Tour de Corse professionnel comme il a déjà existé de 1971 à 1982. “Si on refait un Tour de Corse, il faut que tout le monde soit fédéré autour de ça. Aujourd’hui, je ne suis pas sûr qu’il y ait le contexte pour le faire. Je ne sais pas s’ils sont prêts à se coordonner. Mais vu la géographie de l’île, il y a quelque chose de magique à faire”.

En résumé : l’idée et l’envie sont là, mais le projet et le concret semblent encore loin. Presque hors de portée à l’instant-T. “Une cyclo va être organisée sur le parcours du GT20 (un itinéraire cyclable de 600 km inauguré à l’été 2019 et qui lie Bastia à Bonifacio, du nord au sud de l’île, en douze étapes, NDLR). Ce type de projet me semble plus intéressant à ce stade, sachant que l’idée est avant tout de permettre aux licenciés corses de courir, plutôt que d’organiser des événements en faisant venir des coureurs de partout”, relance Antoine Bartoli.

LE TOUR DE LA PROVENCE… EN CORSE ?

Autre projet envisagé (de loin) : voir la Corse accueillir plusieurs étapes du Tour de la Provence dans les années à venir. Ce Tour de la Provence de Pierre-Maurice Courtade qui ne cesse de grandir au fil des années et qui accueille des plateaux qui n’ont parfois pas grand-chose à envier à certaines épreuves du calendrier WorldTour. Lorsque l’on évoque l’idée avec l’organisateur de l’épreuve provençale, il esquisse d’abord un sourire en sentant venir la question. Puis il répond : “Très honnêtement, je ne sais pas. J’en ai envie, c’est sûr. Ce serait exceptionnel de faire un vrai tour de la Méditerranée, mais c’est très compliqué”.

Imposer un trajet en avion aux coureurs entre deux étapes - comme cela avait été fait lors du Tour de France 2013 - ne semble pas être le frein principal à cet éventuel projet pour Pierre-Maurice Courtade. “La Corse est très bien desservie. Sur certaines courses italiennes ou espagnoles, il y a parfois 1h30 de transfert le matin d’une étape. Entre la Corse et le Continent, il n’y aurait pas plus. Tout est réalisable. Si vous faites une arrivée d’étape à Bastia, que vous prenez un avion le lendemain matin à 9h30, vous êtes sur le Continent à 10h45 pour le départ d’une étape. Mais ça peut bloquer ailleurs. Dans le cyclisme d’aujourd’hui, et dans le monde actuel plus généralement, c’est trop compliqué, notamment au niveau de la RSE”, rappelle-t-il en évoquant la Responsabilité Sociétale des Entreprises, qui désigne la prise en compte par ces mêmes entreprises des enjeux éthiques ou environnementaux de leurs propres sociétés, liés à leurs différentes activités et organisations.

UNE TERRE FAVORABLE AUX STAGES DE PRÉ-SAISON ?

Loin de toutes ces idées pour lesquelles certains ont du mal à se projeter, Antoine Bartoli tient à rappeler les difficultés actuelles de son comité. “On va essayer de maintenir l’activité cycliste en Corse, mais encore une fois, on est sur un radeau”. Comme pour s’éloigner encore un peu plus de ce type de projets ambitieux ? Pierre-Maurice Courtade a lui plein d’idées pour la Corse. Outre l’organisation même d’événements, il se demande pourquoi la Corse ne pourrait pas servir de camp de base pour certaines équipes professionnelles, notamment à l’occasion des stages de pré-saison. Comme ce fut le cas pendant un temps de la FDJ. “La Corse n’a rien à envier à Calpe et pourrait devenir une destination exceptionnelle pour les coureurs. Prenez l’île de Majorque au mois de février : elle organise une épreuve en tout début de saison, j’y suis allé deux fois. Quand on voit le nombre de cyclotouristes sur place, c’est exceptionnel. Économiquement, c’est exceptionnel également, ça fait tourner les hôtels et vivre tout le monde. La Corse a, selon moi, ce même potentiel”.

“Amoureux de l’île”, il ne manque pas d’idées. “La Corse a tout pour proposer de belles choses. Mais entre être amoureux d’un territoire et y travailler, ce sont deux choses différentes. J’ai envie de m’investir d’un point de vue personnel, oui. Mais si je pense à l’aspect professionnel, je suis obligé d’admettre que rien n’est fait, loin de là. Il faut savoir faire la part des choses. Quoi qu’il advienne, l’expérience que l’on a eue en Corse était superbe”. Mais délicate. Alors, l’ISULA Race était-elle le symbole d’une première approche sur le territoire corse pour Pierre-Maurice Courtade avant de s’investir plus encore dans le cyclisme régional ? Ou s’agissait-il d’un simple « one shot » ? Il faut respecter leurs valeurs. Est-ce qu’on est venu de la bonne façon, via la bonne entrée ? Je ne sais pas. On verra ce qu’il est possible de proposer à l’avenir”.

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