François Trarieux : « Leur laisser l'ambition de rêver »
Crédit photo Alexis Dancerelle - DirectVelo
Un seul pays a réussi à se classer parmi les trois premiers du classement des nations de chaque épreuve du Championnat du Monde de cyclo-cross. La Belgique ? Non. Les Pays-Bas ? Non plus. Ce pays qui réussit à être présent dans toutes les catégories d'âge, c'est la France. Devant un public nombreux et enthousiaste, l'équipe de France revient de Liévin avec un titre et deux médailles. Son sélectionneur François Trarieux fait le bilan de ce Championnat du Monde pour DirectVelo, en espérant que la dynamique soit conservée, surtout si un nouvel objectif apparaît dans le calendrier des sous-bois, avec les Jeux olympiques en 2030.
DirectVelo : Est-ce que c'est un Championnat du Monde réussi ?
François Trarieux : Tout dépend de ce qu'on appelle la réussite. Mais en termes de résultats bruts, on ramène trois médailles. On est troisième au tableau des médailles. Devant nous, il y a les Anglais avec deux médailles d'or et puis, bien sûr, il y a les Néerlandais qui ont, comme souvent depuis plusieurs années maintenant, trusté les premières places. On voulait répondre présent dans les catégories de jeunes. Chez les Juniors, on ramène un titre et une médaille d'argent. Chez les Espoirs, on tombe sur des coureurs qui sont plus âgés que nos meilleures cartouches. Donc je savais que ça serait compliqué. Mais dans l'idée, on est allé au bout des choses.
Que penses-tu des courses chez les Espoirs ?
Célia (Gery) a quand même rendu encore une très belle copie aujourd'hui (4e, NDLR). Je suis très fier d'elle. Et aussi d'Amandine Muller (7e), qui progresse vraiment de mois en mois. Chez les garçons, Léo (Bisiaux) est tombé malade au pire des moments, à 15 jours du Mondial. Aubin (Sparfel) était un peu moins bien sur le Championnat du Monde et Jules (Simon) a sorti une très grosse course. Parmi tous les coureurs du podium, seul Kay De Bruyckere restera en Espoirs l'année prochaine. Ça laisse présager de belles choses. Donc je suis très satisfait.
Et pour les Élites, quel bilan fais-tu ?
Amandine (Fouquenet, 10e) et Hélène (Clauzel, 8e) terminent dans le Top 10 comme je leur avais demandé en termes d'objectifs. Et puis chez les garçons, la réalité du haut niveau, c'est qu'en partant de la quatrième ligne, avec les efforts du début de course, les aléas, et aussi des conditions de parcours qui ne correspondent pas forcément à nos deux coureurs professionnels (Fabien Doubey 15e et Clément Venturini 17e), c'est un peu compliqué. Joshua (Dubau) s'est aussi mis une grosse boîte. L'objectif, c'était de rentrer dans le Top 10. Ce n'est pas le cas.
« LE PUBLIC A PASSÉ UN TRÈS BON MOMENT »
Qu'est-ce que tu retiens de ce week-end ?
Globalement, pour nous, c'est un très bon week-end. Et puis à titre personnel, j'ai vraiment apprécié la ferveur du public et d'avoir un Championnat du Monde en France. J'espère qu'on n'attendra pas encore 20 ans pour en avoir un nouveau et que les spectateurs vont être demandeurs pour les prochaines années. Le cyclo-cross montre encore ce week-end que pour la Fédération, ça a une place importante. Ça représente 24 % des organisations. C'est la deuxième discipline après la route. Donc, ça veut dire quand même que ça pèse. Ce week-end, on a vu que le public a passé un très bon moment.
Avec les résultats chez les jeunes catégories depuis plusieurs années, la France fait-elle partie des pays qui auront leur mot à dire à l'avenir ?
Le cyclo-cross devient de plus en plus médiatique ce qui pousse les jeunes à en faire. En plus, Mathieu Van der Poel est une grosse tête d'affiche qui leur donne envie. Après, on a quand même la chance d'avoir un vivier de jeunes en France. Quand on regarde la Coupe de France, il suffit de regarder un peu les pelotons. Il y a toujours eu de très bons jeunes en France. Maintenant, il faut arriver à les fidéliser sur le haut niveau et que leurs équipes leur donnent les moyens de faire. Je suis très fier d'être à la tête de l'équipe de France. Je remercie la Fédération de me faire confiance et j'espère que ça continuera pour les prochaines années. En particulier, si on peut rentrer dans ces JO d'hiver en France en 2030.
Est-ce que ces JO de 2030 arriveront au bon moment pour ces jeunes Français ?
Quand on regarde notre jeune génération, dans 5 ans, elle arrivera à 24-25 ans. Ce sera peut-être justement la génération qui pourrait être dominatrice ou tout du moins rattraper le wagon. Parce que de toute façon, les Vanthourenhout, Laurens Sweeck et compagnie, je pense qu'ils ne seront peut-être plus là d'ici 5-6 ans. Quand on regarde derrière, une fois que Mathieu et Wout vont arrêter, il ne restera plus que Thibau Nys et quelques-uns. Je pense que si on travaille comme il faut, on peut avoir les moyens de le faire.
« IL FAUDRA QU'ON ARRIVE À LES GARDER »
Que faut-il pour que cette génération accède au haut niveau chez les Élites ?
Il faut forcément passer du temps en préparation et puis aussi participer aux Coupe du Monde. On voit bien qu'avec certains coureurs, s'ils n'ont pas les moyens de se préparer comme il faut, ça ne passe pas au niveau international. Il faudra qu'on arrive à les garder, parce que ça ne passe que par là. Aubin Sparfel, aujourd'hui, il finit 3e déjà de la Coupe du Monde en Espoir 1. Célia, elle termine 4e du Mondial en Espoir 1. Devant elle, Bentveld et Schreiber, ne seront plus là l'année prochaine. Backstedt, peut-être qu'elle fera le choix de repasser en Elite, à moins qu'elle veuille avoir un 3e titre Espoir. Il y a nos deux jeunes Soren (Bruyère Joumard) et Lise (Revol), qui vont être J2 l'année prochaine. Donc, peut-être que l'année prochaine à Hulst, on sera encore sur le devant, et puis que ça va pousser, pousser, pousser. Et c'est comme ça qu'on aura la densité, qu'on aura du haut niveau.
L'arrivée du cyclo-cross aux JO sera importante pour conserver les jeunes dans le cyclo-cross ?
Ça passera forcément par les JO parce qu'on sait très bien que sinon derrière, il y aura la sirène du VTT pour certains et les sirènes des équipes route qui rattraperont tout le monde. J'espère que la fin de 2025 nous réservera une belle surprise (l'annonce ou non de l'entrée du cyclo-cross au programme des JO 2030, NDLR). Il faut que cette génération pense aussi, dans son plan de carrière, à continuer à faire du cyclo-cross à haut niveau. Parce que la difficulté qu'on rencontre à la signature d'un contrat l'équipe nous impose des choses contradictoires avec le programme de cyclo-cross de haut niveau. L'entrée dans les JO contraindra les équipes, de toute façon, à leur laisser la place. Et qui plus est, si en plus la réforme du WorldTour permet aux équipes de prendre les points du cyclo-cross dans leur classement par équipes, peut-être que ça aussi, va les inciter à continuer le travail. J'en profite d'ailleurs pour remercier les équipes pro françaises qui jouent le jeu du cyclo-cross telles que Decathlon AG2R La Mondiale et Arkéa-B&B Hôtels. Avec tous nos teams français de cyclo-cross, tout le monde a joué le jeu pour que nos coureurs arrivent prêts sur ce mondial.
Pour une équipe, laisser de la place pour le cyclo-cross est-ce que ça signifie de laisser de la place pour une saison à la Van der Poel sur 10-12 cross ?
Tout le monde parle de Van der Poel, van Aert et Pidcock, mais jusqu'à l'âge de 21-22 ans, ils ont fait presque 25 cyclo-cross par hiver. Et après, petit à petit, ils ont rééquilibré leur programme sur la route mais sans jamais arrêter d'en faire. Donc forcément, quand ils reviennent, ne serait-ce qu'avec une dizaine de jours de course, ils sont au rendez-vous. Il ne faut pas être trop pressé avec ces jeunes-là, et de vouloir tout de suite les spécialiser sur la route, et puis d'en faire des coureurs WorldTour, qui, à 23-24 ans, ne seraient même plus capables de gagner une course, et puis d'aller faire équipier. Ces coureurs-là, il faut leur laisser l'ambition de rêver, et puis d'y croire. J'estime qu'un coureur, quand il doit signer son contrat, il doit aussi penser à son plan de carrière, et négocier ses choix avec l'équipe, parce que ça fait partie aussi d'une vision à long terme. Si on commence à limiter petit à petit son volume de compétition, on le paye cash. Il faut être au contact des meilleurs.