Louis Hardouin : « Je donnerais volontiers la victoire pour le ramener »

Crédit photo Clarisse Coric
Pour le Guidon Chalettois, ce samedi, le Tour de la Charente Limousine n'était pas qu'une simple course de vélo. Après le décès de Simon Millon survenu lundi dernier, la structure de N1 avait fait le choix de s'aligner en course ce week-end, dans un unique but : rendre hommage au garçon qui avait 24 ans. Pour Louis Hardouin et ses coéquipiers, la charge émotionnelle était très forte avant et pendant la course Elite Nationale. Et encore plus après, puisque celui qui considérait Simon Millon comme son frère est parvenu à mettre tout le monde d'accord au sprint, transcendé par l'enjeu. Au micro de DirectVelo, Louis Hardouin a accepté de revenir sur cette journée, ces derniers jours de deuil difficiles pour tout le club et cet hommage qu'il ne rêvait pas meilleur pour son ami.
DirectVelo : C'est une victoire pleine de sens pour l'équipe...
Louis Hardouin : C'est juste une grande fierté de relever les bras dans un tel moment, qui est dur pour nous, pour le club, personnellement aussi. C'était mon ami, on partait en vacances ensemble, on était deux frères. C'était un devoir de performer, je voulais lever les bras pour le remercier, et collectivement pour nous relancer. On est tous malheureux, c'est compliqué depuis lundi, on a besoin d'un peu de bonheur dans tout ça pour avancer.
Que s'est-il passé dans ta tête en franchissant la ligne ?
Pendant la dernière heure où j'ai fait la course à fond, mon seul but était de passer la ligne le premier et lever les bras au ciel pour lui. On n'était pas sûr de courir, on a pris la décision de venir pour lui rendre hommage, et en plus performer. Il ne s'agissait pas de faire acte de présence avec un brassard noir. On a dit que ça allait être difficile, on ne savait pas physiquement comment on serait. Les nuits ont été courtes, les entrainements pas productifs. Je sais que je suis en forme, j'ai gagné la semaine dernière, donc j'ai fait la course à fond. Tout le monde a participé, je lève les bras mais tout le monde était là pour moi. On n'a jamais été autant soudés.
« JE ME SUIS REPRIS À DEUX FOIS POUR REJOINDRE LES COÉQUIPIERS »
Même après l'arrivée, vous avez dû ressentir un soutien particulier...
Beaucoup de monde nous a félicités. Tout le monde venait pour gagner, mais si une équipe devait gagner plus qu'une autre... Bien sûr ils ne nous ont pas laissé gagner non plus, ça reste du vélo. Après l'arrivée beaucoup de monde est venu, on était tous très touchés, pas un n'a pas pleuré. Au niveau du staff, des assistants... c'était des émotions fortes, on en avait besoin. On avait besoin de vibrer après cette nouvelle qu'on a eue au téléphone. Ce n'est déjà pas facile de gagner, alors en plus dans ces conditions, c'est juste un bonheur, ça va nous souder. Ça aide a faire le deuil même si ça ne le ramènera pas. Je donnerais volontiers la victoire pour le ramener, mais on ne décide pas de ça.
Comment se sont passées ces dernières heures ? On imagine que l'ambiance était assez lourde...
On s'est retrouvé hier (vendredi) pour faire le déplacement. On n'a pas l'habitude de se voir la semaine, mais on savait très bien qu'on allait se rendre compte du vide. J'appréhendais beaucoup, je me suis repris à deux fois pour rejoindre les coéquipiers. C'était beaucoup d'émotion d'aller au camion. On est passé à Tours, d'où il était originaire, et on n'a pas fait l'arrêt comme c'était prévu. C'était lourd de tracer cette route sans lui. Stéphane (Foucher, directeur sportif, NDLR) a pris la parole pour mettre les choses à plat. C'était un silence, un calme... Personne ne voulait rien dire, on était abasourdi de tout ce qui se passe. On a fait le brief ce matin, le sommeil a été compliqué. L'ordre du jour était de rendre hommage à Simon. De faire avec nos forces.
« JE N'AVAIS QUE LUI EN TÊTE »
Et puis il était temps de prendre le départ...
J'ai craqué avant de partir, mes parents sont venus avec ma sœur. À 20 minutes du départ j'étais en pleurs, les coéquipiers sont venus pour me dire « courage, on va le faire ». Ils sont tous venus un par un. On a fait une minute d'applaudissement, c'etait très dur comme geste. Et puis dans le fictif, j'ai dit à Ronan (Racault) que je n'avais pas de jambes, émotionnellement j'étais trop impacté. Il m'a pris par le bras, et il m'a dit « on va le faire, ça va se débloquer ». J'ai été bien entouré, je suis rentré dans ma bulle et j'ai fait abstraction. Mon seul but était de lever les bras. Je suis passé de la tristesse et du chagrin au mode compétiteur.
En effet, tes jambes se sont débloquées puisque tu n'as pas été avare en efforts !
Il n'y avait pas vraiment de grosse difficulté, tout le monde était à fond, on ne savait pas quand ça allait se faire. Il fallait être offensif et j'apprécie ce rôle. Ça paie depuis le début de saison. J'ai réussi à être dans ce groupe de seize. Après, avec Hans Rullier, on s'est parlé pour sortir car beaucoup ne passaient plus. Il en a mis une, on sort et Thomas Garel nous a rejoints, je sais qu'il est en forme en ce moment. On a tout mis pour aller le plus loin possible, personne n'a rechigné, on était motivé. Mais ça rentre dans le dernier tour. Je savais que j'étais encore capable, j'ai fait un sprint de costaud, c'était énorme. Thibaud (Bridron) a mis tout le monde en file au kilomètre, et il fallait passer le dernier virage en tête. J'ai mis un gros coup de vis sur les 100 derniers mètres avant le virage, j'ai viré comme un fou furieux sans vouloir me mettre par terre non plus (sourire). Il restait 150 mètres et après c'était pour Simon, je n'avais que lui en tête, j'étais transcendé. Je l'ai fait avec la manière donc c'est cool, je suis content de ma journée.
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