On a retrouvé : Kévin Goulot

Crédit photo Régis GARNIER / VeloFotoPro

Crédit photo Régis GARNIER / VeloFotoPro

Kévin Goulot a été coupé dans son élan. Après des années Juniors prometteuses au Creusot Cyclisme, le vice-Champion de France 2012 avait intégré le CC Étupes. Après une première année Espoir en dilettante, il comptait bien montrer de quoi il était capable lors de la saison 2014 en mettant les bouchées doubles. Mais une paresthésie à la jambe gauche a ruiné ses espoirs et il a dû arrêter le vélo à l'âge de 22 ans. Après avoir pris ses distances avec le monde du cyclisme, Kévin Goulot revient pour DirectVelo sur ce passage douloureux, ses souvenirs de cycliste et sa nouvelle vie.

DirectVelo : Que deviens-tu ?
Kévin Goulot : Quand j'ai arrêté le vélo, je travaillais à mi-temps en restauration. C'est un domaine qui m'a toujours plu. J'ai toujours été un gros mangeur. Après, j'ai passé mes diplômes de barista : c'est tout qui concerne le travail du café. Ça m'a énormément plu. J'ai changé un petit peu de domaine car j'ai reçu une proposition cet été. Actuellement, je suis chef formateur dans une chaîne de restauration. Je parcours la France, ça me rappelle un peu les déplacements de vélo. Ça concerne l'ouverture et la mise au point des nouveaux restaurants. C'est un rôle avec pas mal de responsabilités. À côté de ça, je prépare un projet personnel pour ouvrir un coffee shop avec mon frère.

« LA JAMBE GAUCHE COMPLÈTEMENT PARALYSÉE »

Pourquoi as-tu arrêté le vélo en 2016 à l'âge de 22 ans ?
Lors d'un entraînement, j'ai eu une paresthésie, c'est-à-dire des fourmillements dans toute la jambe gauche, qui était complètement paralysée. J'ai dû raccourcir l'entraînement sur lequel c'est arrivé. Cette paralysie n'est jamais vraiment passée. C'était plus ou moins intense suivant les journées. J'ai essayé d'aller voir tous les médecins. Quand au bout d'un moment, après 50 examens, on vous dit que tout est bon et que c'est peut-être dans votre tête, ça devient dur... Petit à petit, je régressais. Quand on tombe et qu'on se casse quelque chose, on sait au moins ce qu'on a. J'ai dû m'arrêter pour un problème dont j'ignore encore la cause exacte. 

Quand est-ce que cette paresthésie s'est produite ?
J'avais pris ma première année chez les Espoirs, en 2013, avec un peu trop de facilité. Je me suis reposé sur mes lauriers et sur mes années Juniors. Je ne m'entrainais pas beaucoup en Junior. Je n'ai jamais vraiment apprécié les longs entrainements. J'étais plutôt quelqu'un qui allait s'entraîner 2h30-3h, mais à allure course. Ces entraînements courts m'ont posé problème une fois en Espoir car les courses étaient plus longues. En Espoir 2, je me suis dit que j'allais montrer de quoi j'étais capable. J'ai mis les bouchées doubles. Mais ce problème est arrivé avant le Circuit de Saône-et-Loire 2014. Je faisais du fractionné. Et sur un des fractionnés, ça m'a pris comme ça. C'était comme si on se tapait le coude contre une porte. J'ai pris une grosse décharge électrique dans toute la jambe.

Tu as quand même pu courir ce Circuit de Saône-et-Loire...
Sur la première étape, il y avait un groupe d'échappés. J'avais réussi à rentrer avec un contre. C'était royal ! Et ça m'a repris d'un coup durant la course. Dans l'échappée, Jérôme Gannat (le directeur sportif du CC Etupes, NDLR) est monté à ma hauteur. Je venais de me faire lâcher par le groupe d'échappés. Il m'a dit : "T'inquiète, tu peux revenir". Je lui ai répondu que je n'étais pas fatigué, mais que je ne sentais plus ma jambe gauche. Je ne voulais même pas repartir le lendemain. On avait le maillot jaune et du coup, je me suis donné à fond les autres jours pour essayer de garder ce maillot. Ça m'avait fait très mal mentalement de lâcher sur ça. Je préparais cette course comme jamais car je suis de Montceau-les-Mines et j'assistais à la course quand j'étais petit.

« UNE DESCENTE AUX ENFERS »

Sur le GP de Francfort, tu es passé entre les gouttes. La suite a été plus compliquée...
Il n'y a pas eu de soucis à Francfort. On avait fait une superbe course et j'avais terminé 12e. Je me suis dit que ça allait mieux. Mais tout s'est vite réenclenché et ça a été une chute phénoménale. Ça se déclenchait dès que je commençais à produire de gros efforts. Par la suite, ça me prenait même dans mon quotidien, en allant faire mes courses par exemple. Au bout d'un moment, je trainais la jambe. J'ai commencé à m'inquiéter. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à consulter car au début, je me disais que c'était quelque chose de bénin.

Du coup, tu as décidé de t'arrêter pendant près de trois mois...
Je ne prenais plus du tout de plaisir à m'entraîner. Ça devenait un vrai calvaire, une descente aux enfers. La seule solution était de couper. Je me souvenais que j'échangeais au téléphone avec Jérôme Gannat et que je lui disais que je ne savais pas ce que j'avais. C'était compliqué vis-à-vis de l'équipe. J'ai repris tranquillement pour la fin de saison car je ne pouvais pas me permettre d'arrêter six mois. Mais je ne me faisais absolument pas d'illusions pour mon retour car ça me gênait encore au quotidien. Je me couchais avec la jambe endolorie et je m'endormais en priant pour que ça passe en me réveillant. Tous les soirs, je me couchais avec cet espoir-là, mais ça n'allait jamais mieux.

Pourquoi as-tu tenu à continuer en 2015 ?
C'est l'obstination, c'est ça qui est terrible. Si c'était vraiment l'envie, j'aurais déjà arrêté depuis longtemps, mais j'étais obstiné. Étupes m'a laissé la chance de rester dans l'équipe une année supplémentaire. Au club, ils connaissaient mes capacités. C'était très honorable de leur part, je les ai énormément remerciés. Du coup, je me suis dit que j'allais me reposer tout l'hiver pour que ça passe pour de bon. J'ai repris les entraînements une semaine avant le stage en Espagne. Ce fut très dur. On avait des entraînements de huit heures, mais la douleur n'est pas réapparue à ce moment-là...

« EN LARMES AU MOMENT OÙ J'AI ANNONCÉ QUE J'ARRÊTAIS »

Quand est-elle revenue ?
Dès que les entraînements ont commencé à se réintensifier... Du coup, je n'ai quasiment pas couru en 2015. Pour la première fois, je me suis vraiment demandé si j'allais arrêter. Le plus dur, c'était mentalement. J'étais à deux doigts de péter un câble et de balancer le vélo à la déchetterie.

Finalement, tu as signé au VC Villefranche Beaujolais...
Le manager Anthony Barle était intéressé. Il m'avait déjà contacté pour 2015 mais comme Étupes me donnait encore une chance... Je me disais que ça pouvait être une bonne chose de courir en DN2 en 2016. J'avais quasiment été au repos toute l'année. Il m'a dit que l'offre tenait toujours. Anthony Barle est extra humainement. La mentalité à Villefranche m'a beaucoup plu. 

Mais ta paresthésie ne t'a jamais lâché...
Dès que les entraînements ont commencé à s'intensifier, j'avais l'impression de pédaler sur une jambe. Je ne sentais plus ma jambe gauche. Ça faisait déjà plus de deux ans que ça se passait comme ça. J'étais en larmes au moment où j'ai annoncé à Anthony que j'arrêtais après le Rhône-Alpes Isère Tour. J'ai tellement adoré le peu de l'année que j'ai passé avec Villefranche... Anthony est l'un des seuls qui a compris ma peine. Mon gros regret a été de pas avoir pu les remercier de tout ce qu'ils m'avaient apporté.

« JE RIGOLAIS ENORMÉMENT AVEC ADAM YATES »

Est-ce que la page a été simple à tourner ?
Pas du tout. Être contrait d'arrêter est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Dans les mois qui ont suivi, j'ai complètement déconnecté. J'ai pris vingt kilos en quelques mois. J'ai arrêté le sport pendant près de deux ans. Le cyclisme, c'était quinze ans de ma vie. C'était également dur pour mon père. Heureusement, il a été compréhensif. J'ai eu du soutien de ma famille. J'ai repris un peu la course à pied l'an passé avec ma copine. Et depuis cette année, je pratique le basket à la JDA Dijon. Ce n'est que depuis cet été que je me suis remis à suivre le Tour de France. Sinon, le vélo, ce n'est plus que de temps en temps comme ça, en balade, en vacances avec ma copine.

Quels sont tes meilleurs souvenirs ?
D'abord, il y a ce moment où j'ai été vice-Champion de France Junior en 2012. Ensuite, il y a mes 2e et 3e places sur des étapes du Tour de l'Abitibi en Coupe des Nations au Canada avec l'équipe de France. C'était le séjour parfait sur un autre continent. Enfin, plus généralement, je dirais les moments passés avec l'équipe de Bourgogne Junior, grâce à ce qu'avait réussi à créer Emmanuel Brunet, le CTR. L'ambiance était au top, c'était difficile de retrouver ça en Élite. C'était plus une ambiance de fraternité et de famille que d'équipe. Mes souvenirs de Junior sont extraordinaires.

A Étupes, tu as côtoyé plusieurs coureurs qui sont passés professionnels. Lesquels t'ont marqué ?
Il y en a quelques-uns que je connaissais déjà comme Hugo Hofstetter, que j'avais cotôyé dès mes 7-8 ans au Trophée de France des jeunes cyclistes. C'est quelqu'un qui a du mérite ; il a toujours été obstiné et sérieux. Hugo, c'est la preuve pour beaucoup de jeunes que même quand on n'a pas forcément les facilités physiques, si on y met de la bonne volonté, on peut y arriver. Sinon, j'ai adoré Adam Yates. C'était mon binôme à l'hôtel. On faisait toujours chambre commune. Il ne parlait pas du tout français. Comme je me débrouillais assez bien en anglais, je rigolais énormément avec lui. Sur notre dernière course ensemble, il m'avait dit qu'il espérait que je le rejoigne bientôt chez les pros. C'est un petit gars, mais il est impressionnant de puissance. C'est celui qui m'a le plus marqué durant toutes mes années de vélo. Au niveau du style, il ne paye pas de mine, mais il pédale fort.


Crédit photo : Freddy Guérin - DirectVelo

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