Justin Mottier : « Je suis tombé dans le piège »

Crédit photo Julie Desanlis - DirectVelo

Crédit photo Julie Desanlis - DirectVelo

L’aventure de Justin Mottier chez les professionnels prend fin. Après trois saisons au sein du collectif de B&B Hôtels-Vital Concept, le Mayennais a été remercié par ses dirigeants, faute de résultats. Une situation que comprend parfaitement l’athlète de 27 ans, lequel ne tient certainement pas à s'apitoyer sur son sort. Bien au contraire : le voilà lancé dans un nouveau projet chez les amateurs, avec Laval Cyclisme 53. Déterminé à mettre un terme à sa carrière cycliste sur une bonne note, il tentera de redorer son blason en 2021 avant de pendre son vélo au clou et de se lancer dans de nouvelles activités. Avec gourmandise et une certaine impatience. Entretien.

DirectVelo : Te voilà de retour dans les rangs amateurs...
Justin Mottier : Après le premier confinement, j’ai pu échanger avec Jérôme Pineau et Didier Rous. On avait déjà fait le point fin 2019, après une année laborieuse durant laquelle je n’avais pas pris beaucoup de plaisir, et où je n’avais pas eu de résultats. Je leur ai dit que je comprendrais qu’ils ne me gardent pas. Même pour moi, ce n’était pas plaisant d’évoluer à ce niveau là… Donc je me doutais que je n’allais pas continuer. Par contre, je pensais bien l’encaisser mais une fois que ça a été officialisé, j’admets avoir quand même eu le moral dans les chaussettes pendant quelques semaines. C’était bizarre de se dire que c’était fini. Il m’a fallu un moment pour le réaliser. Mais maintenant, je regarde de l’avant.

« JE N'ÉTAIS PEUT-ÊTRE PAS FAIT POUR CETTE VIE-LÀ »

Lors des échanges que tu as eu avec Jérôme Pineau et Didier Rous, beaucoup auraient certainement dit qu’ils vivaient une période plus compliquée mais qu’ils allaient “se bouger” et montrer leur meilleur visage dans les semaines à venir. Mais ton discours, anticipant déjà un éventuel départ, laisse deviner que tu avais, en quelque sorte, rendu les armes…
Oui, c’est exactement ça. Enfin… C’est bizarre car dans ma tête, je comptais quand même tout faire pour performer. En juin-juillet, je suis parti trois semaines dans les Pyrénées pour préparer au mieux la reprise. Mais je m’étais aussi promis de ne jamais être ce genre de coureurs qui se plaint de ne pas être conservé, qui vient pleurer à l’injustice en octobre car il n’a pas resigné… J’ai les pieds sur terre et je trouve logique qu’on ne te garde pas dans un effectif quand tu n’as pas fait de résultats pendant deux ans. Je manquais peut-être d’envie de me battre.

Comment l’expliques-tu ?
J’ai commencé le vélo à 10 ans. J’ai passé toutes mes années collège-lycée, et même encore par la suite, à mettre pas mal de choses de côté. Je pense à des exemples simples : je ne suis jamais parti en vacances, je n’ai que très peu de fois pu prendre du temps avec des potes… Tout ça me manque. Je me dis que j’ai plein d’autres belles choses à vivre et c’est la raison pour laquelle je ne veux pas être fataliste. Si on m’avait resigné, j’aurais dit oui et j’aurais été content. C’est un très beau métier, un métier rêvé, même… Mais je suis excité et enthousiaste à l’idée de découvrir de nouvelles choses et d’avoir une nouvelle vie.

As-tu le sentiment d’avoir atteint tes limites chez les pros ?
Il faut vraiment faire le truc à 200%. Si tu n’es pas prêt à t’investir à 200%, c’est compliqué. Chez les pros, sans être au top du top, tu vas “ramasser” la plupart du temps. Mentalement, il faut être solide. J’ai bien lancé ma carrière chez les pros en 2018, durant les six premiers mois (3e de la Route Adélie de Vitré, NDLR). J’ai peut-être cru que ça n’allait pas être si dur que ça. Je suis tombé dans le piège… Inconsciemment, j’ai dû me reposer sur mes lauriers en me disant que ça restait un niveau accessible même pour un coureur comme moi. Mais ce n’était pas le cas, je n’aurais pas dû me relâcher. Il fallait toujours s’investir à 200% pour rester compétitif. Au final, je me suis demandé si j’étais fait pour ça, si je n’agissais pas contre nature… Je n’étais peut-être pas fait pour cette vie-là dans le sens où je n’étais sans doute pas prêt à m’investir à 200% toute l’année. Je retiens beaucoup de choses positives malgré tout : les différentes courses, le fait de participer à des Monuments (le Tour de Lombardie en 2019, NDLR), les voyages, avoir pu côtoyer de grands champions comme Cyril Gautier ou Pierre Rolland, qui sont de chouettes mecs, avec les pieds sur terre… Tout ça était super sympa, et je n’ai pas de regrets.

« IL FAUT QUE JE RETROUVE LA GRINTA »

La compétition n’est pas derrière toi pour autant puisque tu t’es engagé avec le club de Laval Cyclisme 53 pour la saison prochaine !
Le projet m’emballait vraiment. Je suis originaire du département de la Mayenne, j’y reviens. Au moment de passer pro, je m’étais dit que je n’allais jamais recourir en amateurs mais comme quoi, on peut toujours changer d’avis (sourire). L’idée est surtout de se faire plaisir et de transmettre aux plus jeunes. J’ai envie de finir sur une bonne note. Si j’avais arrêté le vélo sur cette saison 2020, sans dire que j’aurais été amer, j’aurais quand même mis un terme à ma carrière sur une image de moi-même qui n’est pas très belle (sourire). Bon… Je n’ai pas fait une saison catastrophique non plus, mais je veux montrer autre chose. D’ailleurs, en fin de saison, on en rigolait avec Adrien Garel, qui est dans la même situation que moi. On en avait marre de mettre des clous tous les week-ends… C’est à nous d’essayer de “taper” un peu sur les autres (rires).

Certains pros espèrent “tout casser” pour leur retour en DN mais finissent par déchanter. Redoutes-tu cette possibilité ?
Je le redoute un peu, oui. Je sais bien que ça ne va pas être une partie de plaisir. Ce n’est pas parce que je reviens de trois ans chez les pros que je vais tout écraser. Mentalement, je suis prêt à potentiellement ramasser sur les premières courses. Il faudra s’accrocher. Je me dis que si je fais les choses sérieusement, ça va payer à un moment ou un autre. Le rythme des courses me correspond mieux chez les amateurs. Il faut que je retrouve la grinta, que je me fasse plaisir en attaquant. Je suis vraiment motivé. Courir en Mayenne, porter les couleurs du département, c’est quelque chose qui me fait vraiment envie. Laval est un bon club qui progresse et je veux les aider. La motivation, je l’aurai donc dans tous les cas.

Mais tu ne t’imagines pas continuer au-delà de 2021…
Je n’ai pas envie de rester dans ce train-train trop longtemps. Je ne ferai certainement qu’une saison à Laval. Ensuite, il sera vraiment temps de passer à autre chose même si je continuerai sûrement de rouler pour le plaisir, avec les copains. J’aimerais bien me lancer dans toute autre chose d’ici un an. Je commence à réfléchir à différents projets. Je me vois bien en tant que commercial itinérant par exemple, pourquoi pas. Pour une marque de cycles ou pour un tout autre domaine. Rien n’est encore décidé mais je vais m’y pencher sérieusement dans les prochains mois. J’ai hâte de me lancer de nouveaux défis.

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