Dorian Godon : « Je ne vois pas pourquoi il faudrait avoir un moule »

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Il n’a jamais été le coureur le plus bankable. Quand les meilleurs puncheurs français sont cités, son nom ne vient jamais en premier, alors qu’il fait partie des rares coureurs tricolores qui gagnent de belles courses presque chaque année. Dire qu’il se révèle sur le tard serait une contre-vérité. En Junior, il s’était offert une manche de Coupe de France, le Tour du Canton d’Aurignac, devant un certain Valentin Madouas. Deux ans après le Breton, c’est le grand moustachu rhodanien de 29 ans qui est devenu Champion de France. Parmi les favoris d’un Championnat disputé en pleine canicule, le coureur de Decathlon AG2R La Mondiale n’a laissé à personne d'autre le soin de s’imposer sur les hauteurs des Herbiers (Vendée), au Mont des Alouettes, au terme d’une course quasi parfaite de sa part. Un Championnat sur lequel le coureur en partance en fin de saison chez INEOS Grenadiers est longuement revenu lors de la conférence de presse, avant de partir en vacances... en Ecosse. 

DirectVelo : Est-ce que tu réalises ?
Dorian Godon : Oui, petit à petit. Quand je suis descendu du vélo, j'ai vu les copains avec leur sourire et leur joie. Je l'ai réalisé, bien sûr. Mais pour l'instant, pas encore totalement, je pense. Ça représente beaucoup de travail. J'en fais souvent pour l'équipe, dans le collectif. Je n'ai pas tout le temps ma chance. Mais quand j'ai ma chance, je mets la balle au fond. On a mis beaucoup de choses en place cette année pour être au plus haut niveau. Ça représente le travail d'une carrière, surtout. Quand j'ai été lancé par Paul (Seixas) et Nico (Prodhomme), je savais que rien ne pouvait m'arriver.

Tu n'as pas attendu un sprint malgré ta pointe de vitesse...
J'avais dit au briefing et au DS que je ne voulais pas rester sur le schéma et me faire enterrer pour le sprint. Il fallait que je sois acteur de ma course. Il y a eu une ou deux fois aussi quand la FDJ est partie, j'étais l'un des seuls coureurs devant avec eux. J'ai senti le coup. Il fallait toujours avoir un coup d'avance sur ce circuit. J'ai quand même fait quelques efforts pour essayer de faire moins d'efforts par la suite.

« PEUT-ÊTRE SOUS-CÔTÉ POUR LE GRAND PUBLIC »

Est-ce que c'est la victoire d'un coureur sous-côté ?
C'est ma douzième victoire. J'ai quand même gagné de belles courses. Quand j'ai ma carte, je mets souvent la balle au fond. Avec ce maillot, maintenant, j'ai des responsabilités différentes. J'ai 29 ans et j'espère encore gagner de belles courses. Déjà, je vais profiter. Je suis le seul à connaître mes vraies capacités et j'ai confiance en moi. Peut-être que je suis sous-côté pour le grand public. Mais je savais que je pouvais gagner aujourd'hui. Dès le départ, j'ai senti que j'avais les jambes pour gagner.

Depuis combien de temps tu y penses ?
Depuis un an j'avais en tête ce Championnat. J'avais vu le parcours. Ma copine ne faisait que répéter que j'allais être Champion de France. Ça faisait au moins six mois. Cette semaine, j'ai chopé une otite. J'étais un peu malade et en vrac après l'Occitanie. C'est reparti hier. Elle m'a vraiment soutenu et elle a cru en moi. J'étais en larmes tout à l'heure. C'est aussi grâce à elle. 

Est-ce que tu as senti pendant la semaine que l'équipe te faisait particulièrement confiance ?
Je pense que les mecs savent… Quand ils arrivent au sprint en petit comité, ils peuvent compter sur moi. Ça arrive sur pas mal de courses. Quand je suis lancé comme ça, il ne peut rien m'arriver. C'est vraiment le travail du collectif toute la journée. Ceux qui ont roulé depuis le départ pour boucher l'écart sur le groupe des 37 et nous remettre dans la course. Paul a fait un super boulot. La FDJ a roulé à bloc derrière. Romain Grégoire a dû faire un effort au pied de la bosse. C'est ce qui m'a permis de gagner. Ils ont eu confiance en moi. Je pense que je suis quand même un bon mec. Je sais vraiment rendre la pareille et fédérer.

« JE NE ME SENS PAS DU TOUT EN DÉCALAGE »

As-tu l'impression d'avoir un profil atypique et de ne pas être dans le moule des autres coureurs ?
Non, pas du tout. Est-ce qu'il y a un moule dans le vélo ? Pas forcément, je ne pense pas. Chacun est différent. Maintenant, c'est clair que les jeunes font 25 000 km en Junior. J'ai dû en faire 10 000. Je progresse un peu chaque année. Ça fait plaisir. Il n'y a pas d'âge pour avoir ce maillot. J'adore ne pas penser au vélo 100% du temps. Être de mon côté et rouler avec des copains, des amateurs. Pas forcément qu'avec des pros. Ça ne me correspondrait pas d'être toujours à 100% dedans. Ce n'est pas forcément être atypique. Mais mes choix de carrière ont fait que j'ai fait mes études de kiné en huit ans au lieu de quatre. J'ai terminé en décembre dernier. Je suis aussi fier de ça. 

Que fais-tu quand tu ne fais pas du vélo ?
J'aime bien aller à la mer. On n'habite pas très loin. Je peux même me balader en ville, au café. J'aime bien la montagne, les randonnées. Mais c'est plus en dehors du vélo. Souvent je suis un peu focus. J'ai fait beaucoup de jours de course. Ces derniers temps, après le Giro, c'était beaucoup récup et canapé. 

Ça ne te met pas en décalage dans l'équipe ?
Non, pas du tout. Franchement, je me sens super bien dans l'équipe. On rigole super bien. Je ne me sens pas du tout en décalage. Je ne vois pas pourquoi il faudrait avoir un moule. Chacun a son caractère. Paul Seixas est aussi un peu dans son monde vu de l'extérieur. Mais c'est sa force d'être un peu détaché. Je pense qu'il ne faut pas être tout le temps focus. Le but, c'est de durer. Ce n'est pas juste faire quatre ou cinq ans de carrière. Ça fait huit-neuf ans que je suis professionnel. Et je prends encore du plaisir. J'espère encore prendre du plaisir quelques années.

Il y a une semaine, tu faisais une course de gravel alors que les autres étaient en Suisse. Pourquoi es-tu allé là-bas ?
L'équipe, à travers Van Rysel, m'a sollicité cinq jours avant la course. Je sortais du Giro et la course était à Millau. Après, j'ai enchaîné avec la Route d'Occitanie qui était juste à côté. Donc pourquoi pas. Le but, c'était vraiment de se faire plaisir et ne pas chuter. Au final, j'ai été plutôt acteur de la course puisque j'ai gagné cette gravel. C'était vraiment chouette. C'est une bonne préparation car le gravel, c'est dur.

« J'AI BESOIN DE VACANCES »

La chaleur en Occitanie t'a aidé aujourd'hui ?
Je n'aimais pas les premières chaleurs en Occitanie. J'étais l'un des premiers à péter. Il y a eu des moments compliqués les derniers jours. J'ai essayé de faire le maximum pour Nico (Prodhomme). J'étais tellement content pour lui, c'est vraiment un ami. Je me devais d'être à 100%. Après, cette semaine, avec 38 degrés, je partais à 11 heures rouler. Je rentrais souvent à 14 heures en plein cagnard. Ce n'était pas agréable. Je m'arrêtais toutes les demi-heures pour remplir les bidons. Aujourd'hui, ça a servi. Tout le staff a fait un super boulot. Les bidons, la glace et tout. On n'a jamais manqué de rien.

Tu n'es pas déçu de ne pas montrer ce maillot au Tour ?
Non pas du tout. J'ai besoin de vacances. Il y aura de belles courses pour représenter la France d'ici là. Mais au mois de juillet, je vais juste profiter. Demain, je pars en Écosse. C'est une semaine en road trip. Je ne suis pas hyper fan de la chaleur. Ça va me faire du bien de couper. Je suis content de faire un reset.

Tu penses à quoi pour la deuxième partie de la saison ?
Je vais reprendre en Pologne. C'est une course de préparation puis il y aura le Tour du Limousin et Plouay. À partir de là, j'aimerais vraiment être performant. Il y aura aussi Québec, où c'est un peu le même style d'arrivée. J'aimerais vraiment gagner cette course en WorldTour.

Qu'est-ce que tu peux dire sur ton avenir ?
Vous en saurez plus le 1er août (sourire).

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