« On ne peut pas avoir de regrets » : Léandre Huck, malheureux du jour

Il n’aura pas manqué grand-chose pour que Léandre Huck rafle le maillot tricolore au sommet du Mont des Alouettes, aux Herbiers. Auteur d’un superbe numéro lors du Championnat de France Amateurs, il a été repris dans le dernier kilomètre par Théo Lévêque. Pressenti parmi les favoris, le Normand voulait dans un premier temps œuvrer pour le collectif. “Je n'étais pas censé être tout de suite à l’avant, mais ça s'est ouvert devant moi. Dans l'optique d'aider l'équipe, je l'ai prise et ça m'a porté chance”, explique-t-il au micro de DirectVelo, en lâchant un sourire vers son directeur sportif, Jean-Philippe Yon, présent dans la salle. “Je suis un coureur d'instinct. Quand j'ai vu l'ouverture, je me suis dit que prendre un coup, ça ne changerait rien à ma course.”

Pourtant, le matin même, Jean-Philippe Yon n’envisageait pas de voir sa carte maîtresse passer à l’attaque aussi tôt. “Je voulais vraiment garder Léandre pour la fin de course. D’habitude, il est tellement fort qu'il dilapide ses forces dans la journée et il lui en manque souvent pour finir. Aujourd'hui, j'aurais souhaité qu'il attende mais il n’a pas su maîtriser son tempérament offensif. Mais une fois qu'il est devant, on ne peut plus l'arrêter.” L’équipe a donc dû s’adapter. “On a dû changer nos plans. Nous avons protégé Guillaume Adam car il pouvait faire une belle performance en cas de regroupement.”

« JE PRÉFÉRAIS AVOIR MA GESTION DE L'EFFORT »

Échappé en compagnie d’une vingtaine d’éléments après 30 kilomètres de course, Léandre Huck ne s’attendait pas à frôler la breloque dorée. “Je n’y ai pas cru dès le début. Cette année, tous les gros groupes ne vont jamais au bout, il n'y a personne qui s'entend.” La priorité était d’arriver à se projeter une nouvelle fois à l’avant. “Quand j'ai vu qu'il y avait 4-5 coureurs partis, je me suis dit qu'il fallait prendre le bon coup tout de suite, sinon ça allait s'enterrer derrière. J’avais certains écarts de temps, mais je ne savais pas exactement combien ils étaient.”

Offensif à 45 kilomètres de l’arrivée, seul Axel Salvadori a réussi à accrocher sa roue. “On parlait beaucoup ensemble pour collaborer au mieux, mais ça reste un Championnat de France, on ne sait jamais ce qui peut se passer.” Le mieux était donc de se séparer de son dernier compagnon. “J’ai senti qu'il ralentissait un peu l'allure dans certains passages. Je préférais avoir ma gestion de l'effort alors je suis parti seul. J'ai fait mon petit bonhomme de chemin tout en pensant aussi à la fin, et puis à ne pas mettre tout dès le début.”

« C'EST BÊTE DE NE PAS POUVOIR RÉCOMPENSER CEUX QUI M'AIDENT »

Poursuivi dans le dernier tour par un groupe de six coureurs, Léandre Huck a tenté de garder la tête froide. “Je ne me suis pas vraiment vu gagner pour bien me concentrer sur l’effort. J’ai essayé d’avoir le plus d’écart au pied de la bosse pour éviter tout retour”, mais cela n’aura pas suffi. Repris à 500 mètres de la ligne, il a vu Théo Lévêque le déposer. “Après 140 bornes à l’avant, on n’a plus cette fraîcheur que lui pouvait avoir. Je ne sais pas les efforts qu’il a faits avant mais sur un effort long comme le Mont des Alouettes, c’est difficile d’avoir encore la giclette.”

Malgré la déception, le coureur de 24 ans ne semblait pas abattu en conférence de presse. “Quand on a tout donné, on ne peut pas avoir de regrets. Sur la fraîcheur, il était beaucoup plus fort que moi.” Même constat pour son directeur sportif, avec une pointe d’amertume. “Théo Lévêque a fait une dernière montée fulgurante. Bravo à lui, mais c'est vrai que sur la journée, Léandre méritait amplement d'être revêtu de bleu-blanc-rouge ce soir. Il faut accepter le choix du sport. Aujourd’hui, la pièce est tombée du mauvais côté pour nous.”

Au-delà de la performance, Léandre Huck regrette de ne pas avoir pu offrir une victoire à ceux qui l’entourent. “Ça aurait pu être une concrétisation aussi de tous les efforts qu'on fait depuis des années avec moi, que ce soit à l'entraînement, sur le plan mental, toutes ces choses-là, je progresse petit à petit. C'est bête de ne pas pouvoir récompenser ceux qui m'aident avec une victoire sur un France.” 

« JE N'AI PAS RESPECTÉ, DÉSOLÉ POUR LUI »

Il n’oublie pas non plus de saluer ses adversaires. “Félicitations au Vendée U, ça fait un mois qu'ils marchent super bien. Ils ont des moyens, avec l'équipe au-dessus. Ils sont vraiment bien structurés, bien aidés. On savait tôt ou tard qu'ils allaient être présents sur les courses. Peut-être qu'ils ont eu un peu de mal à commencer la saison, mais ça leur a peut-être fait du bien. Ils arrivent avec plus de fraîcheur, et ils en claquent un peu toutes les semaines.”

S’il reste lucide, Léandre Huck est désormais convaincu de son potentiel. “On me dit souvent que j'ai des capacités. Après, je ne crois que ce que je vois. Petit à petit, je commence à me découvrir, à voir que je suis capable de faire ce genre d'efforts.” Des longues chevauchées solitaires dans l’ADN du VC Rouen 76, comme celle d’Alexis Gougeard à Cassel. “Ce qui est marrant, c'est qu'hier, j’ai parlé avec Alexis. Il m'a gentiment donné quelques conseils, que je n'ai pas trop respectés, désolé pour lui.” L’ancien pro a marqué ceux qui l’ont côtoyé. “Lorsqu’il était à Rouen, on faisait beaucoup d'échappées ensemble. C'est vraiment un bon mec, sans prise de tête. Quand il est redescendu chez nous, c'était bénéfique pour l’équipe.” La fin du chapitre est malheureuse, mais l'histoire n'est pas terminée.

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Léandre HUCK