Thierry Bricaud : « Un vrai changement de cap »

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Cholet, dimanche après-midi : il reste moins de cinq kilomètres sur l’épreuve 1.1 et Lewis Askey - déjà impressionnant les minutes précédentes - impose un rythme d’enfer dans la courte mais raide montée de la Rue Surcouf. L’occasion de mettre dans le rouge la majeure partie de ses adversaires et de propulser son coéquipier Laurence Pithie, finalement vainqueur de l’épreuve quelques instants plus tard (voir classement). Le Britannique a 21 ans, le Néo-Zélandais a 20 ans. Un exemple (parmi d’autres) de cette génération dorée à la Groupama-FDJ, qui a pris le temps de grandir dans la réserve et qui est - déjà - prête à briller chez les grands. Lewis Askey, Lorenzo Germani, Romain Grégoire, Lenny Martinez, Enzo Paleni, Paul Penhoët, Laurence Pithie, Samuel Watson… Tout ce beau monde a 21 ans ou moins. Reuben Thompson et Jake Stewart sont guère plus expérimentés. Ajoutez-y le nouveau cru de la réserve, avec des coureurs qui participent à quelques compétitions avec la WorldTeam, et vous obtenez parfois une moyenne d’âge inimaginable il y a encore quelques années de cela pour une formation de première division mondiale. Ainsi, ce dimanche, les six coureurs alignés par la Groupama-FDJ lors de ce Cholet-Pays de la Loire affichaient une moyenne d’âge de… 20,5 ans. Et le plus impressionnant, c’est que ça gagne !

Comment Thierry Bricaud, directeur sportif historique de la Groupama-FDJ - il est en poste depuis 2005 - vit-il l’éclosion de tous ces jeunes au sein de sa structure ? A-t-il dû adapter sa façon de travailler et de diriger le groupe face à cette bande de gamins aux dents longues ? 
“Ce n'est pas foncièrement différent. Ce sont des gamins, certes, mais ils sont matures malgré tout, et précoces. Ils comprennent tout très vite, même s'ils ont bien sûr ce côté fougueux”, répond le directeur sportif pour DirectVelo, au moment d’évoquer cette nouvelle génération aux grandes ambitions. “On essaie de leur donner un maximum de petites infos, qu'ils intègrent généralement très vite et très bien. Ce qui m'impressionne le plus, c'est surtout leur maturité. Ils sont hyper précoces dans tout. Ils sont impatients mais font quand même les choses intelligemment. Ils ne sont pas dans le calcul, mais ne font pas n'importe quoi pour autant”.

UN PLAN DE BATAILLE SUIVI À LA LETTRE


Généralement, lors d’un briefing d’avant-course, un ou plusieurs coureurs - souvent les plus expérimentés et/ou leaders - prennent la parole pour compléter les mots du DS. Qu’en est-il lorsque pratiquement tous les coureurs du groupe étaient encore Juniors il y a deux ou trois ans maximum ? “L'esprit général reste le même. On se fait confiance. Pour le reste, ils laissent parler leur instinct. Ce week-end, Bram Welten a pris la parole et les autres lui ont fait confiance”. Le Néerlandais, du haut de ses 25 ans, paraissait presque être un vieux de la vieille au milieu de ses coéquipiers qui sortent tous de l’adolescence. “J'ai fait le briefing puis pendant la course, ce week-end, je n'ai pratiquement rien dit, hormis donner les compositions des échappées et les écarts. Un plan de bataille avait été établi dans le bus et il n'y a jamais eu besoin d'en rajouter. Ils étaient focus sur le plan et tout le monde est resté là-dessus”.

Et s’il peut se dire que cette nouvelle génération a tendance à considérer tout savoir et ne pas nécessairement prendre en considération l’avis des « anciens » - à l'échelle de l'ensemble du peloton et non spécifiquement au sein de la formation tricolore -, Thierry Bricaud balaie ce point de vue sans tergiversation. “C’est faux ! Si je prends l’exemple de Romain Grégoire et de Lenny Martinez, ils ont envie de bien faire et sont à l’écoute, ils observent. La moindre info est importante pour eux. Quand ils courent avec Thibaut Pinot, ils prennent les infos, ils sont très respectueux. C’est juste qu’ils ne se posent pas trop de questions. Aux Strade Bianche, quand (Mathieu) Van der Poel attaque, Romain (Grégoire) y va, sans se demander si ce n’est pas trop ambitieux ou autre. Il y va à l’instinct, c’est tout. Mais il y a un gros respect des plus expérimentés du groupe”. Thierry Bricaud assure également que, bien que certains jeunes talents semblent parfois laisser l’impression d’être sûrs de leur fait, il peut s’agir d’apparences trompeuses. “Parfois, paradoxalement, ils n'ont pas pleinement conscience de leur potentiel alors qu’ils marchent très fort. Ils se pensent souvent un petit peu en-dessous du niveau qu'ils ont réellement. Il arrive qu'ils ne réalisent pas qu'ils sont les plus forts de la course, on doit leur en faire prendre conscience et leur donner confiance”.

L'APRÈS THIBAUT PINOT SE CONSTRUIT DÉJÀ AUJOURD’HUI

Alors qu’il n’a jamais eu un groupe aussi jeune depuis ses débuts en qualité de directeur sportif au Vendée U, à la toute fin des années 90, Thierry Bricaud apprécie voir éclore tous ces talents qui ne demandent désormais qu’à exploser aux yeux du grand public. “C’est une vraie évolution et un vrai changement de cap pour la Groupama-FDJ. Thibaut (Pinot) va partir alors qu’il est là depuis près de quinze ans (quatorzième saison dans l’effectif, NDLR). C’est un personnage plus qu’important dans la vie de l’équipe. Mais quand on voit le potentiel de l’équipe, on se dit qu’il y a encore de belles pages à écrire. C’est simplement une autre approche. Les gamins sont talentueux, mais on ne leur fait pas faire n’importe quoi. C’est juste qu’on leur donne leur chance rapidement et ça booste tout le monde, y compris les plus aguerris de l’équipe”.

Raison pour laquelle deux gamins de la Conti, Thibaud Gruel - vainqueur du Challenge Morphologics-DirectVelo Juniors 2022 - et Noah Hobbs, ont participé aux épreuves du week-end avec la maison-mère, à 18 ans seulement. “On leur demande simplement d’être impliqués dans tout ce qu’ils ont à faire. Ils ont un travail assez précis à respecter tout en ayant des libertés. Ils sont vraiment solides. Prenez Thibaud Gruel ; il a 18 ans, il était malade, et il était quand même là dans le final sur la Classic Loire-Atlantique notamment. Noah Hobbs revenait d’une semaine sur la piste, en Egypte. Et il s’est adapté”. Proposer des Classe 1 aux coureurs de la Conti est tout un programme, qu’il faut adapter au mieux pour chacun des athlètes. “C’est du cas par cas, et non pas une récompense. On essaie de créer une vraie émulation au sein de la Conti, ça leur fait découvrir autre chose. Sur Gand-Wevelgem Espoirs, je suis sûr que Thibaud (Gruel) sentira les bienfaits de ce week-end en Classe 1. Et il y arrivera avec plus de certitudes”. Voilà visiblement un joli cercle vertueux.

 

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