Du Top Club au ProTour

Crédit photo DirectVelo

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Pendant le confinement, avec l’arrêt des compétitions, la fragilité des équipes pros a, encore une fois, été mise en évidence. Des voix ont demandé une réforme. Une de plus. Car depuis sa création le cyclisme est professionnel et les réformes se sont succédées. DirectVelo vous propose de réviser l’histoire des structures du cyclisme pro. Neuvième rendez-vous : Du Top Club au ProTour.

LE PÈRE ET LE PARRAIN

La veille de Paris-Nice 2005, Paris, berceau de la course cycliste, reçoit la cérémonie de baptême de l'UCI ProTour. Le père, Hein Verbruggen, a choisi son parrain, Lance Armstrong. Pourquoi l'Américain ? Est-il premier du classement mondial de l'UCI ? Même pas, il est 7e. C'est pas grave ! A-t-il gagné la dernière Coupe du Monde, en 2004 ? Il n'y a pas marqué un seul point. C'est pas grave ! Entre le Président de l'UCI et l'Américain, on aime se renvoyer l'ascenseur. Alors que le cyclisme tentait de se relever des ruines du Tour 98, le Hollandais, formé au marketing, sent le potentiel du coureur guéri du cancer. Son contrôle positif aux corticoïdes au Tour de France 1999 ? C'est pas grave ! L'UCI accepte une ordonnance antidatée pour une pommade, comme la fédération internationale en a l'habitude et pas seulement pour Armstrong. Marco Pantani avait eu droit à moins de mansuétude trois semaines plus tôt quand son hématocrite dépassait les 50 % le matin de l'avant-dernière étape du Giro qui partait de Madonna di Campiglio. En 2002, Hein Verbruggen défend encore son poulain texan. “Lance Armstrong est la preuve vivante d'un coureur qui ne triche pas. Ce coureur n'utilise pas un seul médicament alors que la presse croit qu'il se dope”. En juillet, après avoir fait sa petite séance d'étirements dans les pentes de Courchevel, maillot jauni sur les épaules aux Champs Elysées, Armstrong traitera de "cyniques" ceux qui voient clair et qui, il l'avoue quinze ans plus tard, avaient raison de douter de lui.

Ce samedi 5 mars 2005, Lance Armstrong n'offre pas de dragées à Hein Verbruggen mais ce dernier lui donne sa robe de baptême, le maillot blanc à liserés bleus de leader du ProTour. Des coureurs assistent à cette cérémonie : Alejandro Valverde, Axel Merckx, Sylvain Chavanel ou encore David Moncoutié qui deviendra, au Tour du Pays Basque, le premier Français à gagner dans le ProTour.

En revanche, le numéro 1 mondial est absent. Damiano Cunego, vainqueur du Giro et du Tour de Lombardie, est le « Petit Prince » de la saison 2004. Ça tombe bien, le ProTour ressemble à un mouton à cinq pattes. La peinture est encore fraîche et le couvreur a oublié quelques ardoises. Les multiples réformes qui vont suivre sont la conséquence de ce projet mal ficelé au départ.

Les oncles de la famille n'ont pas voulu assister au baptême. Le banc d'ASO , RCS et UniPublic est vide. Les organisateurs des trois Grands Tours, mais aussi de Paris-Nice pour ASO, sont en conflit avec l'UCI. Leurs courses font partie du nouveau circuit mondial mais n'y sont pas officiellement inscrites. La position de ces organisateurs est rappelée par Patrice Clerc (Président d'ASO) : “Nous avons rappelé notre refus catégorique de voir notre statut de propriétaire d'épreuve changer en locataire de dates”. Hein Verbruggen lui rétorque : “ASO a une obligation morale envers le cyclisme. Patrice Clerc dit que le Tour tient sa grandeur d'Henri Desgrange, je pense qu'il la tient aussi des champions comme Coppi, Merckx, Hinault, Armstrong… Je ne demande pas un partage du gâteau que détient le Tour, je dis simplement que si tout le monde participe, le gâteau sera plus grand”. Là encore, il n'oublie pas son ami américain. Pour ne rien arranger, le Président de l'UCI envisage de réduire à deux semaines le Giro et la Vuelta.

Conséquence de ce retrait des Grands Tours, leurs organisateurs sont exclus du Conseil du ProTour, nouveau nom du Conseil du Cyclisme Professionnel (CCP). Cet organe est né en 1999 et pour comprendre la genèse du circuit mondial, il faut remonter au Championnat du Monde de Vérone.

LE CRE POUR SORTIR DU FOSSÉ

Au Championnat du Monde 1999 à Vérone, Hein Verbruggen dégaine son arme qui se révélera être un fusil à très longue portée. Il annonce la création du Conseil du Cyclisme sur Route Elite, le CRE. La gouvernance du cyclisme pro doit revenir à ce Conseil.

En 1999, l'onde de choc de l'affaire Festina n'en finit pas de faire trembler le vélo sans le faire tomber et les nouvelles affaires s'empilent. En juillet 1998, Jean-Marie Leblanc pour la Société du Tour de France et Daniel Baal pour la FFC ont occupé le terrain laissé libre par les vacances du Président de l'UCI. Le fossé se creuse entre la France et ses voisins. Le Tour déclare persona non grata l'équipe TVM, Vini Caldirola, Manolo Saiz et Richard Virenque, à quelques jours du Tour de France 1999. Contrairement à Alex Zülle, son ancien coéquipier chez Festina qui a avoué et qui est suspendu par la fédération suisse jusqu'en mai, le Français continue de nier et n'a donc pas encore été sanctionné. Manolo Saiz a quitté le Tour de France 1998 avec toute son équipe Once et dans sa foulée, les autres équipes espagnoles. Le maillot bleu-blanc-rouge de son leader Laurent Jalabert ne verra plus les courses françaises de toute la saison 1999. Le numéro 1 mondial déclare même au journal Marca au sujet du Tour : "C'est la plus grande course du monde, mais c'est aussi celle qui réserve le plus mauvais traitement aux coureurs". En revanche, Bjarne Riis, dont le surnom de « Monsieur 60 % » a franchi le mur de silence du peloton, est toujours le bienvenu.

Hein Verbruggen veut reprendre le contrôle en 1999 : l'UCI fait tomber Pantani, le vainqueur du Tour 98, et invalide, en se basant sur le règlement, la décision de la Société du Tour d'exclure Virenque et Saiz. Déjà en début de saison, le Hollandais a menacé de suspension Jean-Cyril Robin qui avait osé parler de cyclisme à deux vitesses après le Paris-Nice dominé par les Rabobank. Il lui remettra sa médaille de bronze sur le podium du Championnat du Monde de Vérone. C'est à Vérone donc qu'il manœuvre et qu'il présente son nouveau « bébé », le CRE pour sortir le vélo du fossé. C'est la volonté de Manolo Saiz, Président de l'AIGCP (1), que le monde pro s'autogère. Daniel Baal, Président de la FFC et seul membre du comité directeur de l'UCI à s'opposer au projet, sent bien que “les fédérations seront éliminées du cyclisme professionnel”.

Manolo Saiz a senti le vent du boulet et ne veut pas risquer, lui et son équipe ONCE, d'être encore borduré par le Tour comme l'ont été TVM et Vini Caldirola. Le 26 novembre suivant, l'UCI publie l'acte de naissance du CCP, le nouveau nom du CRE, le Conseil du Cyclisme Professionnel. Les compétences du CCP sont tout de suite dignes d'une fédération : rédaction des règlements, élaborer le calendrier et régler les conflits. Parmi les premières recommandations du CCP au comité directeur de l'UCI, le droit automatique des G.S. I (dont le nombre serait réduit à 18) de participer aux trois Grands Tours. Un des principes du ProTour est déjà écrit noir sur blanc. Jean-Marie Leblanc, présent ce jour-là au titre de Président des organisateurs, ne s'y oppose pas. Il faut dire que le Tour applique ce principe depuis 1989. En cette année 1999, les seize premiers groupes sportifs du classement UCI en début d'année étaient qualifiés pour la Grande Boucle.

LES MEILLEURS COUREURS DANS LES MEILLEURES COURSES

En 2002, la pyramide du cyclisme pro ressemble à une colonne. L'UCI classe 30 GS1 en 1ère division et 32 chez les GS2. Mais la Fédération internationale taille en pointe le dernier étage : les dix premières équipes du classement UCI sont assurées de participer aux trois Grands Tours. Ces dix GS1 forment le « Top Club ». Le Top Club, c'est le cousin éloigné du futur ProTour.

Avant le départ du Tour 2003, dont l'équipe du Champion du Monde Mario Cipollini, Domina Vacanze, est écartée, la réforme du cyclisme pro est annoncée pour 2005. Au Championnat du Monde d'Hamilton, l'UCI détaille son projet : Les meilleurs coureurs dans les meilleures équipes qui courront les meilleures courses.

Pour rassurer les commanditaires des groupes sportifs, la participations aux grandes courses leur est garantie par une licence de quatre ans. Pour participer à ces trente grandes courses, les vingt équipes sélectionnées devront augmenter leur effectif (25 coureurs). Contrairement à la Coupe du Monde, les Grands Tours et les courses par étapes Hors-Classe font partie du programme. Les organisateurs des Grands Tours pourront inviter deux groupes sportifs en plus des vingt obligatoires.

SYSTÈME FERMÉ DÈS LE DÉBUT

Pour voir les meilleurs coureurs avec un dossard toute l'année, l'obligation donnée aux formations d'aligner deux de leur cinq meilleurs coureurs est à l'étude. L'idée sera abandonnée avant 2005. En revanche, dès le début, le système montée-descente n'existe pas. On parle donc de système fermé « à l'américaine ». Jean-Marie Leblanc, en tant que Président de l'AIOCC, n'y voit pour l'instant aucun mal.

Enfin, un nom provisoire est donné à ce circuit mondial : l'UCI Pro Tour, copié sur le triathlon. Le provisoire va durer.

Le projet initial donne un devoir de formation à ces grandes équipes : engagements obligatoires de jeunes ou création d'un groupe espoir, comme le font déjà la Rabobank, la Mapei et le Crédit Agricole. Comme dans la réforme de 1962-64, les équipes s'arrangent pour abandonner ce volet formation. Pire, pour financer son équipe ProTour, le Crédit Agricole abandonnera son GS3 Espoirs en 2005.

LES GAGNANTES DU PROTOUR

Dès la sortie de ce projet, la question de la pérennité des courses hors ProTour se pose. Hein Verbruggen répond sans détour et sans sentiment, “mais aujourd'hui qu'en est-il ? On ne les voit pas et elles vivent. Ça ne changera rien pour elles“.

En 2005, Paris-Nice est donc la première course du ProTour. Le menu proposé est bien celui promis par l'UCI et le CCP au début du projet : les manches de Coupe du Monde et les plus grandes courses par étapes. Celles-ci vont être les grandes gagnantes, avec une participation internationale assurée ce qui n'était pas le cas auparavant, en dehors du Tour de France. En 1995, le Dauphiné réunit quatorze formations dont la moitié de françaises. Dix ans plus tard, elles sont 21 au départ dont cinq tricolores. Mais en contre-partie, le coût des frais de déplacement versés aux équipes augmente.

Comme pour tout nouveau projet d'Hein Verbruggen, un contre-la-montre par équipes aux Pays-Bas est au menu. Et comme pour celui de la Coupe du Monde, il va faire long feu et sera le premier à disparaître.

LE FAUX DÉPART DE PHONAK

Pendant toute la saison 2004, plus d'une équipe annonce qu'elle boudera ce nouveau système qui leur coûtera plus cher pour pouvoir courir sur plusieurs fronts. Au final, on refuse du monde. La sélection des équipes suit une répartition géographique qui volera en éclat au gré des dissolutions d'équipes. Les affaires de dopage s'invitent dans l'attribution des licences. Trois coureurs de l'équipe Phonak sont positifs en quelques mois : Oscar Camenzind (EPO), Tyler Hamilton et Santiago Perez (transfusion sanguine). L'Américain reste le premier coureur positif à une transfusion. Le 25 novembre, la commission des licences rejette le dossier Phonak mais le Tribunal arbitral du sport ne l'entend pas de cette oreille. Le 1er février, il force l'UCI a réintégrer l'équipe suisse qui a viré son manager Urs Freuler pour embaucher John Lelangue, un ancien d'ASO. Ça ne va pas empêcher l'affaire Landis au Tour 2006.

Danilo Di Luca est le premier vainqueur du maillot blanc et bleu, signe distinctif du leader. L'année précédente, les organisateurs du Tour lui avaient demandé de quitter la course avant le départ car il était mis en cause dans l'affaire « Oil for drug ». Il s'en tirera avec une suspension de trois mois fin 2007 et l'UCI l'excluera du ProTour juste avant le Tour de Lombardie alors qu'il est encore en tête du classement. Il sera contrôlé positif une première fois à l'EPO Cera en 2009.

Le dialogue de sourds entre les trois organisateurs de Grands Tours (ASO, RCS et Unipublic) et l'UCI anime le début du ProTour. Les premiers refusent de devoir payer pour conserver le statut qu'ils ont construit année après année et pour, en plus, ne plus être maîtres des équipes qu'ils invitent. Leurs épreuves comptent pour le ProTour mais n'en font pas partie. Nuance.

TENTATIVE DE DIVISION DES TROIS GRANDS TOURS

Hein Verbruggen recule sur certains points mais tente de diviser le trio avant le départ du Tour 2005 : “Les Grands Tours ont quasiment tout obtenu de notre part. Il n'y a pas de plan marketing commun, ils ne sont pas obligés d'acheter une licence, on ne touche pas à leurs droits de propriété. (...). On voit toujours arriver de nouvelles exigences. Aujourd'hui, nous ne sommes plus dans une négociation, mais dans une action de destruction menée par les Grands Tours dont deux d'entre eux (Giro et Vuelta NDLR) ont besoin du ProTour”. Le Hollandais a raison. En 2004, la Quick Step et la T.Mobile, équipes n°2 et 3 au classement UCI en début de saison, sont absentes du Tour d'Italie. Impensable depuis 2005 grâce au ProTour.

Fin 2005, le triumvirat d'organisateurs fait une contre-proposition pour 2006 : Les 14 premières équipes du classement ProTour 2005 seraient qualifiées d'office à leurs épreuves, sans être obligées de participer. 14 équipes pour revenir à la situation avant le ProTour, en 2004. Pour satisfaire les équipes sur le coût élevé de la participation à trois Grands Tours, ils vont leur verser une indemnité spéciale, un bonus de présence, en plus des indemnités de participation négociées avec l'AIGCP. Ce bonus est versé aux formations qui terminent à sept, huit ou neuf coureurs.

C'est une façon de montrer à Manolo Saiz et à l'UCI que les Grands Tours savent sortir le couteau pour donner une part de gâteau. C'est une longue revendication. En 2000, en plein Giro, les équipes italiennes exigent un partage des droits télé. Carmine Castellano, l'organisateur de la course rose, tient tête tout en devinant la main de l'UCI derrière cette manœuvre. Encore en Italie, quand Vincenzo Torriani veut faire venir des équipes nationales amateurs, tous frais payés, les groupes sportifs italiens demandent pour eux aussi de l'argent pour payer l'hôtel et le gasoil (2). Du côté de la Grande Boucle, il faut attendre 1992 pour que les inscriptions soient gratuites pour les équipes. Déjà depuis 1990, leur prix avait baissé grâce aux droits TV. Une façon de redistribuer ces fameux droits.

Le président de l'association des groupes sportifs, Patrick Lefévère, réagit à ce coup de force des organisateurs. “La situation est de plus en plus insupportable. Ce sera le consensus ou la guerre. Mais je veux rester optimiste”. Le manager de la Quick Step pense encore que le ProTour va permettre aux équipes de se passer des Grands Tours. “Je suis même convaincu que certains sponsors, ceux qui ont une vision à long terme de leur investissement dans le cyclisme, peuvent fort bien se priver du Tour de France” (3). Après quinze ans de Pro puis WorldTour, le manager est obligé de reconnaître en pleine crise du coronavirus : “S'il n'y a pas de Tour de France, tout le modèle du cyclisme peut s'écrouler".

Les affaires de dopage et une succession de « cas isolés » vont animer les premières saisons du ProTour et renforcer la conviction d'ASO de garder la main sur la participation des équipes. En 2005, L'Equipe apporte la preuve que Lance Armstrong prenait de l'EPO en 1999. L'affaire Puerto éclate pendant le Giro 2006 et Floyd Landis est contrôlé positif alors qu'il est arrivé en jaune à Paris. Le Tour 2007 atteint un nouveau sommet : Michael Rasmussen, en jaune, est exclu du Tour de France par son équipe pour avoir menti sur ses lieux d'entraînement, sans avoir été contrôlé positif mais avec une forte insistance des organisateurs. Alexandre Vinokourov est positif deux fois aux transfusions et sa formation Astana plie les gaules. Les sondages témoignent que l'image du Tour est dégradée. Pour Patrice Clerc, le Président d'ASO, c'en est trop. L'année 2008 sera celle de tous les dangers.

2008 : RIEN NE VA PLUS, FAITES VOS JEUX

Grand Prix de la Marseillaise 2007. Baden Cooke lève les bras en signe de victoire, la première de la saison pour son équipe Unibet.com, nouvellement promue en ProTour, preuve qu'il se renouvelle. Mais ce maillot ne verra jamais le Tour de France et Unibet n'apparaîtra plus sur le maillot dans les courses françaises. Les paris en ligne sont interdits en France. L'occasion est trop belle pour ASO. Ils refusent la participation d'Unibet à Paris-Nice. L'UCI fait le pari d'interdire la course mais l'organisateur s'appuie sur la FFC et la justice française déboute l'équipe enregistrée aux Pays-Bas de sa demande de participation. Jean Pitallier, le Président de la FFC, en remet une couche : “L'équipe Unibet devrait se retourner contre l'UCI qui lui a vendu une coquille vide, à savoir une licence qui ne la place pas au-dessus des lois. Unibet n'est pas autorisé sur le territoire français, un point c'est tout”.

Mars 2008, rebelote. Mais là, ça va drôlement chauffer entre l'UCI et ASO avec la FFC au milieu. La fédération française ne va pas tirer les marrons du feu mais va se prendre toutes les étincelles. Depuis deux mois c'est l'escalade.

LE TOUR AU CALENDRIER NATIONAL

Tout commence au Championnat du Monde de cyclo-cross en janvier à Trévise. L'UCI n'inscrit pas les épreuves d' ASO, RCS et Unipublic au calendrier mondial mais à un calendrier « historique ». Le 25 février, ASO demande à la fédération française d'inscrire Paris-Nice au calendrier national. L'UCI met en demeure Jean Pitallier de retirer l'autorisation accordée à Paris-Nice. "J'ai suivi les instructions ministérielles et je n'ai fait que respecter les articles de la loi", rétorque le Président de la FFC qui s'appuie, lui aussi, sur le règlement de l'UCI qui précise que les instances nationales doivent respecter des dispositions de droit de son pays.

Pat McQuaid menace de suspension les participants de Paris-Nice et lance une procédure disciplinaire contre Jean Pitallier et Eric Boyer, président de l'Association des groupes sportifs pour "avoir encouragé les membres de l'AIGCP à enfreindre les règlements de l'UCI en leur demandant de participer à Paris-Nice". Les équipes ont voté la participation. Avant cela, celui qui est aussi le manager de la Cofidis a voulu faire appliquer par les membres de l'AIGCP les règles de bonne conduite : suspension à titre conservatoire des coureurs suspectés de dopage et la non-embauche de coureurs impliqués dans les affaires.

PAT MCQUAID : « JE N'AI PLUS QU'A FERMER LES PORTES DE L'UCI »

L'Irlandais accuse ASO de vouloir préparer une ligue privée. Au même moment la presse espagnole annonce que l'entreprise française cherche à prendre des billes chez Unipublic. En juin, ASO prendra 49 % des parts de l'organisateur de la Vuelta. Le fossé qui se creuse depuis 1998 entre la France et l'UCI, ressemble à un océan. Le Président de la fédération internationale s'énerve : “si l'UCI a laissé ASO organiser la course en dehors des règles de l'UCI et que les équipes disent « OK, allez comme vous voulez » (aux coureurs), je n'ai plus qu'à fermer la porte de l'UCI et à donner les clés à Paris".

L'Union européenne de cyclisme, à l'initiative de la fédération britannique, présidée par Brian Cookson, vote une motion qui demande à la FFC de ne pas autoriser Paris-Nice en dehors du cadre de l'UCI. Les six fédérations opposées au ProTour, Autriche, Belgique, Espagne, France, Italie et Luxembourg, votent contre. Au mois d'avril, aux Etats généraux du cyclisme organisés à Paris, sans l'UCI, la fédération anglaise, tout comme la néerlandaise, refuse l'invitation pour venir débattre du dopage et du ProTour.

LE TOUR SANS L'UCI

Paris-Nice, la “course sauvage” selon Pat McQuaid, a bien lieu et ni les coureurs ni les équipes ne sont suspendus.

Après Unibet en 2007, c'est Astana qui est persona non grata dans les courses d'ASO en 2008 après tous les cas de dopage liés à cette équipe l'année précédente. Enfin, après sa participation au Tour du Qatar quand même. C'est devenu l'équipe d'Alberto Contador, vainqueur sortant du Tour. La Grande Boucle, comme Paris-Nice, est organisée hors du giron de l'UCI. Elle est donc privée des commissaires internationaux. L'Agence française de lutte contre le dopage se charge des contrôles. L'UCI se garde bien de lui faire passer les informations du tout nouveau passeport biologique. L'AFLD va faire sans. Pendant, mais aussi après la course, ses contrôles s'avèrent fructueux : Riccardo Ricco, ciblé, monte dans la charrette, alors qu'il était passé à travers les radars de l'UCI au Giro. Leonardo Piepoli, Bernhard Kohl et Stefan Schumacher le rejoindront avec un peu de retard.

LES ÉQUIPES QUITTENT LE PROTOUR EN PLEIN TOUR

En plein Tour de France, les équipes quittent le navire du ProTour, refusent de demander le renouvellement de leur licence et signent un accord avec les trois Grands Tours. C'est le soleil d'Austerlitz pour le clan Amaury. L'UCI réplique "les équipes ont une fois de plus cédé à la pression exercée par la direction d'ASO, dont l'objectif depuis quatre ans consiste à détruire l'UCI ProTour". Les épreuves de ces trois organisateurs seraient regroupés dans un calendrier historique. On revient donc à la proposition du mois de janvier de… l'UCI.

C'est la guerre, mais heureusement, l'armistice va être signé entre les quatre parties (UCI, ASO, RCS et Unipublic) au Championnat du Monde de Varèse. “Toutes les parties sont convaincues que cet acte marque le départ d'une nouvelle ère positive pour toute la famille cycliste”, se félicite la fédération internationale. En fait, depuis le mois d'août et les Jeux olympiques de Pékin, Jean-Claude Killy joue les médiateurs entre Pat McQuaid et ASO.

Si la hache de guerre est enterrée, il y a tout de même deux victimes sur le champ de bataille. Hein Verbruggen qui était encore vice-président, quitte l'UCI. Patrice Clerc, l'homme qui a mené la lutte contre le ProTour et contre le dopage, est débarqué de son poste de Président d'ASO. Un autre dirigeant perd son poste : Eric Boyer perd la présidence de l'AIGCP en novembre 2008 : "ceux qui devaient me soutenir ont reçu des pressions et ils m’ont fait comprendre qu’ils ne soutenaient plus mes positions. Je leur ai dit : « Vous m’écoeurez… » Et je suis parti", déclare-t-il à L'Humanité.

LA FFC FRÔLE LE BAN

Et la FFC ? Au mois de juin, le comité directeur de l'UCI l'a suspendue. C'est plus facile de s'attaquer à une association qu'à une grosse entreprise. Les Français sont exclus des commissions internationales. Le Congrès de Varèse, en septembre, doit aggraver les sanctions. Le bûcher est prêt pour la brûler en place publique. Mais au dernier moment, Pat McQuaid ne craque pas l'allumette et la suspension de la FFC est levée.

L'année se termine bien pour le clan Amaury. En novembre 2008, un an après les démêlés de l'équipe Unibet, le groupe Amaury trouve, au final, que les paris sportifs ne sont pas si amoraux que ça. Il signe un accord avec l'opérateur autrichien Bwin en vue de l'ouverture du marché en France, prévue fin 2009 ou début 2010. En avril 2010, Amaury-Bwin s'affichent sous la bannière sajoo.fr.

(1) Association Internationale des Groupes Cyclistes Professionnels.
(2) “Giro”, Pierre Carrey, éditions Hugo Sport, 2019
(3) L'Equipe du 10 décembre 2005

Notre dossier - Les 1001 réformes du cyclisme pro :
-Les pros et les amateurs : des diables et des petits saints
-La bataille de la licence pro
-Il y a du monde dans le peloton
-Des primes de départ aux courses protégées
-L'UCI laisse passer la révolution des extra-sportifs
-Les organisateurs prennent la main
-Le long chemin vers la licence unique
-Hein Verbruggen, le révolutionnaire
-Du Top Club au ProTour
-Un retour et le WorldTour
-Le retour du classement UCI

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