Team INCA : « On a encore le temps de grandir »

Crédit photo Robert Gachet - DirectVelo

Crédit photo Robert Gachet - DirectVelo

Projet hispanophone et désormais colombien, le Team INCA avait connu son heure de gloire sur la Classique des Alpes 2019. Le Colombien Jhon Jairo Alonso s’était invité sur la troisième marche du podium. Depuis, Jean-Marc Goullieux, manager, et son désormais directeur sportif et entraineur, Louis Faure, tentent de faire perdurer le projet. Mais le second cité l’admet, ils rencontrent quelques difficultés dans leur tâche. Présents au Valromey en ce moment, les Juniors de l’équipe ont pour le moment vécu deux journées difficiles, en attendant que la route s’élève davantage. Pour DirectVelo, Louis Faure a fait le point sur le projet, les difficultés, les évolutions à apporter, et son rôle personnel dans l’équipe.

DirectVelo : Comment se passe ce début de Valromey ?
Louis Faure : Mercredi était une journée un peu compliquée pour nous. On en perd rapidement un qui est moins bien en ce moment. C'était un peu prévisible. Puis un J1 sur chute ensuite. Il nous en restait quatre en course. Deux finissent dans le peloton mais n'ont pas réussi à aller dans les coups. On en a deux dans le groupe à 4 minutes et deux dans le gruppetto en gros (ces quatre coureurs ont passé la deuxième étape sans embûches, NDLR).

L'équipe semble un peu dans le dur...
C'est un peu plus compliqué que l'année dernière. C'était la première année du projet l'année dernière (pour relire l'historique, NDLR), on était plutôt contents. On ne partait de rien. Clairement aujourd'hui notre mode de fonctionnement fait qu'on ne fonctionne qu'avec des Colombiens, et qu'avec la Fondation Esteban Chaves. Ce qui veut dire que quand tu as deux ou trois talents sur une année tu t'en sors bien, et quand il y en a moins tu as des années un peu creuses. Donc de notre côté on va revoir notre mode de fonctionnement, apprendre de nos erreurs. L'objectif est de faire rentrer des Européens, des Français et autres. C'est notre envie pour internationaliser les choses. Car ça semble compliqué de ne fonctionner qu'avec des Colombiens. Et au niveau de notre recrutement aussi.

« CE N’EST PAS FACILE POUR LE MORAL »

Quelle est l'avenir par rapport à la Fondation ?
On ne va pas se détacher de la Fondation, on fonctionne bien avec eux, mais ils sont sur un quart ou un cinquième de la Colombie. Donc en fait, on évolue avec une seule équipe, qui fonctionne elle même sur une petite partie du pays, donc c'est un peu compliqué. On peut aussi les aider eux. Ils ont envie d'avoir des coureurs de toute la Colombie, mais c'est dur de se développer. Ils ont des équipes en face comme Tierra de Atletas, qui viennent aussi un peu en Europe. Ils ont l'Etat qui les soutient, qui leur tient la main, donc c'est compliqué. C'est un début difficile donc. Même si on a eu des bons résultats avec les Juniors sur la Classique des Pyrénées. Puis il y a eu un passage à vide dû à une vague de covid. Mais on va essayer de se relancer.

Comment les coureurs encaissent de se faire taper dessus sur ces courses ?
Une journée comme hier (mercredi), ce n'est pas facile pour le moral. L'objectif a été de les remobiliser. On peut tirer notre épingle du jeu sur d'autres étapes. Il y a des possibilités que les échappées aillent au bout avec les écarts au général. Après on a notre grimpeur, Marco Montana, qu'on va préserver pour les prochains jours.

Comment favoriser leur adaptation à la France ?
Cette année, on est sur des appartements à côté d'Aurillac. Ils sont logés, six Juniors et sept Espoirs, avec un Cadet qui est venu deux-trois mois faire des courses. Ça se passe plutôt bien. On réfléchit aussi à ne garder que des Juniors, à voir. Les Cadets, on pense que c'est important qu'ils viennent tôt. On voit que des J1 arrivent un peu perdus. On le voit sur le placement, sur plein d'erreurs. Mais à 10 000 km de chez eux, ce n'est pas facile en Cadet. Pourquoi pas les faire venir découvrir un peu pour ne pas arriver dans l'inconnu ensuite.

« ÇA RESTE DES GAMINS À 10 000 BORNES DE CHEZ EUX »

À titre personnel, avais-tu pensé te retrouver avec cette casquette ?
Je n'aurais pas imaginé ça. J'étais encore un peu à Limoges chez les Espoirs, dans mon club de toujours. En parallèle j'étais en STAPS, je savais directement que je voulais rester dans le milieu du vélo, c'est ma passion. L'entrainement me passionnait aussi quand j'étais coureur. Donc j'ai fait ma Licence, j'ai été stagiaire au Pôle Espoirs à Guéret avec Maxime Mederel qui m'a appris beaucoup de choses. J'ai gardé contact avec David Giraud, qui lui était dans les filières AG2R. Il a entendu parler de ce projet, j'ai été mis en contact avec Jean-Jacques (Goullieux), le manager, et ça a bien matché. C'était ma première expérience en tant qu'entraineur et DS, je ne pouvais pas rêver mieux.

Finalement tu as encore plus de boulot qu'un autre DS !
J'ai eu l'adaptation de la langue, ça m'a permis d'être bilingue puisqu'on ne travaille qu'en espagnol, malgré leurs cours de français. Puis il y a eu la gestion du recrutement. Sur place, la vie de tous les jours aussi. Je suis tout le temps avec eux. C'est plus qu'un simple boulot d'entraineur et DS. Ça reste des gamins, des ados, qui sont à 10 000 bornes de chez eux. On fonctionne aussi avec la Clinique du souffle, ça nous a permis de travailler avec des médecins, diététiciens et psychologues. On s'est bien structuré là-dessus. C'est pour ça qu'aujourd'hui on a ce sentiment qu'il nous manque quelque chose sur le sportif, car on est bien structuré sur le plan médical, tout le staff donne tout. Mais ce sont des choses à changer, la base est là.

« ÇA M’APPREND À PRENDRE DU RECUL »

On imagine que c'est difficile de tenir un discours musclé après les courses... Comment t'y prends-tu avec eux ?
Il faut trouver le juste milieu. Avec des Français, on pourrait un peu plus leur rentrer dedans. Mais là c'est compliqué, les gamins reviennent aux apparts après les courses, ils sont à 10 000 km de chez eux pendant cinq mois, je dois arriver à avoir le bon discours. C'est vrai que pour moi c'est une super première expérience car ça m'apprend à prendre du recul, à penser de quelle manière je vais pouvoir leur faire passer les choses. Je fonctionne pas mal sur des débriefings à froid, surtout quand ça se passe plutôt mal. On attend quelques jours et on explique les choses. J'ai la chance de les avoir tout le temps sous la main. C'est une première expérience géniale.

Et on imagine que le projet s'inscrit dans la durée...
L'idée est que ça perdure. On travaille avec AG2R qui nous aide beaucoup, la région Auvergne-Rhône-Alpes aussi. On veut continuer à grandir, j'ai été coureur à la U19, on voit qu'aujourd'hui c'est l'excellence sur cette catégorie d'âge, c'est un exemple. Ça doit faire pas loin de 15 ans, nous on est à la deuxième année sachant qu'il y a eu le covid avant. Donc je me dis qu'on a encore le temps de grandir, il faut prendre le temps mais ne pas rester sur ses acquis.

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