Réserves : L’impossible clause

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

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Peut-on interdire à un coureur d’une réserve de s’engager avec une équipe professionnelle différente ? Non. Il n’existe aujourd’hui aucune clause d’exclusivité. “Je n’en ai jamais lu jusqu’à présent”, assure Philippe Raimbaud auprès de DirectVelo. Et pour cause, elle est impossible à mettre en place. “Sur l’aspect juridique, ce serait compliqué à établir car les jeunes coureurs amateurs ne sont pas des salariés. Une clause de non-concurrence, c’est pour quelqu’un que tu rémunères”, rappelle l’agent de coureurs.

Les sociétaires de la Groupama-FDJ Continental ont eux un contrat de travail. Une équipe « étrangère » ne peut donc pas s’attacher les services d’un coureur de la structure Continental le temps de son contrat. “Mais si le Team Ineos tend un contrat à Jake Stewart pour 2021, il est libre d’accepter même s’il a une proposition de la Groupama-FDJ. C’est le jeu et les équipes réserves en ont conscience”, confie un observateur. 

« ON SAIT QU’IL N’Y A PAS DE PITIÉ »

S’il n’existe pas de clause d'exclusivité, certaines équipes tentent malgré tout de mettre des solutions en place. C’est le cas du Chambéry CF, la réserve d’AG2R La Mondiale. Selon nos informations, quand un coureur s’engage au CCF, il signe un contrat-coureur où il est indiqué qu'il doit donner priorité à AG2R La Mondiale si l'équipe WorldTour s'est alignée, sur la durée, à la proposition d'une autre formation professionnelle. “Et si on ne le respecte pas, on doit donner 7500 euros par année passée au Chambéry CF. C’est ce qu’on coûte à l’année”, indique un coureur passé par le club de N1. Une somme bien faible pour une équipe WorldTour au budget à huit chiffres comme la Movistar, qui a engagé Matteo Jorgenson. Ce type de « contrat » a également existé à l’époque de la Fondation FDJ, qui accompagnait les coureurs amateurs de différentes structures. Le Vendée U n’a en revanche jamais établi ce genre de « clause ». 

Pour les équipes, la seule solution afin de limiter les risques est de faire signer un contrat plus rapidement à un coureur. Soit les signer plus tôt, soit signer un contrat moral qui donne confiance aux mecs et puisse leur donner plus de garanties quant au fait qu’ils passeront pro chez nous un peu plus tard. En expliquant bien les choses, pour ne pas qu’ils signent ailleurs dans notre dos, sourit Damien Pommereau, le directeur sportif du Vendée U. Mais bon, on sait qu’il n’y a pas de pitié. Si une autre équipe propose monts et merveilles à ton coureur...”.

« ON NE REMET PAS EN CAUSE CE QU’ON FAIT »

Reste alors la clause morale. “Dans 90% des cas, elle est respectée”, note Philippe Raimbaud. Un autre agent, Christophe Le Mével, va dans le même sens. “Je suis persuadé que l’immense majorité des coureurs ont le respect de leurs équipes réserves”, pense-t-il. Même s’il a choisi de quitter le navire AG2R La Mondiale, Matteo Jorgenson avait un regret en quittant la Savoie. “Chambéry a fait beaucoup de travail pour moi et je vais quand même partir, reconnaissait-il alors. Le travail et l'énergie qu'ils ont mis en moi est perdue pour eux”

Son départ ne va pas bouleverser la philosophie du CCF. Le cas de Matteo Jorgenson ne met pas en péril notre système. Le statut amateur est précaire, on n’apporte pas de rémunération à nos coureurs. Chez nous, ils ont un service de proximité, la structure reste attractive. On ne remet pas en cause ce qu’on fait par rapport à un cas isolé”, promet Loïc Varnet, le manager du Chambéry CF. Les équipes continueront donc d’espérer que la « morale » l’emportera au moment où un jeune prometteur sera approché par une équipe concurrente.

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