Stephen Delcourt : « On a pris notre destin en main »

Crédit photo Romain Laurent / ASO

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La FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope est en train de vivre la plus belle période de son histoire. Une situation que l’on doit, entre autres bien sûr, au manager de la WorldTeam, Stephen Delcourt. Il y a un an et demi, en fin de saison 2020, il avait reçu bon nombre de CV d’athlètes ou d’agents. 150 environ, assurait-il. Les possibilités de recrutements étaient alors nombreuses mais, désireux de garder cohérence et stabilité, il avait fait le choix de ne presque rien changer à son effectif. Une seule recrue avait été intégrée au groupe de l’année précédente, en la personne de Marta Cavalli. Humainement, elle cochait toutes les cases. Je veux des filles qui soient épanouies dans notre collectif, avec des valeurs communes aux miennes et à celles du staff. Avec Marta, ça a tout de suite « matché »”, expliquait Stephen Delcourt, auprès de DirectVelo, en novembre 2020 (lire ici). Un enthousiasme immédiatement partagé par la première intéressée. “J’ai tout de suite aimé le projet, qui se veut à la fois très ambitieux et humain. Rejoindre une équipe jeune et prometteuse (...), c’est super excitant”. Elle était alors décrite comme la pièce manquante du puzzle (lire ici). 

17 mois plus tard, Marta Cavalli est la première à couper la ligne d’arrivée au sommet du Mur de Huy, montrant sa détermination, sa force et ses muscles - au propre comme au figuré - à Annemiek van Vleuten (aux premières loges en haut de l'ascension) et à l’ensemble du monde du cyclisme féminin. Une victoire en forme de doublé après, déjà, son succès sur les routes de l’Amstel Gold Race. Marta est une très grande travailleuse. On bosse dur avec son entraîneur Flavien Soenen et les directeurs sportifs pour la mettre dans les meilleures dispositions. C’est une perfectionniste : elle a besoin du meilleur matériel, de la meilleure préparation et d’un staff qui la met en confiance. Je pense que cette deuxième victoire va encore plus la libérer et lui faire prendre conscience qu’elle peut battre n’importe qui à n’importe quel endroit”.

LE REGARD D’UNE FEMME NOUVELLE


Un doublé d’autant plus impressionnant qu’entre temps, la Transalpine a terminé dans le Top 5 de Paris-Roubaix. “Elle avait chassé pendant une heure pour finalement décrocher cette magnifique 5e place”. Stephen Delcourt en est persuadé : sa protégée ne sera “plus jamais la même”. Preuves à l’appui. “Elle a eu le sang-froid pour ne pas craquer à un moment où Annemiek van Vleuten a fait monter les pulsations. À son visage, on a vu qu’elle était dans la gestion. Une athlète qui gagne a une confiance supplémentaire et derrière, elle a su mettre au fond, avec une détermination décuplée. On l’a vu dans son regard quand elle a franchi la ligne d’arrivée. C’est incroyable, ce n’est plus la même !”, répète-t-il.

Le statut de l’équipe, lui, a définitivement évolué également. “Il a déjà changé à Valence quand on a fait 2, 3 et 4 derrière (Annemiek) van Vleuten, puis à l’Amstel avec la victoire de Marta. Il a changé mais c’est normal. Aujourd’hui, on a pris notre destin en main. On l’a vu aujourd’hui (mercredi) : quand Brodie et Evita ont roulé, trois équipes auraient dû nous aider mais elles n’ont pas voulu rouler. Tant pis, on a assumé le poids de la course. On ne peut plus dire que les Françaises ne savent pas prendre la course en main. Ce qu’a fait Marta va, aussi, propulser le cyclisme féminin français. Maintenant, avec Marta comme pour Cecilie (Uttrup Ludwig), il n’y a pas de limite. Ça nous donne vraiment de belles ambitions pour le futur”.

UN GROUPE QUI EST EN TRAIN DE CHANGER DE DIMENSION


Le manager est, bien évidemment, fier de l’ensemble de son groupe. “C’est une bonne dynamique avec une équipe hyper solidaire. Quand on voit le retour d’Évita (Muzic) malgré de la malchance, et le cœur qu’elle a mis à l’ouvrage avec Brodie (Chapman), c’est vraiment impressionnant”. La Championne de France sur route, justement, a pris beaucoup de plaisir à travailler pour sa leader du jour. Et ce malgré un manque de réussite. “J’ai eu plusieurs fois des problèmes mécaniques. J’ai bloqué ma chaîne avec un mont, j’ai été gênée par une chute. Je n’étais pas bien placée quand l’échappée est partie alors que c’était mon rôle d’y aller. Du coup, il a fallu rouler pour revenir sur l’échappée. Avec Brodie, on a tout donné pour revenir. Ensuite, c’était à Marta de jouer dans la dernière montée. Le travail paie ! On est super contentes ! C’est loin d’être la dernière, elle est vraiment en forme”. De là à rêver du triplé à Liège ? “On va essayer !”, lâche-t-elle avec le sourire.

“On est obligé d’y penser, admet également Stephen Delcourt, mais maintenant, on se dit surtout que l’on peut gagner n’importe quelle course, au-delà de Liège-Bastogne-Liège. Bien sûr, on ira là-bas pour gagner, clairement. On n’a pas peur. Mais la suite sera aussi importante. Disons que Liège est le dernier gros objectif de ce premier bloc de la saison, avant de se tourner notamment vers le mois de juillet”. Le meilleur reste donc peut-être à venir, à Liège ou sur les routes du Tour de France. Dans tous les cas, Marta Cavalli et ses coéquipières seront déjà parvenues à écrire une grande page de l’histoire de la FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope en ce mois d’avril. Et l’avenir s’annonce radieux. “Cecilie est une grande championne et n’a plus besoin de le prouver. On a vu, dans un autre registre, l’éclosion de Clara Copponi en début de saison. Je pense aussi à Évita, à Marie (Le Net)... C’est un groupe de quatorze filles qui est en train de changer la dimension de l’équipe. On voulait repousser nos limites et elles nous le rendent bien. Plus on investit de temps, d’énergie et de moyens, plus elles sont capables de performer. C’est énorme, cette fraîcheur du cyclisme féminin. Le but, c’est de continuer de gagner des courses tout en faisant rêver les gens”.

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