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Boucle de l’Artois : « On n’a pas les moyens du Tour »

Crédit photo Michaël Gilson - DirectVelo

Crédit photo Michaël Gilson - DirectVelo

Débuts tumultueux pour la Boucle de l’Artois. La neige s’est invitée à la partie et tout le peloton est longtemps resté suspendu aux décisions de l’organisation quant à la tenue ou non du chrono inaugural. Finalement, celui-ci a été maintenu mais amputé de la moitié de sa distance. Une décision qui a divisé le peloton (lire ici), entre compréhension pour certains, quelques regrets pour d’autres, voire de la colère pour certains. À l’issue de cette première journée qui n’a pas été de tout repos, Julien Brianchon, organisateur de l’épreuve, est revenu avec DirectVelo sur les événements du vendredi. Prise de décision, fatalisme, réponses aux interrogations ou aux critiques, et même avenir de l’épreuve, le nouveau président de l’organisation a abordé tous les sujets autour d’une épreuve qui peine à se pérenniser.

DirectVelo : Te sens-tu soulagé d’avoir terminé cette première journée sans grosse casse ?
Julien Brianchon : Réellement... non. Il y a encore trois étapes. Bien que les conditions météo soient meilleures et qu'il n'y aura plus de pluie, demain matin à 9h30, on ne sait pas quelle température il fera, et il y a des risques de verglas sur les zones à l’ombre. C'est le risque qu'il y a. On a vu que sur le circuit, la route était plus sèche ce soir, mais on n'est pas à l'abri de quoi que ce soit. Pour la troisième étape, on a un risque parce qu'il a beaucoup neigé là-bas, on est à 10 cm de neige, pourtant c'est à 50 km. Mais il y a des risques aussi dus à la météo, on verra si ça passe... Il faut vraiment qu'il dégèle. 

« CE N’EST PEUT-ÊTRE PAS LA MEILLEURE SOLUTION, MAIS C’EST CELLE QU’ON AVAIT »

Comment s'est passée ta matinée ?
Pour un départ à 13h, j'étais sur le circuit à 8h. J'étais relativement soulagé, je me disais : « c'est bon ça passe, s'il s'arrête de neiger à 10h, on sera passé partout ». Et finalement, ça ne s'est pas calmé avant le milieu de la course. Et on n'est pas capables de gérer ça. À la suite de ça, on a fait un premier tour avec le président du jury, le représentant des clubs sportifs, et le DTN. Pour pouvoir prendre une première décision. Au premier tour, on dit : « ouais ça passe ». Il n'y avait que 300 mètres qui étaient réellement mauvais, avec de la neige. Le fort vent de côté poussait la neige dessus. On a fait passer deux, trois fois la saleuse, mais ça n'a pas marché quand même. On a fait tout ce qu'on pouvait, mais à un moment, il faut prendre une décision. À une heure du départ, on a décidé qu'on pouvait couper le circuit. Ça coupe drastiquement mais on a quand même réussi à faire un départ et une arrivée à Maroeuil. Ça s'est bien passé, j'ai appris quelques chutes mais c'était dans le village. Tout le monde est parti, sauf notre parrain Kévin Le Cunff qui est malade. Donc, on n'a pas de bol, on ramasse les choses les unes après les autres (rires). Mais c'est comme ça. On va dire que c'est l'apprentissage. 

Est-ce que la décision n'a pas été trop tardive ?
L'objectif était de prendre la décision le plus tard possible. On savait que la météo devait s'améliorer. Malheureusement ça a pris du retard, dommage. Les enjeux étaient financiers, autant que sportifs, parce que sans chrono, on n'aurait pas d'écarts sur les deux premières étapes, et pas le même profil qu'on pourrait avoir demain (samedi). C'était important de faire le départ. Donc on a tout fait pour que ça se fasse le plus tard possible pour éviter d'annuler. On a trouvé une autre solution, ce n'était peut-être pas la meilleure, mais c'est celle qu'on avait. On organise, il faut vivre avec.  

Comment cette décision a-t-elle été prise ?
Hier (jeudi), on a décidé qu'on ferait un comité météorologique. On était désigné, entre le directeur de course, le président du jury et le représentant des clubs. On a greffé le DTN avec. Et on a pris cette décision à quatre.

« LA DÉCISION, CE N’EST PAS MOI SEUL »

Le froid revient dans les critiques : qu'en penses-tu ?
Il y a cinq jours, on aurait rigolé d'imaginer qu'il puisse y avoir de la neige. Je suis le premier contraint par les conditions météo. On peut courir en novembre et ainsi de suite, mais on peut aussi arrêter les courses sur route et ne courir qu'en salle. Donc malheureusement, ça fait partie du métier de cycliste. Chez les pros, il y a des Tour de France qui sont très pluvieux et puis tout le monde court malgré tout. Il y a des coupures de course, mais là sur un contre-la-montre, c'est compliqué. On l'a raccourci. On a pris la meilleure décision possible. Aujourd'hui il fait froid, mais demain et après-demain aussi. Donc si c'est ça, il ne faut pas venir courir, j'en suis désolé.  

La température ne sera donc pas un motif de décision pour la suite du week-end ?
Il va faire froid, c'est sûr. C'est déjà arrivé plusieurs fois sur la Boucle de l'Artois qu'il fasse froid de toute façon. L'année où il y avait Florian Sénéchal et Julian Alaphilippe, il faisait très froid. Il faisait même plus humide par rapport à ce qui est prévu samedi et dimanche. On l'a tous subi. Si aujourd'hui il faut mettre des règles pour arrêter sur une température minimale, il faut le faire. La décision, ce n'est pas moi seul, on est quatre, en notre âme et conscience. 

« ON A DES DIFFICULTÉS »

La neige étant prévue depuis plusieurs jours. N'était-il pas possible de prévoir des salles ou des infrastructures pour que les coureurs puissent s'abriter et se réchauffer ?
Si on parle de ça, effectivement. Mais réellement, il y a trois jours, on ne pouvait pas savoir qu’il y aurait un tel phénomène climatique. Ils prévoyaient encore du soleil et la neige passait à l'est. On peut faire tout ce qu'on veut ou peut, mais dans l'idée, on reste des bénévoles et une petite organisation, donc on fait avec nos moyens. On n'a pas les moyens du Tour qui peut prendre des décisions très rapides avec des arrêtés préfectoraux. On s'est consacré au maintien de la course et du circuit. On a tout donné là-dessus. 

Mais tu comprends cette remarque sur l'absence d'infrastructures ?
Oui, c'est compréhensible. On a des difficultés, cette année avec les hébergements. On reste sur des petits villages. C'est aussi difficile à la sortie du Covid, on y est toujours. S'il faisait beau, tout le monde aurait été content d'être dehors. Là il neige, tout le monde est mécontent. Je comprends. Je le suis aussi (sourire). Je n'ai rien contre les coureurs qui disent ça, ils ont tout à fait raison, mais on n'a pas les moyens de se retourner aussi vite. Notre structure d'organisation ne nous le permet pas. 

« C’EST UNE CARACTÉRISTIQUE DE NOTRE COIN »

N’y avait-il pas un problème quant aux routes empruntées ?
C'est un parti pris. On a fait un chrono parfait dans des conditions normales. Il était roulant sur une bonne partie du circuit, avec en plaine un vent qui pouvait déjouer les tactiques, c'était très bien. Il y a un hic, c'est le temps. Notre organisation est connue pour faire des courses sur des petites routes. Mais on ne peut pas rouler que sur des autoroutes. Nous, nos autoroutes sont blindées. On a beaucoup de villages dans la région, tous les deux kilomètres, avec des croisements, donc beaucoup de routes. On pourrait comparer à la Bretagne mais il y a moins de villages là-bas. C'est une caractéristique de notre coin, donc on fait avec ce qu'on a. Le but du chrono est d'éviter de bloquer tout un secteur, surtout un vendredi après-midi. On a pris une route qui n'est pas à circulation autorisée normalement, mais qui est roulable, validée en décembre par le représentant des N1 et le DTN. On avait la confiance là-dessus, on n'a aucun doute sur notre circuit. 

Le stress va recommencer dès ce samedi matin. Quel est le programme ?
Depuis le début de l'après-midi, on ne m'a presque pas vu. Parce que mon vice-président et moi bossions sur la deuxième étape. On s'assure du dessalage des routes, pour que ce soit fait le vendredi soir. On a eu la plupart des gens sur le circuit et on a appelé les personnes susceptibles de nous aider sur la première étape du matin. L'après-midi on a de bonnes chances d'avoir des conditions plus favorables. Il ne fera pas 20°C mais on sera au-dessus de 0 et ce sera différent. Il n'y aura plus de neige, je peux le garantir à 100% (rires) ! Mais qui dit que demain il n'y aura pas un orage ou un ouragan qui va mettre le peloton par terre ? Le but est de mettre les coureurs en sécurité, on ne va pas faire n'importe quoi. On s'abstient de décider la veille au soir, et on voit le matin sur place.  

UN AVENIR QUI « NE SENT PAS TRÈS BON AUJOURD’HUI »

Après deux ans de Covid, c'est la neige qui vient perturber l'épreuve. N'as-tu pas peur que l'épreuve en pâtisse, à force ?
Si, clairement ! J'en suis totalement conscient. Il y a Alain Petit qui est l'image de la Boucle de l'Artois. Moi je suis là, je ne suis pas connu du vélo, personne ne me connait. Je ne me promène pas sur les courses, je suis un fan de vélo, j'en ai fait dans ma jeunesse mais c'est tout. Effectivement, aujourd'hui je peux dire que dans les conditions actuelles, je ne sais pas si la course existera encore. On va essayer de définir correctement cette course et on fera un vrai point. J'ai confiance en les gens avec moi, j'ai des partenaires fidèles et qui le resteront. Mais est-ce que ce sera suffisant ?... Le département du Pas-de-Calais a confiance en moi, nos sponsors comprennent. On annule deux fois, alors qu'on essaye toujours d'être optimiste, ça ne nous donne pas toujours raison. Je ne sais pas, il faut digérer. Mais ça ne sent pas très bon aujourd'hui. 

Est-ce que parmi les solutions, il n'y aurait pas une démarche à faire envers les équipes, pour mettre les choses à plat d'ici la fin du week-end ?
Je ne pense pas que les équipes aient quelque chose à dire sur l'organisation, parce que les équipes nous connaissent. Le président a changé mais pas le reste. On n'a rien changé. Je ne suis pas là pour faire des révolutions, je fais avec ce que je peux. On a eu deux années de Covid, on a trois personnes de notre club qui sont décédées. On a deux ans sans faire de courses, ils ont perdu la main et la confiance en eux peut-être. Il fallait redémarrer, ce n'est pas simple. Je suis novice sans l'être. S'il y a une course l'année prochaine, on ne sera sans doute pas Coupe de France, les gens ne viendront peut-être pas. 

Et une nouvelle date ?
On l'a fait au mois de septembre, mais on fait les recherches de signaleurs nous-mêmes, on se débrouille. Mais on sait qu'à cette période c'est compliqué d'avoir des signaleurs, avec toutes les fêtes de rentrée. Juillet-août, ce n'est même pas la peine. L'année dernière, on avait pensé le faire juste avant les Championnats de France mais avec le Covid, c'était la cohue. On pourrait se dire qu'on peut dévier sur mai-juin, mais qu'est-ce qui nous dit qu'il ne neigera pas encore (rires) ? C'est déjà arrivé ici, c'est comme ça, tout est possible à n'importe quel moment. Ça arrive sur les courses belges aussi. L'année dernière, pour la première fois depuis x années, il a plu des seaux à Paris-Roubaix, qu'est-ce qu'on y peut ? Ils l'ont fait, forcément, c'est une course de guerriers. Ici ça nous en fait une aussi, et je dis bravo aux coureurs, ils sont courageux, c'est incroyable de ne pas avoir un pet de graisse et de faire les efforts dans ce temps. Moi, je ne le ferais pas. C'est une décision qui est faite, on va rester comme ça. Les dates, un coup ça marche, un coup ça ne marche pas. Ça ne changera pas grand-chose. 

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