Stephen Delcourt : « J’ai senti une grosse fatigue »

Crédit photo Thomas Maheux

Crédit photo Thomas Maheux

Bien que l’équipe FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope était alignée au Luxembourg le week-end dernier, avec notamment plusieurs des jeunes françaises de l’équipe, le premier gros bloc s’est achevé le 25 avril pour les leaders de l’équipe, à l’image d’une Cecilie Uttrup Ludwig régulière puisque systématiquement présente dans les Top 10. “Le travail de fond a été fait. Le potentiel est énorme et on ne peut pas nous l’enlever. Je suis hyper positif pour la suite”, résume ainsi Stephen Delcourt en évoquant le début de saison de sa leader danoise (lire ici). Le manager général a tout de même senti un groupe en bout de course au moment de Liège-Bastogne-Liège. “Ce n’est pas une saison comme les autres. Il y a le stress de l’année dernière, le fait d’avoir couru plus longtemps et plus tard. C’est une année olympique et pour les filles, les J.O ont une place énorme dans une saison cycliste, plus que chez les garçons. C’est une année très spéciale. On peut y ajouter le stress des voyages, des tests PCR… Le temps de savoir si on est négative ou si l’équipe va devoir rentrer à la maison… Il y a un aspect psychologique qui joue sur le moral”, constate-t-il au moment de refermer le chapitre de cette première partie de saison intense.

“J’ai senti une grosse fatigue, tant morale que physique. Et encore, il n’y a pas eu Paris-Roubaix... Mais sinon, il n’y a quasiment jamais eu le moindre moment de repos. Des filles comme Cecilie ont enchaîné uniquement des courses WorldTour. Il n’y a pas la moindre épreuve de préparation. Il faut être à bloc chaque week-end. Toutes les courses sont des objectifs”. Une situation que Stephen Delcourt ne considère pas comme idéale. “Je rêverais que l’on ait l’équivalent d’une Étoile de Bessèges ou d’un Tour de la Provence en février, etc. De vraies courses de préparation. C’est un peu le cas en Espagne d’ordinaire mais c’est vrai que cette année, ça n’a pas été possible et on a immédiatement été dans le vif du sujet en Belgique et en Italie. Toutes les courses sont très importantes”.

LE STRESS DE LA FUTURE OLYMPIADE

Surtout, chacun de ces rendez-vous du début de saison a vu les plus grands noms du cyclisme féminin se disputer la victoire. Une autre explication à la fatigue des filles, sans doute. “La grosse différence avec les garçons, c’est que sur chacune de ces courses, il y a toujours 100% des cadors. Chez les hommes, tu as les spécialistes des Flandriennes, les spécialistes des Ardennaises, les coureurs qui se réservent pour des courses par étapes plus lointaines… Les forces sont partagées. Chez les filles, tu fais face à toutes les meilleures à chaque fois, peu importe le terrain”. Paradoxalement, les principales tête d’affiches de l’équipe, bien que sur la corde raide, n’ont pas souhaité sélectionner certaines courses plutôt que d’autres, à l’image de Cecilie Uttrup Ludwig ou d’Emilia Fahlin, avec respectivement huit et neuf courses d’un jour au compteur depuis le début de saison. “Nos leaders veulent tout faire, surtout en cette année olympique, j’insiste sur ce point. Dans l’équipe, nous n'avons pas moins de sept filles présélectionnées pour aller à Tokyo. Elles ne veulent rater aucun événement avec le sentiment que la saison pouvait, et peut, s’arrêter à tout moment. Ce n’est pas facile de faire tourner, même si j’ai senti un vrai soulagement après Liège”.

Le fait que beaucoup de filles semblent rincées physiquement peut, de l’extérieur, poser question étant donné que l’on ne parle que d’une dizaine de jours de course en deux mois, environ. Mais outre le fait qu’il ne s’agisse que de grandes Classiques du cyclisme féminin avec à chaque fois un niveau très élevé, Stephen Delcourt tient à donner encore une autre explication : des obligations télévisuelles qui ont entraîné, par exemple, un départ des filles tôt le matin à Liège, entre autres. “Un départ à 8h30 est synonyme d’un petit-déjeuner à 5h… Et ça fait mal ! L’avantage, c’est qu’on est vite à l’hôtel l’après-midi, pour récupérer. Mais là aussi, ça joue sur la fatigue”.

DES JEUNES FRANÇAISES À PROTÉGER

De surcroît, Stephen Delcourt a également tenu à préserver ses jeunes Espoirs françaises, qu’il ne sent pas encore prêtes - pour certaines - à enchaîner au plus haut-niveau. Sans compter que Clara Copponi et Marie Le Net n’ont pas pu trop courir jusqu’à présent, puisque prises par la piste. “Nos Françaises sont très jeunes, mis à part Eugénie (Duval) qui est plus expérimentée. Je ne peux pas les envoyer au casse pipe. Évita (Muzic) a très vite passé le cap. Mais des filles comme Évita, il y en a peut-être une tous les trois ou quatre ans. C’est le très haut du panier, comme Juliette Labous. Maëlle (Grossetête) est en train de passer un cap, elle aussi. Clara et Marie sont deux pépites qui ne sont pas encore à 100%. Quand je vois ce qu’a fait Marie à la Flèche brabançonne, ou la performance de Clara à La Panne, avec si peu de jours de course dans les jambes, je ne suis pas inquiet pour l’avenir. Mais il faut y aller doucement. Ces filles doivent encore éclore. À nous de trouver le bon équilibre pour les faire progresser”.

Celui qui dit tenter de s’inspirer de Pep Guardiola et de son travail réalisé avec la Masia - le centre de formation du FC Barcelone, en football - imagine son groupe réaliser de grandes choses à terme. Avec, encore et toujours, la volonté de garder une grande stabilité. “On ne changera pas grand-chose l’hiver prochain. Il faudra étoffer le staff et ajouter l’appui d’une voire deux filles, mais ça tournera encore très peu”, explique Stephen Delcourt à DirectVelo en se projetant sur 2022. Car les filles de talent, il le sait, sont déjà au sein de son effectif. Alors patience. “On n’a pas encore atteint le niveau que l’on peut espérer atteindre. Mais je vais mettre tous les moyens humains possibles pour y parvenir”.

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