La Grande Interview : Fabien Schmidt

Crédit photo DirectVelo.com

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En 2017, il a été l'homme de tous les combats. Vainqueur une première fois en Coupe de France DN1 dès le 1er avril, Fabien Schmidt gagne encore six mois plus tard, le 1er octobre, sur le Championnat de Bretagne contre-la-montre. Au total, l'Alsacien a totalisé 18 succès cette année, pour 31 podiums. Des chiffres à faire tourner la tête. Extrêmement régulier, le capitaine de route de la formation bretonne Côtes d'Armor-Marie Morin a logiquement remporté le Challenge BBB-DirectVelo (voir ici), succédant ainsi à des garçons tels que David Gaudu, Romain Cardis, Warren Barguil ou Arnaud Démare. Mais contrairement à ces derniers, le natif de Colmar restera dans le peloton amateur suite à sa victoire au Challenge BBB-DirectVelo : la faute à l'arrêt brutal de l'équipe de l'Armée de Terre, avec laquelle il devait s'engager pour 2018. Qu'importe : Fabien Schmidt est déjà passé à autre chose. Et il a même préparé sa reconversion.

DirectVelo : Tu as réalisé une saison 2017 pleine et fructueuse, en témoigne ta victoire finale sur le Challenge BBB-DirectVelo. Et pourtant, tu seras toujours présent dans le peloton des amateurs l'an prochain !
Fabien Schmidt : L’idée de repasser professionnel (il l’avait déjà été en 2012-2013 chez Roubaix-Lille Métropole puis Sojasun, NDLR) n’était pas un objectif prioritaire même si cela aurait dû se faire avec l’Armée de Terre. Un accord avait été conclu avant que, finalement, l’équipe annonce l’arrêt de son activité. Désormais, il faut que je sois lucide sur ma situation personnelle : j’ai 28 ans, bientôt 29... D’une part il faut que je songe à la suite, et d’autre part j’ai bien conscience que je n’étais sans doute pas la priorité des équipes professionnelles en ce qui concerne le recrutement. Ma saison démontre que je suis un coureur complet, mais démontre-t-elle que j’ai un talent particulier à faire valoir chez les professionnels ? Je n’en suis pas sûr du tout.

As-tu été contacté par d'autres formations que celle de l'Armée de Terre ?
Oui, j’ai eu plusieurs contacts, plus ou moins informels. Je ne m’en suis pas forcément chargé directement. C’est mon agent Philippe Raimbaud qui a géré l’essentiel de ces discussions. Pour le reste, je veux préciser que contractuellement, je n’ai jamais quitté l'équipe Côtes d'Armor-Marie Morin, y compris lorsque les choses étaient très avancées avec l’Armée de Terre. Pour preuve, j’ai participé au stage d’intégration ou encore à la soirée partenaires de Côtes d'Armor, et ce bien avant l’annonce officielle de l’arrêt de l'équipe.

« J'AVAIS DU MAL A ME PROJETER SUR UN DÉPART DU CLUB »

Tu fais donc partie des coureurs touchés par l'arrêt brutal de la formation Continental et pourtant, tu ne sembles pas en tirer d'amertume...
C’est tout à fait cela. Côtes d'Armor-Marie Morin est véritablement mon club. Il m’a énormément donné et j’y suis hautement considéré. Peu importe ce qu'il se serait passé, j’aurais gardé un lien fort avec eux. Passer professionnel n’était pas un objectif en début d’année 2017. C’est vrai aussi que je suis de plus en plus focalisé sur ma reconversion. Ce qu'il s’est passé avec l’Armée de Terre ne m’a pas du tout atteint. J’ai déjà été pro, je sais ce que c’est. Je suis ravi et motivé comme jamais de reprendre la compétition avec mon club de Côtes d'Armor-Marie Morin en 2018.

Même si tu relativises, il était quand même difficilement imaginable de ne pas te voir chez les pros en 2018, après ce que tu as réalisé toute la saison !
C’est vrai qu’au fur et à mesure de mes performances, je me sentais particulièrement prêt au niveau physique et mental pour envisager un retour chez les pros. J'y pensais, je me le disais... Mais je n’oubliais pas non plus que cette maturité qui m’a d’ailleurs peut-être manquée lors de mon premier passage professionnel, je la dois en grande partie à Côtes d'Armor-Marie Morin. Honnêtement j’avais du mal à me projeter sur un départ de ce club. J’y suis tellement bien !

Etais-tu le meilleur coureur amateur cette saison ?
L’un des meilleurs, sans doute oui, quand on regarde les résultats. Mais il n'y avait pas que moi...

« JE SUIS FOCALISÉ SUR MA RECONVERSION »

Tu penses à quelqu'un en particulier ?

Quand je vois que Benoît Cosnefroy a réalisé l’exploit d’être sacré Champion du Monde et de gagner sa première course professionnelle, et pas n’importe comment... C'est quelque chose qui me bluffe. C’est un authentique champion ! Déjà quand je courais face à lui, il m’impressionnait. Alors s’il s’agit d’identifier le meilleur coureur du peloton amateur en 2017, c’est peut-être de son côté qu’il faut chercher...

Tu fais donc une croix définitive sur un futur passage chez les pros ?
Oui ! J’avance en âge et j’ai d’autres projets pour la suite, alors même que je me rapproche plus de la fin de carrière sur le vélo que du début. Je me sens particulièrement bien dans mon club, dans ma vie personnelle et, comme je le disais, je suis concentré sur ma reconversion.

Alors, cette reconversion justement ! De quoi s'agit-il ?
Cela vient de prendre forme et c'est tout récent. Depuis quelques jours, je travaille en tant que technico-commercial pour une entreprise spécialisée dans le brise-soleil et la grille de ventilation. D’une certaine manière, c’est aussi grâce au réseau relationnel que j’ai acquis dans le cyclisme que j’ai obtenu cette opportunité. Une partie de mon nouveau job va impliquer des déplacements puisque 24 départements composent mon champ d'action et mon secteur, dans l'Ouest de la France. Autant dire que cela aura une incidence, désormais, sur mon calendrier cycliste.

« J'AI PRIS CONSCIENCE DE LA NÉCESSITÉ D'AVOIR UN PROJET »

Tu auras moins de temps pour t'entraîner ?

Oui mais pas seulement. Ce sera une année de transition durant laquelle je vais préparer cette reconversion avec l’aide de mon employeur mais aussi celle du club qui est partie prenante dans cette organisation. Mon volume d’entraînement mais aussi celui des courses va nécessairement changer. Pour autant, je vais toujours tâcher d’être le plus impliqué possible sur le volet sportif.

Tu laisses l'impression de quelqu'un qui a réfléchi à sa reconversion depuis longtemps...
Si je ne dis pas de bêtises, j'y pense depuis la fin de la saison chez Sojasun. Donc depuis quatre ans environ. Il y a divers aspects qui sont à prendre en compte : j’ai 28 ans, je suis marié et père de famille puisque j'ai un petit garçon de deux ans, je n’ai pas fait autant d’études que je l’aurais peut-être voulu même si j’ai décroché un BTS... Tout cela fait que l’après-vélo était et est toujours une préoccupation et qu’il s’agissait de le préparer le mieux possible.

Tout cela se fait avec la même volonté et la même passion que sur le vélo ?
Si possible, même si de ce point de vue, ce peut être compliqué. Le vélo, c’est ma passion depuis tout gamin. Depuis toujours, en fait... Quand Sojasun s’est arrêté alors qu’il me restait une année de contrat, j’ai évolué très vite mentalement et j'ai pris conscience de la nécessité d’avoir un projet à moyen ou long terme pour l’après-vélo. Ou du moins pour l’après-carrière de cycliste de haut-niveau. Car le vélo a toujours fait partie de mon existence, mais à des degrés divers selon les périodes et les situations.

« JE SUIS AMOUREUX DE MON CLUB »

Mais alors, sportivement parlant, après quoi vas-tu courir à présent ?

Je ne pense pas pouvoir vivre une saison aussi intense sportivement que celle de 2017 mais mon but premier sera d’aider au maximum le club à marquer des points en Coupe de France DN1. J'ai envie d'être là pour encadrer l’équipe quand il le faudra. Et bien sûr, je continuerai d’aller jouer un résultat dès que possible. Ce ne sera pas une saison au rabais, même si je serai aussi concentré sur ce qui m'occupera en parallèle.

Tu seras donc toujours aussi motivé au départ des courses ?
Oui, si ce n’est encore plus ! Je suis amoureux de mon club, de mes couleurs... J’adore les gens qui forment ce club. Je veux évidemment faire le maximum pour eux en 2018. Sur le vélo et en dehors, en accompagnant le plus possible les jeunes qui arrivent et qui souhaitent se former ici, par exemple.

Tu as gagné 18 fois en 2017. L'an prochain, tu devras choisir tes rendez-vous ?
Je serai à mon maximum en toute circonstance mais il est clair que je vais attacher une attention particulière aux manches de Coupe de France, car le club a vraiment la volonté de se maintenir. Je vais donc me battre pour ça. Dans un second temps, on aura aussi de grands rendez-vous pour le club et ses partenaires, à commencer par le Tour de Bretagne, sur lequel j’essaierai d’être très compétitif.

« PAPA, IL GAGNE TOUJOURS »

Parmi tes atouts principaux, tu tenteras de faire jouer ton expérience ?

Oui, je sais quand je marche bien et quand je marche un peu moins bien. L’été, en général, je marche fort. Les jours sont plus longs et cela facilite l’entraînement. Alors il est possible que je vise notamment la période estivale la saison prochaine...

Est-ce que 2018 sera ta dernière saison dans les pelotons ?
On fera le point en fin d’année. La question ne se pose pas du tout pour l’instant mais ce n'est pas une possibilité à exclure. Mon but est de faire une bonne saison sportive au service du club tout en réussissant ma reconversion. Peut-être aurai-je envie de continuer sur le vélo la saison d’après voire même encore un peu plus tard. Il est trop tôt pour y réfléchir. Je me suis fixé des objectifs pour 2018 tant au niveau du club que de ma vie professionnelle et je vais essayer de les tenir. Pour l'instant, je ne pense pas à plus long terme.

Si tu prolonges pour quelques saisons, ton fils aura le temps de grandir et de te voir évoluer sur le bord des routes...
Je n'y pense pas nécessairement. Il perçoit déjà deux-trois choses. Et puis, il était souvent sur les courses déjà, même à deux ans. D'ailleurs, maintenant, il aime répéter : « Papa, il gagne toujours » (rires).

Y'a-t-il des chances qu'on le voit en compétition, sur un vélo, lui aussi ?
Pour le moment, je n'y pense pas trop et je n'espère pas forcément qu'il fasse du vélo à l'avenir...

Car c'est un sport dangereux ?
Non mais plutôt à cause de l’étouffement qu’il pourrait éprouver : je pratique le cyclisme depuis 24 ans et je pense que ce n’est pas forcément facile de s’épanouir avec le regard d’un père qui connaît le milieu. J’espère que le sport aura une part importante dans son existence, mais si je peux découvrir une autre discipline grâce à lui, ce serait super. Le cyclisme, ce peut être éphémère aussi. Et c’est terriblement exigeant ! Je lui souhaite un juste équilibre entre études, copains, loisirs et pourquoi pas une pratique sportive.



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