Huit histoires du Championnat du Monde (1/2)

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Cette semaine débute le premier Super Championnat du Monde qui réunit treize disciplines de l'UCI. DirectVelo profite de l'occasion pour remonter l'histoire des Championnats de l'UCI à travers huit thèmes. Retrouvez la première partie.

1 LA TRADITION D'UN SEUL CHAMPIONNAT DU MONDE

L'UCI tient au nom de "Championnat du Monde de cyclisme UCI", pour parler de son Super Championnat du Monde avec presque toutes les disciplines reconnues par la fédération internationale à part le cyclo-cross (treize en tout). David Lappartient l'avait annoncé dans le programme de son premier mandat et il a tenu parole.

Mais réunir toutes les disciplines du vélo de l'époque dans un seul lieu au même moment n'est pas une nouveauté. Déjà, le Championnat du Monde organisé par l'UCI depuis 1900 (entre 1893 et 1899, c'est l'International Cyclist Association qui l'organisait) est né d'un pied-mère : le Championnat du Monde sur piste. Le premier titre disputé sur la route, celui des Amateurs en 1921, n'est en fait qu'un gourmand. La course de fond des Amateurs disputée jusqu'à présent dans un vélodrome le sera dorénavant sur route. Mais dès l'année suivante, devant les difficultés engendrées par l'organisation du Championnat sur route en Grande-Bretagne, où les courses sur route sont interdites, déjà des voix demandent de déménager la route dans un pays différent, d'esprit plus ouvert vis à vis des courses de vélo. Le Congrès de l'UCI refuse, pour respecter sa parole donnée aux Anglais.

Même quand les pros auront leur titre sur route, en plus de la piste, l'UCI n'attribue le Championnat du Monde qu'à une seule fédération. Ce n'est qu'à partir de 1950 que cette unité va se fissurer lors qu'elle décide d'attribuer le titre de Champion du Monde pour le cyclo-cross et pour le cycle-balle. En 1952, pour la première fois la route et la piste se disputent dans deux pays différents. Le Luxembourg pour la route et le Parc des Princes à Paris pour la piste car le Grand-Duché n'a pas d'installation au niveau d'un Championnat du Monde.

Mais quelques fédérations ont envie de réunir toutes les disciplines. C'est le cas de la Suisse qui inclut en 1953 le cycle-balle dans son Championnat du Monde en août. En 1957, c'est la Belgique qui fait disputer le titre de cycle-balle au vélodrome de Rocourt, pendant le Championnat du Monde sur piste.

La création de deux fédérations, pros (FICP) et amateurs (FIAC), va entraîner l'organisation séparée des Championnats du Monde pendant la fin des années 60.

La dernière attribution de la route et la piste à un seul pays sur deux semaines d'affilée remonte à 1995 et la Colombie mais déjà en 1969, un groupe de travail avait planché sur cette séparation. L'UCI n'a pas attendu 1995 pour attirer de nouvelles disciplines et leur donner un maillot arc-en-ciel dans des lieux différents. C'est le cas du Trial et du BMX (on disait aussi Bicross à l'époque) en 1985, même si une autre fédération internationale organisait un Championnat du Monde de BMX concurrent. En 1990, l'UCI, pas encore réunifiée entre la FIAC et la FICP, ouvre les bras au VTT qui comptait jusqu'alors deux Championnats du Monde, un aux États-Unis et un en Europe, en dehors de l'UCI.

2 LE PREMIER MAILLOT "INTERNATIONAL"

Thomas Johnston est le premier coureur à avoir endossé le maillot arc-en-ciel. C'est le 29 juillet 1922 dans le vélodrome vétuste de New-Brighton qu'il a revêtu ce qu'on appelait alors "le maillot international de l'UCI". Johnston est devenu Champion du Monde de vitesse amateurs dans une finale à trois où le Néerlandais Maurice Peeters n'avait pas grand chance face à deux Anglais.

C'est à Paris, le 4 février 1922 que l'UCI décide d'attribuer aux Champions du Monde "un maillot en soie aux couleurs internationales". Jusque là, ils avaient droit à une écharpe.

Le deuxième porteur du maillot de Champion du Monde est aussi un Britannique, Dave Marsh, Champion du Monde Amateurs sur route 1922, au terme d'une épreuve courue à l'anglaise. Les routiers, les Amateurs puisque les pros n'ont pas encore de titre sur route, n'avaient pas le droit au maillot ni au cuissard. La loi britannique les obligent à revêtir un veston, un collant long car les bras et les jambes nus sont interdits et d'équiper leur machine d'un grelot. La course se dispute contre-la-montre, la seule tolérée en Angleterre où les pelotons sont interdits. Et le parcours est tenu secret le plus longtemps possible pour éviter l'interdiction de la course par la police anglaise.

Cette année-là, il y a aussi un titre de Champion du Monde par équipes, calculé par l'addition des temps des quatre coureurs nation, mais sans maillot. Les quatre Anglais vainqueurs reçoivent chacun une médaille d'or. Débuté en Grande Bretagne, interrompu par la pluie, il se termine à Paris. Léon Vanderstuyft, sacré en demi-fond, va étrenner son beau maillot de soie le dimanche suivant, sur la même piste du Parc des Princes.

3 L'INFLATION DU PROGRAMME

Pendant des années, l'UCI tenait à la valeur de son maillot arc-en-ciel et la garantissait par sa rareté qui assurait aussi de bons contrats à ses porteurs. Des épreuves d'encadrement venaient garnir les réunions, handicap, Omnium, Américaine, pour faire patienter et attirer le public car un des buts des Championnats du Monde, route et piste, est de faire recette pour que les caisses de l'UCI et des fédérations en profitent. Il faut plusieurs tentatives pour que la fédération des Pays-Bas, qui pense avoir des chances de s'imposer avec Pijnenburg et van Hout, réussisse à faire admettre la poursuite au programme. En 1937, le délégué belge du Congrès de l'UCI, M. Baudot, répond à la demande néerlandaise qu'on "ne galvaude pas les titres de Champion du Monde". En démonstration en 1938 à Amsterdam, le "Grand Prix du Monde" est remporté par Gerrit Schulte, un coureur qui impressionnait ses contemporains.

Mais pour voir le premier Champion du Monde de poursuite, il va falloir attendre huit ans. Pourtant la poursuite professionnelle est inscrite au programme du Championnat du Monde au Vigorelli 1939, malgré l'opposition de plusieurs pays. Le 27 août les séries sont courues mais le lendemain, les compétitions sont suspendues. Le monde est en ébullition après la signature du pacte germano-soviétique et les menaces d'Hitler autour de la Pologne qui aboutiront au déclenchement de la guerre le 1er septembre.

Après guerre, la fédération internationale va commencer à ne plus rationner ses maillots irisés. À partir de 1950, les Champions du Monde de cycle-ball et de cyclo-cross porteront un maillot arc-en-ciel (et obtiennent le titre de Championnat du Monde). Les Anglais protestent car pour eux, "il n'est pas logique d'accorder un maillot arc-en-ciel à l'issue d'une course où ne figurent que six nations" (il y en avait sept au Championnat du Monde pro sur route en 1949). Mais d'autres fédérations répondent que la décision incitera certains pays à former des cyclocrossmen. En 1960 et 1962, la fédération britannique ne trouvera rien à redire à la valeur du titre de Championne du Monde de poursuite de Beryl Burton dans un tournoi où il n'y a que cinq nations représentées.

L'affiliation de l'URSS en 1952 et des pays de l'Est va accélérer la reconnaissance du sport féminin jusqu'à la création du Championnat du Monde féminin en 1958. L'UCI leur offre tout de suite un titre sur route, comme pour les pros et les amateurs, et deux sur piste, en vitesse et en poursuite.

Le programme de la route comptait deux épreuves distinctes depuis 1928 : une course pour les amateurs et une pour les pros. En 1962 s'ajoute le 100 km contre-la-montre par équipes réservés aux amateurs car c'est une discipline olympique. Il faudra attendre 1987 pour l'apparition du 70 km pour les femmes.

1962 est placée sous le signe des courses par équipes éprouvées aux Jeux olympiques. Sur piste, la poursuite est ajoutée au programme. Pour cette dernière, l'UCI a bien choisi le format olympique, quatre coureurs par équipes, temps pris sur le 3e, alors que d'autres formules ont existé : à 5 ou encore à l'italienne (temps sur le premier). Et bien sûr réservée aux amateurs, sectarisme du CIO oblige. En 1966, deux autres disciplines déjà présentes aux JO arrivent au Championnat du Monde, le tandem et le kilomètre.

L'UCI s'inquiète de la désaffection du public pour son tournoi arc-en-ciel. En 1975, la commission technique de l'UCI propose d'ajouter l'individuelle aux points (la course aux points) et l'Américaine pour faire venir le monde. Cette dernière attendra 20 ans mais la course aux points va rentrer dans le programme en 1977. D'abord pour les amateurs, puis pour les professionnels et enfin pour les dames. En revanche, les pros ont droit au keirin, pour faire plaisir au Japon, en 1980. Il ne sera ouvert aux amateurs que lorsque le Championnat du Monde sur piste sera Open en 1993, trois ans avant la licence unique. Voilà pourquoi comparer le nombre de médailles entre coureurs d'époque différente n'a aucun sens.

Les années 94-95 vont être charnières avec des suppressions d'épreuves et des ajouts. Le contre-la-montre individuel arrive dès 1994 et il est open dès le début. Il aura pour conséquence que le Champion du Monde sur route ne pourra bientôt plus porter son maillot arc-en-ciel dans les chronos. La piste accueille la vitesse par équipes et l'Américaine l'année suivante en Colombie. Les années 2000 vont continuer d'étoffer le programme sur piste en ajoutant de nouvelles épreuves et en féminisant celles qui ne l'étaient pas encore. En 2002, c'est l'arrivée du scratch pour tout le monde et du keirin pour les Femmes, en 2007 c'est l'Omnium Hommes (en 2009 pour les Femmes), en 2008 celle de la poursuite par équipes Femmes et il faut attendre 2017 pour un titre féminin de l'Américaine. En revanche le nouveau titre de l'Elimination est arrivée en même temps pour les Hommes et les Femmes en 2021.

Sur route, la dernière épreuve ajoutée est le relais mixte depuis 2019 en remplacement des contre-la-montre par équipes de marques.

4 ILS NOUS ONT QUITTÉS

Longtemps figé, le programme des Championnats du Monde sur piste et sur route a grossi mais a aussi voulu s'infliger des cures d'amaigrissement. L'année 1994 sera fatale au tandem, au 100 km (et 70 pour les Femmes) contre-la-montre par équipes et au demi-fond. Cette discipline qui a sauvé les recettes de plus d'un Championnat du Monde est lâchée comme une vieille chaussette. En 1924, pour la finale du demi-fond, on aurait pu remplir deux Parcs des Princes.

Mais attention, la ringardise peut toucher des disciplines très vite. Le contre-la-montre par équipes de marques en est un bon exemple. Disputé en lever de rideau de la semaine arc-en-ciel, sans maillot irisé au bout, ce Championnat créé en 2012 aux Pays-Bas n'intéresse que les grosses équipes. Dès 2017, les groupes sportifs demandent sa suppression qui interviendra en 2018 à Innsbruck.

Retrouvez la suite des huit histoires en cliquant ici.

Retrouvez l'histoire du Championnat du Monde sur route pro en cliquant ici.

Mots-clés