Kévin Fouache : « Des frissons qui reviennent »

Crédit photo Philippe Pradier - UEC Track Stayer European Championships

Crédit photo Philippe Pradier - UEC Track Stayer European Championships

Kévin Fouache et son pilote Sylvain Pacheco ont comblé un vide de 69 ans en remportant le Championnat d’Europe de demi-fond samedi dernier (voir classement). Le dernier titre continental pour la France remontait à 1953 et la dernière médaille à 1961. Le Chambérien d’origine, directeur sportif de la N2 de Team LMP-La Roche Vendée Cyclisme, revient pour DirectVelo sur son sacre au vélodrome de la Tête d’Or à Lyon pour son ultime compétition.

DirectVelo : Comment digères-tu ton titre de Champion d’Europe de demi-fond le week-end dernier ?
Kévin Fouache :  Ma vie n’a pas trop évolué, j’ai vite replongé dans le boulot (sourire). Je savoure, je ne suis pas redescendu de mon nuage depuis samedi. Je n’ai pas forcément envie de m’en remettre entre guillemets. Je commence à réaliser tranquillement. J’ai des flashs réguliers et des frissons qui reviennent. Je reçois beaucoup de messages, ça permet de faire durer le plaisir. J’ai un peu plus de sollicitations. Hier (mercredi) à Jard-Les Herbiers, des collègues et même des coureurs sont venus me féliciter. Ça montre que ce n’est pas un petit truc même si ça n’a pas non plus changé la face du monde.

« ÇA ME PARAISSAIT TELLEMENT INACCESSIBLE »

Qu’as-tu ressenti dans les minutes qui ont suivi ton sacre ?
Après la course, c’était très émouvant. Il y avait ma famille et beaucoup de monde que je connaissais comme mon directeur sportif quand j’étais Junior, des anciens coéquipiers, des concurrents… Comme je suis originaire de Chambéry, la région Rhône-Alpes était bien représentée. Ça avait une saveur particulière. L’organisateur Michel Meunier, qui a été président de la commission sur piste en Rhône-Alpes, a été un des premiers à me faire confiance en Cadet. Je le connais depuis 2005. C'est un symbole de finir sur une organisation de Michel à Lyon sur une piste où j'ai obtenu beaucoup de titres de Champion régional quand j'étais jeune.

Ta victoire a été assez limpide...
Au tirage au sort, on a été mis en 2e position au départ. On avait un gros avantage. On part souvent en fond de grille… Quand on démarre 8e ou 2e ce n’est pas la même course car il faut remonter les gars. Le Tchèque est parti assez vite en qualification et on s’était dit avec Sylvain Pacheco qu’il fallait être dans le rythme. Finalement, il a fait un départ moyen et dès la fin du premier tour, on était devant. On a mené la danse toute la course. Le plus difficile a été de prendre des tours aux concurrents car quand on double, c’est dur. On a pris un tour au Hongrois qui était un des favoris et à l’Allemand qui a fini 3e. C'était le favori en ayant déjà terminé à deux reprises sur le podium. Il n’y a qu’au Suisse qu’on n’a pas pris un tour. Mon pilote l’a géré à demi-piste toute la course. Quand il tentait de revenir, on accélérait. Il n’est jamais venu nous inquiéter.

T’attendais-tu à ce scénario ?
Je ne m’y attendais absolument pas. J’avais fait le Championnat d’Europe en 2017. Je n’avais pas été en finale. Quand j’avais vu l’allure où ça roulait, ça me paraissait tellement inaccessible de tenir à une moyenne de 72,4 km/h… J’ai bien préparé le truc. J’ai eu les jambes qu’il fallait le jour J. C’est la magie de l’entraînement. Mon gros objectif était d’être en finale et viser une 5e ou 6e place mais certainement pas un podium voire un titre. Je ne l’ai jamais imaginé.

« AU-DESSUS DE TOUT »

Tu mets un terme à 69 ans de disette au Championnat d’Europe pour le demi-fond français !
C’est une petite fierté. Je ne sais pas si Samuel Dumoulin ou Mickaël Buffaz ont été au Championnat d’Europe. Je sais que Benoît Daeninck n’a jamais été sur le podium, tout comme Joseph Berlin-Sémon qui domine depuis quelques années en France ou Emilien Clère qui a déjà terminé au pied du podium. De même pour Antoine Gaudillat qui était un très bon stayer. Les dernières grosses machines se sont cassé les dents. Avec Sylvain Pacheco, on a réalisé quelque chose qui était compliqué. J’espère que ce titre va faire avancer encore plus cette discipline au niveau fédéral. C’est un vrai souhait.

Est-ce que ça compense le fait de ne jamais avoir été Champion de France de la discipline ?
Ça compense et ça annihile complètement. J’ai dû être six ou sept fois sur le podium du Championnat de France de demi-fond. J’ai toujours buté soit sur Joseph Berlin-Sémin ou Emilien Clère. Ils ont toujours été plus forts que moi. Finalement, je n’ai jamais été aussi à l’aise qu’à cette finale à Lyon la semaine dernière. Ça tournait bien. J’ai oublié toutes mes déceptions même si ce n’est pas une déception d’être médaillé au France. J’ai déjà eu ce titre national dans d’autres disciplines sur la piste (trois fois Champion de France de l’Américaine en Cadets, Juniors et Élites ainsi qu’à la course aux points chez les Juniors, NDLR).

Tu avais annoncé que tu arrêtais la compétition à l'issue de ce rendez-vous. N’as-tu pas envie de continuer après cette consécration européenne ?
J’arrête sans aucun regret. J’ai cette chance d’être Champion d’Europe, c’est au-dessus de tout. J’ai une famille, deux enfants et un métier très chronophage. Ça me demande beaucoup d’investissement même si je ne suis pas usé physiquement. La preuve, je n’ai jamais été à ce niveau-là dans cette discipline. Je suis surtout usé mentalement. Ça fait quatre ans que je gère une équipe nationale en parallèle (le Team LMP-La Roche Vendée Cyclisme, NDLR). Ce n’est pas toujours simple. J’ai envie de passer du temps avec la famille. C’est presque un soulagement. La compétition demande tant d’investissement et de sacrifices. Je ne suis plus prêt à les faire. Mais je continuerai à faire du sport, je suis un amoureux de l’effort. Je ne sais pas si je supporterai de voir mon corps changer ! Je roule d’ailleurs le mercredi avec les Juniors.  

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