Nicolas Breuillard : « J’en ai tellement bavé… »

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Quel parcours pour Nicolas Breuillard ! D’abord au VTT (lire ici), le coureur d’Ansouis, dans le Vaucluse, est arrivé à la route assez tard. Malgré quelques piges chez les Juniors, il a vraiment lancé sa carrière sur le bitume l’année passée, après des séries de blessures, et un drame pour l’un de ses amis, Diego Vivancos, qui a perdu la vie à l’entrainement, alors qu’il roulait justement avec l’actuel coureur de l’AVC Aix-en-Provence. Nicolas Breuillard a vécu les montagnes russes, et cette fois, à Saint-Martin-de-Landelles, il semble être enfin en haut de l’attraction. Son titre de Champion de France Espoirs (voir classement) lui confirme que cette lutte acharnée contre lui-même a fini par payer. Avec DirectVelo, Nicolas Breuillard est revenu sur ce parcours semé de coups durs, jusqu’au Graal, ce mercredi après-midi, en Normandie.

DirectVelo : Tu es Champion de France Espoir !
Nicolas Breuillard : C'est incroyable, c'est un rêve qui se réalise. Je n'y crois pas trop encore, même si toute cette effervescence me met un peu dedans. Mais c'est fou ! J'y pense depuis le début de l'année en vérité, je sais que sur un jour je peux être très fort, surtout mentalement. J'ai été blessé, je n'ai pensé qu'à ça, j'ai tout fait pour revenir au plus haut niveau. J'ai tout mis en œuvre pour être présent à ce moment-là. 

À quoi pensais-tu dans les derniers instants de la course ?
Je ne me suis jamais dit que c'était fait. On ne sait jamais... Je ne me le suis dit qu'aux 500 mètres. On m'annonçait 30 secondes, puis quinze, puis 50... Alors j'ai fait abstraction de tous les temps, j'ai appuyé jusqu'aux 500 mètres et là j'ai compris que c'était pour moi.

« JE ME RETOURNAIS BEAUCOUP »

On avait l'impression que tu étais un peu nerveux...
Je l'étais un peu dans les derniers tours, je savais que j'étais plus fort que les autres. Mais je faisais beaucoup d'efforts par rapport à eux. S'ils bluffaient, je pouvais vite être piégé. Donc il y avait un peu de nervosité en sachant qu'on est là où il faut. Une fois seul, dans le final, j'étais juste à fond, je me retournais beaucoup. J'entendais tout et n'importe quoi sur les écarts.

Benjamin Giraud est monté à ta hauteur dans le dernier tour. Pourquoi ?
Il me dit d'attaquer dans la dernière bosse. Il me dit d'y aller et partir seul. Il avait bien vu que le gars d'Auvergne-Rhône-Alpes (Théo Degache, NDLR) était à fond. Il lui avait même dit de rouler, mais Théo Degache a dit qu'il ne pouvait pas. Donc il m'a dit « à la prochaine bosse tu y vas ».

« J’AVAIS CONFIANCE EN NOAH KNECHT »

Comment tu as géré seul dans le groupe de favoris ?
C'était un peu dommage car j'ai des coéquipiers très forts, je comptais sur eux. Mais je ne me suis pas trop posé de questions. Je me disais que j'allais laisser les comités en supériorité faire. Je suis resté un peu derrière, j'ai un peu bluffé. Ils ne me connaissent pas, je pense, donc ça m'a aidé. J'ai fait mine d'être un peu à fond, j'ai joué avec eux.

Et tu t'es retrouvé en contre avec deux coureurs d’Auvergne-Rhône-Alpes...
Je connais bien Noah Knecht. On était au lycée ensemble, on se connait très bien. On a vécu des trucs assez forts ensemble. J'avais confiance en lui, je savais qu'il était à fond et qu'il ne me mentait pas. J'ai pu un peu compter sur lui, il m'a rassuré. Une fois lâché j'étais face à Théo Degache mais je voyais que j'étais plus fort, je savais qu'il allait lâcher dans la dernière bosse.

Avais-tu reconnu ce circuit ?
La seule reco, c'était lundi en camion. On était à l'Estivale Bretonne, on est rentré lundi soir. Je me suis dit qu'on allait passer en camion parce que c'était sur la route. On a fait un tour, et le mardi je suis resté proche de l'hôtel, à Granville. Mais c'était un peu trop loin, je ne voulais pas trop prendre la voiture. On en fait beaucoup et ça fatigue. J'ai filmé, j'ai analysé le vent, le parcours, les bosses, mais en vérité je n'étais pas au millimètre. Je ne me suis pas mis de pression, il peut tout se passer.

« JE ME SUIS DEMANDÉ COMMENT J’AVAIS FAIT POUR NE PAS Y RESTER »

Tu as un parcours assez atypique...
C'est ma dernière année Espoir, j'ai tout mis pour cette année. J'ai un parcours compliqué, je sors un peu de nulle part. Je n'ai pas eu une carrière rectiligne, facile. J'ai commencé en VTT jusqu'à 2018. Fin 2017 j'ai eu des gros problèmes. Je pense à mon ami Diego Vivancos qui est décédé à l'entrainement sur le vélo, alors qu'il roulait avec moi. Mes années 2018-2019 ont été perturbées à cause de ça. Je pense fort à lui (il commence à pleurer, NDLR). Je pense qu'il m'a donné de la force aujourd'hui. Je savais que j'étais fort avec un mental d'acier. Je me suis laissé le temps. Il y a eu le covid en 2020 pour ma première année sur route, comme je venais du VTT. C'est compliqué de rivaliser sans le fond et la caisse. 2021 a été ma première vraie année, j'ai pu compter sur l'AVC Aix, j'ai pu apprendre plein de trucs, progresser. Et j'ai été blessé en 2022, je me suis fait opérer du tendon du fascia lata, ça m'a mis en échec en début de saison. J'ai galéré et galéré. Mais c'est avec autant de galères qu'on revient aussi fort.

Tu évoques justement Diego Vivancos. Noah Knecht a dit que c'était la première chose que tu lui avais dite en passant la ligne...
Rien que d'en parler, j'ai les larmes aux yeux, c'est incroyable (il pleure de nouveau, NDLR). C'était fin 2017, il nous est arrivé ça au Pole Espoir à Nice. On était trois dans cet accident, je suis tombé, et un camion a écrasé mon ami. On était en pleine sortie. Noah n'était pas là ce jour-là, mais il sait ce qu'il s'est passé. Ça a été très compliqué pour tout le monde. J'ai chuté et je me suis demandé comment j'avais fait pour ne pas y rester. Et là je pense très fort à lui...

Qu'est-ce qui t'a forcé à continuer ?
Je ne sais pas comment c'est possible. Au plus on en chie, au plus on devient fort.

« JE NE COMPTE PAS M’ARRÊTER LÀ »

Et tu as justement commencé à apprécier la lumière au Tour Alsace (lire ici). Tu vas en avoir encore un peu plus maintenant !
Toutes ces années où tu sais que tu es fort, que tu as des qualités et que tu peux être au meilleur niveau... Être dans l'ombre de tout le monde, il faut avoir un mental énorme. Quand tu vois que tu n'as que des problèmes et que la carrière des autres est toute tracée, c'est vraiment compliqué. Ça fait du bien d'être récompensé pour tout ce travail.

Comment tu vois l'avenir ?
J'espère que ça va m'ouvrir des portes. Je pense que le Tour Alsace en a déjà impressionné quelques uns. Ça a mis la puce à l'oreille. Et là je pense que le Championnat de France, c'est la cerise sur la gâteau. Je vois mon avenir sur le vélo, mais on ne sait jamais ce qui peut arriver. Je connais ça très bien, une blessure ou un accident est si vite arrivé. C'est un rêve qui se réalise, une consécration, mais ce n'est qu'une étape. J'en ai tellement bavé que je ne compte pas m'arrêter là !

 

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