Emilian Broë : « L'impression qu'on nous a savonné la planche »

Crédit photo Freddy Guérin - Directvelo

Crédit photo Freddy Guérin - Directvelo

Dans le classement officiel du Championnat d'Europe Juniors Femmes, Heïdi Gaugain est annoncée non-partante. Pourtant, la Française a bien disputé le contre-la-montre de 22 kilomètres jugé autour de Sangalhos (Portugal). Elle était même classée dans un premier temps à la 14e place, à 2'08'' de la lauréate Justyna Czapla. Mais le vélo de la sociétaire de Urt Vélo 64, en situation de handicap, n'a pas été autorisé par le président du jury. Quelques minutes après la fin de l'épreuve, marquée par la 2e place d'Eglantine Rayer, DirectVelo a fait le point avec le sélectionneur national, Emilian Broë.

DirectVelo : Que s’est-il passé avec Heïdi Gaugain ?
Emilian Broë : Ce matin, comme d’habitude, nous avons fait un pré-contrôle des vélos en amont du contre-la-montre. Celui de Heïdi Gaugain a interpellé les commissaires. On leur avait signalé qu’elle était en situation de handicap et qu’elle concourait aujourd'hui (jeudi) avec les valides. Le président de jury a contacté son homologue à l’UCI qui a donné son accord oral. Nous, de notre côté, nous sommes partis du fait que tout était réglé et qu’elle pouvait prendre le départ sans aucun problème. À 15 minutes du départ, le président de jury est revenu nous voir en nous disant qu’il avait reçu un mail comme quoi elle n’avait pas le droit de courir. C’était au moment où Eglantine Rayer allait partir. J’ai dû interrompre cette conversation et c’est Julien Thollet qui a pris le relais.

« ELLE EST DÉVASTÉE »

Et Heïdi a pu partir…
Julien a réussi à trouver un compromis pour que Heïdi qui est présente et qui a fait tout son échauffement puisse participer. Mais, le président de jury n’a pas accepté qu’elle prenne part au classement puisqu’il a reçu ce mail de l’UCI stipulant bien que le vélo doit être contrôlé par un commissaire officiel paracyclisme qui atteste que tout est conforme aux normes de sécurité et de gabarit. En amont, ça n’avait pas été fait. Son entraîneur qui gère ça nous a assuré que tout était bon et au final ça n’a pas été le cas.

Du coup, elle a fait le chrono pour du beurre…
On connaît la valeur de Heïdi. Même si on prend en compte le temps qu’elle a fait, il ne reflète pas forcément sa valeur. Quand tu apprends trois minutes avant le départ que tu es hors classement, on ne peut pas se mobiliser comme si on allait jouer le titre. Heïdi avait de belles choses à défendre, elle n’a pas pu le faire pour des aspects qui nous ont échappé.

Dans quel état se trouve-t-elle ?
Je pense qu’elle est dévastée. Vous imaginez, elle a axé sa préparation sur cette course depuis l’annonce de sa sélection il y a un mois. Elle n’est pas sur la course en ligne donc c’était vraiment la seule épreuve à laquelle elle participait et trois minutes avant, on lui annonce qu’elle ne pourra pas participer. Moi, je n’ai pas pu beaucoup échanger avec elle parce qu’elle est dévastée. En se mettant dans sa situation, très clairement, je comprends qu’elle puisse avoir du mal à digérer.

Allez-vous porter réclamation ?
C’est le collège des commissaires qui aura toujours le dernier mot. Nous, clairement, on va en tirer des enseignements aussi. Lorsque nous serons amenés à intégrer des athlètes en situation de handicap, on se blindera avec des preuves écrites. C’était une première expérience pour chacun, aussi bien le président de jury que le staff de l'équipe de France. On n'a jamais vécu cette situation donc ce n’est pas évident à gérer.

« ELLE A RÉUSSI À SE REMOBILISER »

Il y a eu aussi quelques petits soucis pour Eglantine Rayer, partie un peu en retard…
On a réellement eu l’impression qu’on nous a savonné la planche. On avait tout optimisé jusqu’à un quart d’heure du départ pour chacune. Elle n’a pas été dans les meilleures conditions en raison de multiples contrôles de son vélo qui était pourtant conforme.

Quel était l’état d’esprit quand tu la vois partir ?
On en a discuté hier (mercredi) avec les collègues, par rapport à la Jumbo et ce qui leur est arrivé sur le Tour lors de l’étape des pavés. En cinq minutes, tout s’effondre pour eux. Nous, en l’espace d’un quart d’heure, tout ce qu’on avait optimisé s’est effondré. Il faut se remobiliser, car malgré tout Eglantine a pris le départ. Elle a perdu du temps. L’idée, c'était de la remobiliser, de faire en sorte qu’elle reste dans son chrono et qu’elle fasse le meilleur chrono possible avec cet handicap de cinq secondes. Notre mission était qu’elle ne soit pas perturbée. C’est un événement qui est passé et qui n’a pas été maîtrisé. Mais derrière, il restait de bonnes choses à faire pour aller chercher ce qu’elle mérite.

Pendant la course, l'as-tu senti différente ?
Je ne l’ai pas senti différente. Non, franchement elle a été forte par rapport à ça. Elle a réussi à se remobiliser. Au début, sur quelques kilomètres, il y a le temps de la digestion. Elle a fait un chrono hyper propre techniquement. Elle sait gérer ce type d’effort, il n’y a pas de regrets à avoir.

Et la voilà sur le podium…
J’y croyais parce que c’était un terrain qui était plus propice que ceux de l’an dernier au Championnat d’Europe et au Mondial, ou même cette année aux Pays-Bas, sur la Coupe des Nations. Le Borsele était la seule référence à l’international chez les Juniors. On était sur un circuit tout plat et forcément face à des gabarits qui développent plus de watts, c’est difficile de rivaliser. Aujourd’hui, elle était sur un parcours qui pouvait faire parler ses qualités et ça a été le cas.

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