Pierre Barbier : « J’y vais pour gagner »

Crédit photo Arnaud Guillaume / DirectVelo

Crédit photo Arnaud Guillaume / DirectVelo

Pierre Barbier n’a qu’une hâte : débloquer son compteur de victoires chez les pros sous ses nouvelles couleurs de la B&B Hôtels-KTM. Le Picard de 24 ans, embêté par différents coups du sort en tout début de saison, a depuis repris du poil de la bête sur l’ensemble du mois de mars. Mais désormais, il en veut plus et se dit prêt à assumer de grandes responsabilités au sein de la ProTeam bretonne. Avec à l’horizon, le rêve d’une première participation au Tour de France pour celui qui ne serait d’ailleurs pas contre voir l’Italien Luca Mozzato à ses côtés lors de la Grande Boucle, chez des « Men in Glaz » qui aligneraient alors deux sprinteurs sur l’épreuve. Entretien long format avant la Route Adélie de ce vendredi.

DirectVelo : Tu as connu différentes péripéties pour tes débuts chez B&B Hôtels-KTM…
Pierre Barbier : Ça n’a pas été les débuts que j’avais imaginés et espérés. Et pourtant, ce n’est pas faute de ne pas avoir tout fait pour que ça se passe bien. Mais j’ai été emmerdé par mon genou dès le stage. Je suis rentré à la maison au bout de trois jours de stage… C’était simplement un petit problème de modification de position sur le vélo. Rien de grave, ça allait mieux au bout de quelques jours. Mais ensuite, j’ai dû repousser ma rentrée car j’ai été testé positif à la Covid l’avant-veille de mon départ pour le Tour d’Arabie Saoudite. Il était ensuite prévu que j’aille au Tour d’Oman mais on a eu plusieurs cas Covid. Je l’ai appris en arrivant à l’aéroport Charles de Gaulle… Encore une fois, je n’avais plus qu’à rentrer à la maison (sourire).

Psychologiquement, on imagine que c’était une période difficile à gérer !
Je n’avais qu’une envie : courir ! Enfin courir avec l’équipe. En plus, la forme n'était franchement pas mauvaise et j’ai souvent l’habitude d’être performant sur les toutes premières courses de la saison (dès sa deuxième course pro, en 2018, il avait été directement performant à Bessèges, lire ici, NDLR). L’équipe m’a trouvé une place pour le Tour de la Provence et finalement, j’ai repris là-bas. Même si le parcours n’était pas idéal pour les sprinteurs, c’était important de remettre, enfin, un dossard, et de prendre de premiers automatismes avec le groupe. Je voulais me lancer, je n’en pouvais plus de maronner à la maison. Ce n’était pas bon pour le moral. Cette reprise m’a fait du bien. À partir de là, j’étais lancé.

« C’EST BEAUCOUP PLUS PROFESSIONNEL »

Depuis, tu as totalisé quatre Top 10 dont une 4e place à Denain, ou une 6e place au GP Monseré…
C’est rassurant. Pratiquement à chaque fois, j’étais là pour jouer la gagne. Il était important de vite montrer que je pouvais répondre présent. C’est comme ça que l’équipe te fait confiance au fil des courses. Si tu assumes tes responsabilités, on se met vite en ordre de marche. Par contre, si tu as une équipe qui roule pour toi et que tu passes à côté une fois, puis deux fois… On va te dire d’aller retourner t’entraîner et de revenir dire que tu veux jouer la gagne plus tard… C’est normal.

À 24 ans, tu portes d’ores-et-déjà un troisième maillot différent chez les pros après celui de Roubaix puis du Team Delko. Qu’as-tu découvert de différent chez les « Men in Glaz » ?
C’est beaucoup plus professionnel. Je ne peux pas vraiment comparer avec Roubaix car c’est une Conti et on sait bien qu’ils font avec les moyens qu’ils ont. Chez Delko, j’ai connu deux années particulières, en plein cœur de la Covid. Des saisons avec 30 jours de course maximum au compteur, ce n’est pas facile… (Après avoir annoncé qu’il quitterait l’équipe pour rejoindre la ProTeam bretonne, Pierre Barbier avait progressivement été mis de côté par le manager Philippe Lannes, comme plusieurs autres de ses coéquipiers, NDLR). Au final, j’ai eu l’impression de tourner en rond et de ne plus avancer. Chez B&B Hôtels-KTM, tout le monde va dans la même direction. J’ai rarement vu une telle organisation, que ce soit dans mes expériences personnelles ou via celles racontées par mon frère Rudy ou mes meilleurs potes dans le monde du vélo. La cohésion est incroyable, le staff est top. C’est comme une famille, vraiment. La vision que l’on peut avoir de cette équipe de l’extérieur, eh bien il faut savoir que c’est vraiment comme ça à l’intérieur. Il n’y a pas de faux-culs, on se dit les choses quand il faut se les dire et ça fait super plaisir. Dans la vie de tous les jours, je suis très famille. Alors je m’identifie très bien à ce genre de groupe et à cette façon de travailler. 

Au sein de l’équipe, tu es attendu comme l’un des principaux leaders, l’un de ceux qui a le plus de chance de pouvoir “scorer” durant la saison. Comment vis-tu ces nouvelles responsabilités ?
C’est une bonne pression. J’aime ça, en fait. Je pense qu’un sprinteur et/ou un leader a besoin de cette pression-là. Je suis prêt à assumer ces responsabilités d’aller chercher des résultats. Je ne suis pas le genre de personne à aller imposer quoi que ce soit. Déjà, je ne suis personne pour imposer quelque chose. Mais ça ne doit pas m’empêcher d’avoir des responsabilités. Au fil des courses, je me suis rendu compte que je prenais, naturellement, de plus en plus facilement la parole lors des briefings. Même si sur les semi-Classiques belges, on n’est jamais sûr du scénario de course, j’ai toujours tenu à rassurer le groupe pour dire qu’ils pouvaient me faire confiance et que j’allais répondre présent dans le final.

« UN SUPER FEELING AVEC LUI DÈS LE DÉBUT »

Es-tu en train de construire un groupe spécifique de coureurs qui seront amenés à t’accompagner tout au long de la saison, ou faudra-t-il que tu t’habitues à avoir des trains différents en fonction des compétitions ?
Sur les courses en Belgique, c’était vraiment compliqué à mettre en place, même si on a essayé, car tu ne sais jamais ce qu’il va se passer et tu ne peux pas être sûr d’être là à l’arrivée, ni avec combien de coéquipiers. Nerveusement comme physiquement, ce sont les courses les plus dures de l’année. Mais oui, globalement, je sais que je vais pouvoir m’appuyer sur certains coureurs. On a un noyau dur de quatre/cinq unités et on va se retrouver régulièrement ensemble en compétition. J’ai dû me passer de Jérémy Lecroq et de Cyril Lemoine lorsqu’ils étaient à Paris-Nice mais la plupart du temps, ils seront avec moi.

Il y a un autre coureur très rapide dans l’équipe en la personne de Luca Mozzato. Lors du dernier Paris-Nice, il nous expliquait que vous étiez deux types de sprinteurs différents (lire ici). Cette différence de caractéristiques facilite-t-elle votre entente et cohabitation ?
Luca est un garçon super gentil et super honnête. J’ai eu un super feeling avec lui dès le début. Dès le stage de cohésion, on s’est dit les choses autour d’une bonne bière (sourire). Il m’a dit qu’il considérait que je suis plus rapide que lui sur un sprint massif à plat. C’est très honnête de sa part. Inversement, j’ai parfaitement conscience qu’il passe mieux les bosses que moi et que sur des fins de courses accidentées, où il peut y avoir un sprint à 30 ou 40 mecs, il peut être plus à l’aise que moi. Au briefing de Gand-Wevelgem, je n’ai eu aucun mal à dire que j’allais me mettre à son service car sur le papier, il avait plus de chances que moi d’être devant à l’arrivée. Il est plus passe-partout que moi. Quand il faudra l’aider et prendre du vent pour lui, je le ferai sans problème. C’est le principe même d’une équipe.

Mais on imagine que l’idée est tout de même que vous soyez sur deux fronts différents le plus souvent possible ?
Exactement. Depuis le début de saison, on n’a pratiquement jamais couru ensemble (ils étaient associés à Kuurne, au Samyn, à Denain, à La Panne et lors de Gand-Wevelgem, NDLR). Luca a disputé Paris-Nice car il y avait beaucoup d’arrivées piégeuses et vallonnées. C’était mieux pour lui et j’étais très content qu’il y soit. De l’autre côté, je vais pouvoir jouer ma carte sur plein de courses, comme là, sur la Route Adélie ou lors du Circuit de la Sarthe.

« SI JE GAGNE, JE PEUX VRAIMENT LANCER L’ÉQUIPE »

Luca Mozzato nous confirmait être candidat à une participation au prochain Tour de France, ce qui est également ton cas. Comment imagines-tu la suite des événements ?
Je ne suis pas dans la tête du manager ou des directeurs sportifs mais à la base, on s’était dit que ce ne serait pas une rivalité entre nous deux. Il n’y aura pas automatiquement l’un des deux sprinteurs sur le Tour. Si on marche tous les deux, on peut espérer y être tous les deux. Et à l’inverse, si aucun des deux n’apporte satisfaction ou ne prouve qu’il mérite sa place, alors on fera tous les deux autre chose en juillet… Tous les cas de figure sont envisageables. Dans ma tête, je sais que si je suis bon, j’y serai. Je fais confiance à Jérôme (Pineau) pour ça. Il a toujours été clair là-dessus : il prendra les huit coureurs les plus à même de performer sur le Tour. C’est aussi simple que ça. Je ne suis pas inquiet du tout. Mais maintenant, c’est à moi d’être bon.

Tu envisages donc que l’équipe puisse aligner deux sprinteurs, Luca Mozzato et toi-même, sur les routes du prochain Tour de France ?
Et pourquoi pas ? Si c’est la meilleure façon d’espérer performer… On a tous les deux une pointe de vitesse et je suis convaincu que l’on peut être encore plus forts en s’entraidant. Il ne faut pas faire le con et ne penser qu’à sa gueule. J’en reviens à ce que je disais précédemment sur la mentalité dans l’équipe. Si tu la joues perso, dans un groupe comme celui-ci, ça se remarque de suite. Je pense pouvoir être utile à Luca sur certaines étapes du Tour et lui aussi pourrait être un super poisson-pilote sur d’autres étapes. Je ne considère pas être en opposition avec lui. Au contraire ! Pour l’instant, on est sur des fronts différents car on essaie tous les deux de scorer pour l’équipe. Mais sur un Tour de France, une association pourrait être bénéfique. Et puis, imaginons que je me pète la clavicule au bout de deux jours de course ? Autant avoir deux cartes avec des mecs qui peuvent aller te chercher plusieurs résultats sur les trois semaines.

Revenons à ta place dans le groupe : l’équipe n’a gagné qu’une fois jusqu’à présent, au Rwanda grâce à Alan Boileau. As-tu le sentiment d’être le plus à même - et le plus attendu - d’apporter une première victoire sur le sol européen au collectif breton ?
Il y a plusieurs façons de voir les choses. Forcément, sur les dernières semi-Classiques ou sur les manches de Coupe de France, je peux entre guillemets être celui qui doit sauver la baraque si la journée est compliquée ou si ça se termine au sprint. Je suis celui qui doit, normalement, enchaîner les résultats très souvent. Mais d’un autre côté, tout ne repose pas sur moi non plus. Sur une manche de Coupe de France, on sait que les courses sont ouvertes et tout le monde est libre de prendre la bonne et d’aller jouer la victoire. Que ce soit Franck Bonnamour, Alexis Gougeard, Miguel Heidemann ou n’importe qui d’autre. Le problème, c’est que pour gagner de cette façon-là, il faut être très, très fort. Tu as plus de chances de finir par en claquer une en enchaînant les sprints massifs. En ce sens-là, oui forcément, j’imagine que ça repose en partie sur mes épaules. Avant chaque course, j’y pense. Je me dis que si je gagne, je peux vraiment lancer l’équipe et prendre encore un autre statut dans le peloton. Mais franchement, c’est une pression que je me mets tout seul.

« JE VAIS FORCÉMENT FINIR PAR EN CLAQUER UNE »

Et pas le staff ?
Pas du tout. Quand on se loupe et qu’on n’est pas dans le Top 10, je n’ai jamais vu, pour l’instant, Jérôme (Pineau) ou Didier (Rous) tirer la sonnette d’alarme ou nous dire qu’on est nul, comme j’ai pu l’entendre par le passé dans d’autres équipes. On nous dit toujours de ne pas nous inquiéter, d’en tirer le positif et que ça va finir par venir. J’en suis moi-même persuadé. Je vais forcément finir par en claquer une, il ne peut pas en être autrement. Et ça pourra décomplexer tout le monde dans l’équipe. Il faut simplement être patient car le niveau est extrêmement élevé sur absolument toutes les courses maintenant. Mais on ne se cherche pas d’excuses.

Ton grand-frère Rudy a récemment tenu le même discours (lire ici) !
Je ne doute jamais de moi-même. Je sais que tôt ou tard, ça va s’ouvrir. Tout le monde n’arrête pas de me dire qu’il ne ne manque pas grand-chose. J’y crois.

Pourquoi pas dès ce vendredi sur la Route Adélie ?
On va partir dans cette optique-là. Dans ma tête, j’y vais pour gagner, ça c’est sûr. Mais il va falloir la jouer fine. Je connais très bien cette course (il l’a déjà disputée deux fois en 2018 et 2019, NDLR). Je sais que ça peut être très débridé, contrairement aux apparences. Cela dit, la Groupama-FDJ vient avec Arnaud Démare alors je pense qu’ils vont verrouiller la course et que ça se terminera au sprint. Je n’imagine pas un autre scénario vu le plateau (voir la liste des partants ici). Si c’est le cas, il ne faudra pas avoir de complexes et ce sera à moi de jouer. De toute façon, vu le niveau sur chaque course, si tu en gagnes une, c’est forcément une belle. Et devant du beau monde. Maintenant, il n'y a plus qu'à.   

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