Quelques instants après la victoire de Tobias Lund Andresen dans la dernière étape du 54e Tour de Bretagne, Anthony Delaplace en termine.  Il est le seul favori à finir avec le petit groupe d’attaquants mais le coureur d'Arkéa-Samsic interroge ses assistants : a-t-il gagné l’épreuve de Classe 2... Car Jean-Louis Le Ny, lui aussi présent dans ce petit groupe et mieux placé au général au départ de Guitté, est parti à la faute à 500 mètres du but, piégé par les pavés de cette ascension finale vers les hauteurs de Dinan. Alors que le classement général lui tendait les bras, le coureur de WB-Fybolia Locminé s’effondre après la ligne. Tête baissée dans les bras, les larmes coulent et personne ne parvient à le consoler. En plus de la première position perdue, il recule provisoirement en fond de Top 10.

« EN ARRÊTANT LA VOITURE, J’AI PENSÉ À CETTE RÈGLE »

Le micro annonce le succès d'Anthony Delaplace et le Normand peut enfin exulter. Couronné vainqueur dans toutes les têtes, il comprend que l’histoire est plus compliquée qu’il n’y paraît. "J’avais des doutes à l’arrivée, Jean-Louis Le Ny est tombé devant moi et je ne savais pas si ça comptait comme une arrivée en bosse ou sur le plat. Le speaker m’a annoncé vainqueur donc je pensais que les commissaires avaient tranché, mais non". Alors que tout le monde est momentanément bloqué sur la ligne, en attendant de pouvoir rejoindre le parking, Léo Moréac et Arnaud Gérard, directeurs sportifs de Locminé et Arkéa-Samsic, se précipitent à l’arrière du podium en quête du car des commissaires, où les discussions ont déjà commencé quant à une possible application de la règle des trois kilomètres, qui permet à un coureur accidenté dans un final d'être repêché dans le temps du groupe auquel il appartenait. 

Du côté de Locminé, c’est l’ascenseur émotionnel qui débute. "Il y a eu une minute où tout le monde s’est un peu effondré et puis en arrêtant la voiture j’ai pensé à cette règle. J’ai couru voir les commissaires", explique Léo Moréac. Les deux techniciens entrent dans le car, la porte se ferme. Sur le podium, c’est la confusion. Personne ne sait ce qu’il va advenir du sort de ce Tour de Bretagne, ni même quel coureur doit être convoqué à la cérémonie. Mais il ne faut que quelques minutes pour que la sentence tombe. Léo Moréac exulte à la descente du car, et se jette dans les bras de son staff et de son encadrement. "Le règlement c’est le règlement et aujourd'hui il nous profite. Il le mérite sur l'ensemble de la semaine, il a été régulier. Tout le monde a fait le job. Pour une petite équipe comme nous c’est formidable, c’est notre Tour de France". 

« C’EST L’APOTHÉOSE »

Chez les coureurs, c’est aussi l’explosion. "J’avais roulé pour Jean-Louis au KBE et à l'Estivale bretonne. C’est un peu mon exercice de prédilection, je fais du vélo pour aider les copains. On a d’abord cru qu’il avait perdu puis on a eu l'information de la victoire de Jean-Louis. On a explosé de joie dans le camping-car", se réjouit Lomig Le Clec’h. Côté Arkéa-Samsic, Arnaud Gérard garde un grand sourire. "Je le savais, admet-il, bon joueur, auprès de membres de l’organisation. J’avais vu le règlement, je m’y attendais, c’est comme ça". Anthony Delaplace a plus de mal à digérer, à chaud. "Au final, la règle des trois kilomètres a été appliquée. Je pensais que cette règle ne comptait qu’en cas de chute massive, enfin je ne me suis jamais vraiment penché sur la question… C’est une grosse déception de passer de 1^er à 2^e. À chaud je ne sais pas trop quoi dire".

Jean-Louis Le Ny revient alors au podium, après de longues minutes, pour recevoir son maillot vert et blanc, tandis que Léo Moréac continue de tomber dans les bras des membres de son équipe. "C’est une fin spéciale, on aurait préféré gagner directement. On savait que la règle des trois kilomètres pouvait s’appliquer. On prend cette victoire quand même, surtout pour notre première participation. On ramène trois maillots. C’est juste magique". En N3 il y a deux ans, en N2 l’année passée, WB-Fybolia Locminé est encore nouveau. "On a commencé il y a six ans. L’histoire est belle et on va continuer. Là, ça a quand même été plus vite que prévu parce que gagner le Tour de Bretagne, c’est fort. C’est à l’image de l’équipe, à chaque fois qu’on arrive sur une course en étant le plus petit on en fait une force. C’est l'apothéose pour l’ensemble des partenaires et du staff". Il a fallu attendre, et bénéficier d’un point de règlement, mais c’est bien Jean-Louis Le Ny qui inscrit son nom au palmarès.