Bryan Coquard : « L’impression d’avoir retrouvé mon meilleur niveau »

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

Retour aux sources pour Bryan Coquard. Après une saison 2020 débutée en Espagne, pour s’adapter à sa participation au Championnat du Monde sur piste, le sprinteur nazairien va cette fois-ci reprendre la compétition sur le GP La Marseillaise, ce dimanche, avant (si les mesures gouvernementales à venir le permettent) d’enchaîner avec l’Etoile de Bessèges, une épreuve sur laquelle il s’est déjà imposé à huit reprises depuis le début de sa carrière. L’occasion, il l’espère, de monter en puissance avant Paris-Nice, épreuve durant laquelle l’athlète de 28 ans rêve de décrocher une étape, lui qui totalise pas moins de 45 victoires chez les pros, mais absolument aucune en WorldTour. Entretien.

DirectVelo : Dimanche, tu feras ta rentrée sur le Grand Prix La Marseillaise, course que tu n’as disputée qu’une fois, en 2014. Espères-tu y jouer la victoire ?
Bryan Coquard : La seule fois où j'ai participé à La Marseillaise, il n’y avait pas encore les Crêtes. Je ne les ai jamais montées et apparemment, ce n’est pas facile. Suivre les meilleurs dans les Crêtes, c’est sûr que non, je n’ai pas la prétention de pouvoir le faire. Surtout qu’il y aura un plateau assez relevé. L’an passé, je sais qu’un bon petit groupe est arrivé pour les places d’honneur (pour la 5e place, NDLR), alors pourquoi pas. Dans tous les cas, c’est une reprise et j’avais envie de courir dès La Marseillaise. Ce n’est pas forcément une course qui me convient mais cette année, j’avais envie d’essayer, et de changer un peu. 

Cette course d’ouverture pourrait, parmi bien d’autres scénarios, être à la fois la première et la dernière course avant une potentielle interruption. Comment vis-tu cette situation ?
On ne sait pas trop où l’on va, on marche sur la pointe des pieds. Il faudra prendre ce qu’il y a à prendre (rires). On peut essayer d’imaginer des scénarios mais de toute façon, on est dépendant des décisions du gouvernement. S’il devait y avoir une nouvelle interruption, comme l’an passé, je pense que je vivrais la situation différemment. L’an passé, au moment du premier confinement, juste après Paris-Nice, j'étais devenu papa. Alors ça n’avait pas été très compliqué à vivre (sourire). J’ai eu droit à un long congé parental pour l’arrivée de ma petite. Mais là, on s’est préparé tout l’hiver comme s’il allait y avoir une saison et on voit les courses qui s’annulent au fur et à mesure. On voit que le calendrier ne tient qu’à un fil... C’est compliqué mais il faut faire comme si la saison allait se dérouler “normalement”. 

Ton retour sur le calendrier français au mois de février est-il un choix par défaut après l’annulation de plusieurs courses ou était-ce prévu de longue date ?
C'était le plan initial. C’est intéressant de tout enchaîner en France. Disputer le GP La Marseillaise, l’Etoile de Bessèges puis le Tour de la Provence me permet d’enchaîner un bon gros bloc de courses pour arriver dans la meilleure condition possible à Paris-Nice, que j'ai déjà en ligne de mire. L’an passé, c’était particulier car j’avais fait de la piste l’hiver. J’avais terminé ma saison tard et du coup, j’avais repris la route plus tard que d’habitude, à Almeria (le 16 février, NDLR). J’avais aussi disputé la Ruta del Sol dans la foulée, au chaud (sourires). C’était intéressant d’enchaîner comme ça, sachant que j’avais aussi le Mondial sur piste le vendredi qui précédait Kuurne-Bruxelles-Kuurne. C’est pour ça que j’avais changé. Mais là, je reviens aux sources. 

« JE NE PEUX PAS PRÉPARER SPÉCIFIQUEMENT LES JEUX COMME DONAVAN (GRONDIN) »

Justement, les sources, c’est notamment cette Etoile de Bessèges avec laquelle tu sembles avoir lié une véritable histoire d’amour depuis tes débuts chez les pros !
C’est là où j’ai gagné mes premières courses professionnelles en 2013. Je me suis donc vite attaché à cette course. C’est aussi le début de saison, j’y ai très souvent fait ma rentrée, et souvent avec réussite. J’ai l’habitude de bien démarrer là-bas alors c’est vrai que c’est un peu une histoire d’amour avec l’Etoile de Bessèges. 

Tu as souvent eu l’habitude de gagner très tôt dans la saison. Régulièrement à Bessèges, donc, mais encore l’été dernier, lorsque tu as gagné sur la Route d’Occitanie pour ton premier jour de course après plusieurs mois de confinement. Comment l’expliques-tu ?
J’arrive à vite remettre en route et à directement retrouver un bon niveau. Je suis assidu à l’entraînement, ça paie directement. J’imagine que c’est une explication. Cette année, il faudra être très bon pour gagner à Bessèges. Le plateau est très costaud, il y a aura un très gros niveau et je trouve ça bien. On sera directement dans le bain. Ce sera presque comme une course WorldTour. Si la saison se déroule “normalement”, comme on l’espère tous, ce sera comme ça sur toutes les courses françaises jusqu’à Paris-Nice. 

Passons à toute autre chose : y’a-t-il encore une possibilité de te voir aux Jeux Olympiques de Tokyo ?
Il y a encore une possibilité… (il marque un temps d’arrêt, NDLR). Oui… On en a parlé longuement avec Steven Henry (le sélectionneur national, NDLR). On se connait depuis longtemps alors on se parle très facilement, et très franchement. Il en est venu au constat que pour préparer les Jeux, il valait mieux avoir des coureurs disponibles à 100% pour la piste. Or, pour moi, ce n’est pas possible, ni imaginable par rapport à l’équipe B&B Hôtels. Il semblerait donc que la tendance la plus probable soit celle de voir Donavan Grondin faire la paire avec Benjamin Thomas sur l’Américaine, ce qui avait d'ailleurs déjà été le cas lors du Championnat du Monde. Pour autant, je suis toujours ouvert à faire les Jeux et à courir avec l’équipe de France, mais je ne peux pas préparer spécifiquement la piste et les Jeux comme Donavan peut le faire, c’est sûr. 

« IL M’ARRIVE DE ME DEMANDER POURQUOI JE N’AI JAMAIS GAGNÉ EN WORLDTOUR »

D’où ton absence dans les différentes listes de coureurs participants aux stages de préparation…
C’est tout à fait ça. Si je ne viens pas aux stages, ce n’est pas parce que je suis fâché avec Steven mais uniquement parce que le timing de ces stages n’est pas bon pour moi et ne correspond pas à mon calendrier sur route. J’aurais dû enchaîner les stages avec B&B Hôtels et les stages avec l’équipe de France. Les deux ne sont pas compatibles.

Dimanche, tu entameras ta neuvième saison chez les pros. Tu comptes 45 victoires en carrière, mais aucune dans le calendrier WorldTour. Comment l'analyses-tu ?
Je ne sais pas trop (rires). C’est dur à expliquer. Ce n’est pas quelque chose qui m’obsède ou qui me bloque, même si on me le rappelle souvent. Quand je regarde en arrière, il m’arrive de me faire la réflexion, de me demander pourquoi je n’ai jamais gagné en WorldTour. J’ai de nombreuses places de 2 sur ces courses-là. Ce n’est donc pas une question de motivation, de niveau ou de peur. C’est juste comme ça… Je n’ai pas dû avoir la réussite quand j’en avais besoin, mais j’espère que ce sera pour cette année.

Tu évoques ces places de 2 : même sur le Tour, tu es déjà passé parfois tout près, comme lors de cette 2e place aux Champs-Elysées, en 2015, mais plus encore sur celle de Limoges l’année suivante, lorsque tu es battu d’un souffle par Marcel Kittel. T’arrive-t-il encore de penser à ces sprints-là ?
Oui, bien sûr. Je ne vais pas mentir, j’y pense. C’était passé tellement près… J’y pense même souvent. Bon, il faut dire que ce fameux sprint de Limoges, surtout, on me le remontre souvent. Mais ce n’est pas quelque chose de négatif. Au contraire, j’essaie d’en garder du positif, de me dire que je suis déjà passé tout près de la victoire. Donc je ne vois pas pourquoi je n’arriverais pas à gagner une fois. Ce n’est pas du tout une frustration, même si, bien sûr, j’aurais préféré déjà gagner sur le Tour. Quand tu perds pour quelques millimètres, c’est que tu es capable de le faire, et je le garde en tête.

« UN REGISTRE LÉGÈREMENT DIFFÉRENT D’AVANT »

L’été dernier, tu as semblé particulièrement en jambes sur certains rendez-vous !
J’ai vraiment l’impression d’avoir retrouvé mon meilleur niveau, voire même mieux. Mais peut-être dans un registre légèrement différent d’avant. Je me sens plus résistant et plus mature. Quand je suis à mon poids de forme, je suis capable de super bien passer les bosses. C’est sûr que maintenant, avec le recul et l’expérience, mais aussi avec le temps qui passe, je me dis qu’il est compliqué de battre Sam Bennett ou Caleb Ewan sur un sprint à plat, lancé super vite, notamment sur le Tour…

Mais tu te sens encore capable de gagner sur le Tour ?
Oui ! Je ne dis pas que c’est impossible et je ne pars pas du tout défaitiste. Sur un sprint parfait, à l’aspiration, en étant idéalement placé et en faisant mon effort au bon moment, je pense pouvoir gagner. Mais j’ai plus envie, peut-être, de me trouver dans un registre de puncheur-sprinteur avec des arrivées en plus petit comité, sans les plus gros sprinteurs. C’est là que je peux sans doute tirer mon épingle du jeu. Je l’ai notamment senti sur l’étape de Lavaur, au dernier Tour de France (3e derrière Wout van Aert et Edvald Boasson Hagen, NDLR). J’ai l’impression d’avoir progressé dans ce domaine-là.

Tu l’as aussi prouvé lors du Championnat de France de Grand-Champ, en étant capable de rester avec Julian Alaphilippe et Arnaud Démare dans le final !
C’est clair, c’était une journée référence pour moi. Malgré le fait que je termine 2e, ça reste un bon souvenir de ma saison 2020. Je peux m’appuyer là-dessus pour continuer d’avancer. 

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Bryan COQUARD