Michel Baup : « On ne tiendra pas indéfiniment »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

La période est "hyper compliquée" pour Michel Baup qui occupe deux casquettes dans le monde du cyclisme. L'Isérois dirige la société Portix, prestataire de services sur des nombreuses courses cyclistes tout au long de la saison. Et il est également l'organisateur du Rhône-Alpes Isère Tour (2.2), prévu du 14 au 17 mai prochains. Il fait le point avec DirectVelo.

DirectVelo : Comment vis-tu la situation ?
Michel Baup : C'est hyper compliqué pour les deux casquettes, la société et la course. Avec Portix, nous sommes prestataires de services, nous travaillons avec les organisateurs de courses cyclistes. Ce sont des gens qui sont dans le dur aujourd'hui. On travaille avec eux depuis des années. J'ai une grosse pensée pour eux, car « sentimentalement », ils doivent être dans le dur de ne pas pouvoir organiser leur épreuve. Ils amènent tellement au vélo et sont tellement passionnés que je souffre avec eux. Bien sûr, je souffre aussi économiquement. Nous sommes à l'arrêt. Les employés et les camions restent à la maison. Nous sommes dans l'attente que ça reprenne le plus vite possible car on ne tiendra pas indéfiniment. Nous avons fait de gros investissements l'an dernier, ce n'est donc pas le bon moment pour être à l'arrêt... Mais on n'a pas le choix, on subit.

Combien de temps la société Portix peut-elle tenir sans que ce soit une situation critique ?
Le gouvernement met des choses en place. On va essayer de voir les possibilités que l'on a. C'est l'époque de l'année où on a le moins de trésorerie car on sort de l'hiver. Les courses se sont arrêtées pile au moment où on allait recommencer à refacturer plus régulièrement. Il faudrait donc que la situation s'améliore très vite, sinon il faudra prendre des mesures plus importantes.

C'était une situation impensable...
C'est inimaginable. Nous avions des craintes dans les plus mauvais moments des crises liées au dopage, on se disait que les courses allaient peut-être s’arrêter... Mais je n'ai jamais ressenti une telle pression. Je ne l'ai pas vu venir, j'ai peut-être été un peu crédule ou un peu naïf. Je n'imaginais pas qu'un virus qui était en Chine pouvait venir autant nous pourrir la vie en Europe. Nous n'avons aucun moyen de lutter. On subit sans savoir comment ça va évoluer. Tout le monde est désemparé, aussi bien la FFC, toutes les fédérations, l'UCI ou les dirigeants de notre pays. Personne ne sait quand ça va s'arrêter. Je ne suis pas sûr que quelqu'un détienne la vérité... 

« L'ÉTAU SE RESSERRE »

Espères-tu encore organiser le Rhône-Alpes Isère Tour ?
Nous n'avons pas pris de décision car on estime qu'il n'y pas d'urgence. Ce que je dis est maladroit car l'urgence est là tous les jours. Nous sommes très solidaires de tout ce qui se passe, des gens confinés... Nous avons fait une réunion, au téléphone, ce lundi soir. Il y avait un besoin de se parler. Nous allons avoir un autre rendez-vous téléphonique un peu plus tard, quand on en saura plus sur le prolongement du confinement. Ça nous donnera des éclaircissements sur la faisabilité de l'épreuve. Il y a plusieurs choses à prendre en compte. S'il est possible d'organiser, que feront nos bénévoles qui auront été confinés pendant plusieurs semaines ? Ils auront peut-être plus important à faire que venir sur la course. Par ailleurs, il y a bien sûr le problème financier. On a commencé un tour de table avec nos partenaires qui semble montrer qu'on aurait la possibilité d'organiser. Mais si les entreprises n'ont plus de recette, je ne suis pas sûr qu'elles puissent honorer leurs promesses de dons. Il ne faut pas non plus se mettre en danger financièrement car la suite est en jeu. Il y aura un après 2020. 

Avais-tu déjà engagé des dépenses ?
Oui, forcément : les infographistes, les imprimeurs, du matériel, des frais de fonctionnement, les repas partagés... Nous sommes dans une phase où on peut freiner des dépenses à venir. Mais la date butoir pour faire ces dépenses-là approchent... Avant de les faire, ou non, il faudra prendre une décision. Si on doit les faire, il faut être sûr d'aller au bout du projet. Mais on peut être à la merci d'un préfet qui peut annuler un événement au dernier moment. Et si ça arrive, ça mettrait en péril l'avenir de nos organisations.

Alors pourquoi ne pas donner rendez-vous dès à présent en 2021 ?
Je suis quelqu'un qui va au bout des projets, sans être un jusqu'au-boutiste. Je n'irai pas trop loin, mais tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. C'est ce qui est ressorti de notre réunion. On peut encore attendre même si bien sûr, l'étau se resserre, il faut être lucide. On prendra la décision avant de se mettre en danger. C'est le discours du ROCC et la Ligue Nationale de Cyclisme. Il faut arrêter d'annuler son épreuve avant de savoir si on peut les organiser ou non. Mais je ne jette la pierre à personne, chaque cas est différent. Je ne dis pas qu'on sera meilleur que les autres, mais nous irons jusqu'au bout de la période où on peut attendre. 

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