Christophe Prémont : « Vers le modèle des nageurs »

Crédit photo Martine Lainé

Crédit photo Martine Lainé

En Belgique, les mesures prises par le gouvernement le 17 mars 2020 contre la propagation du Covid-19 permettent encore la pratique du vélo sur route, seul ou avec une personne vivant sous le même toit. C'est pourquoi les coureurs belges des équipes Wallonie-Bruxelles continuent les entrainements à l'extérieur. “Nous entendons tout et son contraire. Que faire ou ne pas faire ? Pour le moment, tant que la loi nous autorise à rouler dehors, nous le ferons”, indique l'entraineur de Wallonie-Bruxelles Christophe Prémont à DirectVelo.

La direction a donc mis en place des conditions strictes pour que les coureurs de l'équipe wallonne puissent réaliser leurs entrainements sur route. Premièrement, ils doivent être seuls. “C'est notre devoir d'équipe. Ce n'est pas parce que ce sont des professionnels qu'ils peuvent tout se permettre. Nous avons un devoir d'exemplarité.” En outre, ils doivent éviter les axes à grande fréquentation. “Un coureur qui s'entraine sur des routes de campagne ne va pas croiser beaucoup de monde entre le moment où il quitte son domicile et y revient.” Ils doivent être vigilants quand ils rencontrent d'autres cyclistes sur leur chemin. “Quand ils doublent un autre cycliste, ils doivent vraiment prendre leurs distances car la ventilation est plus importante. Il faut expirer son air un peu plus loin”. Enfin, interdiction formelle de prendre des risques inconsidérés. “Il faut éviter de terminer aux urgences car cela mobiliserait du personnel médical déjà débordé et de plus, le milieu hospitalier est parfait pour attraper une maladie. C'est pourquoi ils ne doivent pas forcer. Ils doivent rouler avec le frein à main. De plus, les sorties en VTT sont proscrites”.

NE PAS SIMULER UN TIRRENO-ADRIATICO

Les entrainements ont donc un but simple : garder la forme. “Nous leur avons dit de faire le métier, c'est-à-dire qu'il faut encore faire plus attention à ne pas effectuer une surcharge d'entrainement car c'est le meilleur moyen pour développer des maladies. Le but n'est pas de faire monter en flèche la forme pour des courses qui n'auront pas lieu. Il faut en faire juste assez que pour pouvoir accumuler une charge de travail pour certains, mais pas pour simuler un Tirreno-Adriatico ou les classiques du printemps comme Oliver Naesen (rires). Attention, je ne le critique pas. C'est un professionnel et il sait ce qu'il fait. Mais tout le monde n'a pas les capacités d'un Oliver Naesen".

Pour le moment, les équipes Wallonie-Bruxelles ne prennent pas de pause. "Nous procédons par petits blocs de travail. Nous profitons de la météo clémente pour nous entrainer et quand la météo se gâtera, nous nous reposerons”, précise le technicien de 30 ans en sachant bien que vendredi, de nouvelles mesures pourront être prises lors du prochain Conseil de sécurité national. “Dès qu'il sera déconseillé voire interdit de faire une sortie à l'extérieur, comme en France ou en Italie, nous imposerons un confinement plus strict à nos coureurs”.

IL PEUT ENCORE EXERCER SA FONCTION D'ENTRAINEUR 

Les entrainements se déroulent donc normalement mais sans but précis. “Nous avançons dans le flou. Personne ne sait quand cette crise va s'arrêter. Les plus optimistes parlent d'une reprise début mai et les plus alarmistes estiment qu'il n'y aura plus de cyclisme en 2020”. Toutefois, Christophe Prémont prévoit une évolution vers un modèle similaire à celui des nageurs. “En vélo, tu progresses par les courses, mais pas uniquement. L'entrainement est très important. Je pense aussi à des disciplines dans lesquelles il n'y a pas beaucoup de rendez-vous réguliers. Un Championnat d'Europe, du Monde et les Jeux Olympiques et puis basta, un peu comme les nageurs. Je pense que si la situation perdure, nous allons nous baser sur ce mode de fonctionnement.”

Malgré cette situation particulière, Christophe Prémont arrive encore à exercer sa fonction. “Notre échange tout au long de l'année est quasiment quotidien. Grâce à une plateforme d'entrainement, je peux avoir accès à leurs données de puissance, à la fréquence cardiaque, aux kilomètres parcourus. Je suis confiné chez moi mais mes analyses ne seront pas différentes que je sois à Rio ou à la maison. Néanmoins, c'est plus sympa de les voir à l'oeuvre en étant sur un scooter ou derrière, dans la voiture, pour voir comment ils réagissent à certains exercices”, nuance l'ancien pro de Crelan et de Vérandas Willems. 

Le Brabançon veille aussi à garder le moral des troupes au beau fixe. “C'est embêtant quand les courses sont annulées. Ils ont investi beaucoup de temps et d'énergie pour arriver en forme. Quand tu n'as pas l'occasion de montrer les fruits de ton travail, c'est frustrant. Mais le travail effectué en amont n'est pas complètement perdu. Ceux qui ont bien bossé seront encore en forme plus tard dans la saison. Ils sont déçus de ne pas pouvoir faire leur métier comme d'autres le sont de ne pas aller à un concert”. Et à relativiser. “Il y a des choses bien plus importantes que le sport qui est secondaire voire tertiaire à l'heure actuelle quand on voit la gravité sanitaire et économique de la situation. Toutefois, j'espère que les coureurs resteront concentrés sur leur passion”, termine-t-il.

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