François Trarieux : « Fier des coureurs »

Crédit photo Elisa Haumesser

Crédit photo Elisa Haumesser

Avec quatre médailles, l'Équipe de France de cyclo-cross a parfaitement réussi son Championnat d’Europe dimanche dernier, en Italie, à Silvelle di Trebaseleghe (Vénétie). Cerise sur le gâteau, Mickaël Crispin a décroché le titre chez les Espoirs (voir les classements). Le Breton a ainsi apporté à la France son deuxième titre -dix ans après Emilien Viennet chez les Juniors- dans l’histoire du Championnat d’Europe. “Je suis fier des coureurs”, apprécie François Trarieux. Le sélectionneur national s’est confié à DirectVelo.

DirectVelo : T’attendais-tu à un tel bilan lors de ce Championnat d’Europe ?
François Trarieux : Je pensais honnêtement que deux médailles étaient possibles. J’ai tendance à rester sur la réserve car on ne connaît pas toujours le niveau de nos coureurs en début de saison. Nous n’avons pas toujours brillé au Championnat d’Europe. Avec quatre médailles dont un titre, le bilan est excellent. C’est seulement le deuxième titre français depuis la création de cette compétition il y a seize ans. C’est donc une grosse satisfaction.

« MICKAËL S'ÉTAIT UN PEU PERDU EN ROUTE »

Avec quels coureurs envisageais-tu ces deux médailles ?
On pensait que c’était envisageable avec Antoine (Benoist) chez les Espoirs et également chez les Juniors Filles, même si on partait dans l'inconnu avec Olivia (Onesti) et Line (Burquier). Pour Marion (Norbert-Riberolle), en Espoirs, on savait qu’elle pouvait se rapprocher du podium. Pour être dans les trois premières, elle devait être dans un grand jour et qu’une favorite soit un peu moins bien. Honnêtement, la médaille la moins attendue est celle de Mickaël (Crispin). 

Son titre est donc une surprise pour toi ?
Je lui répète depuis des années qu’il a été vice-Champion du Monde chez les Juniors. Il y a peu de Français qui ont réussi cette performance mais on avait du mal à le voir arriver. Mickaël s’était un peu perdu en route. Il a également eu des soucis de santé, au dos. Il a perdu du temps. Nous avions bien débriefé sa deuxième partie de saison l’hiver dernier. Il avait eu du mal à encaisser l'enchaînement des compétitions. Il manquait de volume foncier. Nous lui avons dit de mettre l’accent sur sa préparation estivale.

Avec davantage de courses sur route ?
Je lui ai mis la pression en lui disant que s’il n’avait pas un certain nombre de jours de course en 1ère catégorie, j’allais avoir du mal à le sélectionner pendant l’hiver. Steve (Chainel) et son équipe lui ont tenu le même discours. Mickaël s’est repris en main. Il est allé voir un préparateur physique pour les séances de musculation. Il a serré la vis en terme d’hygiène de vie et on voit que ça paie. Il finit bien mieux ses courses. Ce titre n’est pas une surprise, mais une confirmation de son potentiel.

« UN PEU RAS-LE-BOL DE CE DISCOURS »

Les Élites Femmes et Hommes ont été plus en retrait. Comme attendu ?
Chez les Femmes, Perrine (Clauzel) et Marlène (Petit) n’ont pas fait un très bon départ et ont loupé le wagon entre la 7e et 10e place qui était accessible pour elles. Elles peuvent mieux faire que ça. Marlène n’était pas très bien physiquement. Perrine remet en route au niveau international. Elles peuvent mieux faire, c’est certain. Chez les Hommes, j’en ai un peu ras-le-bol du discours qu’on entend.

C’est-à-dire ?
On dit qu’on n’a pas d’Élites. Ils ne sont pas beaucoup, d’accord, mais il faut respecter la performance des coureurs qui font des sacrifices et qui se préparent pour performer au niveau international. David (Menut) finit 12e de ce Championnat d’Europe, à quelques encablures du Top 10. On me dit que c’était mieux avant, qu’il y avait de meilleurs Élites… Je veux bien le croire mais depuis 2001, il n'y a que cinq Français qui ont fini dans le Top 10 d’un Mondial Élite. On n’a jamais eu une masse d'Élites dans le Top 10 Mondial.

Comment vis-tu les critiques sur le cyclo-cross français ?
Beaucoup de monde critique le niveau Élite mais peu de gens le connaisse vraiment. On dit que le niveau de la Coupe de France est tristounet chez les Élites mais Steve et David sont proches du Top 10 Mondial. Il faut analyser les performances en profondeur au lieu d’être dans le superficiel et dire que c’était mieux avant et tout critiquer. Il faut respecter la performance de David même si bien sûr, il est loin du podium. Si on veut un coureur capable de jouer un titre Mondial, il ne faut pas se leurrer, il doit évoluer dans le WorldTour ou dans une équipe pro de cyclo-cross. Nous avons Steve qui est en fin de carrière et qui se bat avec ses moyens. David a été pro sur la route, et a fait le choix de repratiquer le cyclo-cross pour s’épanouir. C’est une performance honorable. On va dire que je ne suis pas neutre car il est de mon comité régional et que je le connais depuis qu’il est gamin mais terminer 12e d’un Championnat d’Europe, ce n’est pas nul ! 

Es-tu lassé par ces critiques ?
Il faut faire abstraction des critiques et des discussions de comptoir. Nous avons quatre coureurs médaillés au Championnat d’Europe. Je me dis qu’il y a de l’avenir pour la discipline. J’en ai marre qu’on stigmatise toujours les résultats, d’entendre qu’il n’y a que les Belges et les Néerlandais… Les coureurs et leur entourage font beaucoup d’efforts. Quand il y a de telles performances, ça donne envie de continuer de s’investir autant. Le staff fait aussi beaucoup de sacrifices. Il y a des retours de Championnats qui sont beaucoup plus compliqués. Je suis fier de ce que les coureurs ont montré. Ça va booster les structures. Il y avait de l’émotion au moment de la Marseillaise. C’est une récompense pour tout le monde. Il faut savourer ces journées-là car elles sont rares. 

« PRENDRE DE LA HAUTEUR »

C’était donc une journée parfaite...
Il faut prendre de la hauteur par rapport aux résultats. Parfois, on a l’impression d’avoir fait le maximum et ça ne sourit pas. Encore une fois, de tels résultats font plaisir à beaucoup de monde. Je vais prendre deux exemples. Marion, on l’a découverte par hasard en Coupe de France en 2017, à Besançon. Elle a fait 3e pour l’un de ses premiers cyclo-cross. Nous l’avons accompagnée lors de sa première année. Mickaël, depuis les jeunes, évoluait sur le circuit breton. Il a ensuite été accompagné par son comité régional puis par une équipe UCI. C’est une satisfaction car c’est valorisant pour tout l’encadrement de l’équipe de France et pour toutes les autres structures qui aident les coureurs. Il y a beaucoup de gens qui s'investissent et ce n’est pas toujours mis en valeur. 

Vas-tu attendre encore plus des coureurs ces prochains mois ?
L’ambition est portée par une dynamique. Nos Juniors garçons doivent être plus ambitieux. Nos trois J2 ont déjà battu les trois coureurs montés sur le podium en Italie. Ils doivent essayer d’aller jouer la gagne en Coupe du Monde et ne pas parler d’un Top 10 ou Top 5. J’en suis convaincu… Mais c’est toujours pareil. Les résultats ne viennent pas par hasard. Mickaël ne serait pas Champion d’Europe s’il ne s’était pas bougé ces derniers mois. Il y a du travail. On n’a pas le temps de nous reposer sur nos lauriers. On va enchaîner avec les manches de Coupe du Monde de Tabor et Coxyde. Le Championnat du Monde est encore loin. Pour certains, le Championnat d’Europe n’est pas le Mondial mais le niveau est le même. Nous avons des coureurs Français qui jouent dans la cour des grands. On aura le Mondial dans quatre ans en France, et un tel rendez-vous, ça se prépare… Il faut qu’une dynamique se mette en place. 

Mots-clés