Lillers : Malice et rigueur ont eu raison du peloton

Crédit photo Roland Amelynck

Crédit photo Roland Amelynck

Il y a eu du grand spectacle le week-end dernier, en Classe 2, sur les routes du Pas-de-Calais. Après la course de guerriers, disputée dans des conditions très pénibles, samedi au Tour des 100 Communes (lire ici), c’est la notion tactique et la situation indécise de la course qui ont également rendu le Grand Prix de Lillers, dimanche, passionnant. Sortis avant la mi-course alors qu’ils avaient déjà passé le final à l’avant la veille, Emmanuel Morin (Van Rysel-Roubaix) et Steffen De Schuyteneer (Lotto-Dstny DT) ont réalisé un formidable numéro, en compagnie du non moins méritant Théo Delacroix (St-Michel-Mavic-Auber 93). Alors que le peloton est constamment resté pointé à moins de 25 secondes durant les 20 derniers kilomètres, le trio - devenu quatuor dans le dernier tour de circuit avec le renfort d’Antoine Aebi (Elite Fondations) - n’a jamais été revu (voir classement).

LA GROUPAMA-FDJ CONTI DE NOAH HOBBS PIÉGÉE

Désabusés à l’arrière, les coureurs restés dans le peloton ne pouvaient que saluer la performance des échappés, après l’arrivée. Je pensais qu’on allait rentrer, j’étais persuadé que ça finirait au massif, comme peu d’équipes étaient représentées devant. Ils devaient être vraiment forts car ça roulait quand même derrière, même si c’était saccadé”, témoigne pour DirectVelo Léandre Lozouet. Les propos du coureur d’Arkéa-B&B Hôtels Conti, 15e à l’arrivée, rejoignent ceux de Gari Lagnet, 7e. “Samedi, les conditions étaient terribles. On n’en vit pas beaucoup des comme ça dans l’année. Du coup, tout le monde était éreinté. Les Wanty, FDJ et Quick Step ont géré comme ils ont pu. Ils ont peut-être voulu éviter de rentrer trop tôt pour ne pas subir les contre-attaques, imagine le sociétaire du SCO Dijon. Dès qu’on se rapprochait tout près, ça ralentissait. Le circuit était très usant physiquement, avec beaucoup de relances. C’était en faveur de l’échappée. Et comme personne n’a eu envie de faire le dernier effort dans le peloton…”.

Noah Hobbs a sans doute été l’un des coureurs les plus frustrés à Lillers. 6e sur la ligne - 2e du sprint du peloton -, il a fait rouler ses hommes tout l’après-midi, en vain. "On a manqué le coup en début de course alors on a dû assumer le poids de la poursuite avec les Wanty. Le vrai problème, c’est de ne pas avoir réussi à mettre un mec devant en début de course. On l’a payé cher. On a quand même bien contrôlé pendant un bon moment, puis il y a eu pas mal d’attaques et certains de nos gars ont commencé à flancher. C’était le bordel, la chasse n’était pas organisée, explique le sprinteur de la Groupama-FDJ Conti. Certaines équipes n’avaient personne devant mais n’ont pas souhaité nous aider pour autant, ce qui a rendu les choses plus dures pour nous. On a fait ce qu’on avait à faire”.

DES BAROUDEURS EN MISSION

Pendant que certaines formations misaient sur une arrivée groupée, d’autres coureurs - piégés dans le paquet - ont tout fait pour rentrer sur l’avant. Parmi eux, la paire Henri-François Renard-Haquin et Victor Papon. En chasse durant plusieurs kilomètres, ils ne sont jamais parvenus à rentrer sur le trio de tête. On avait un plan : faire la course dans les deux derniers tours. J’ai essayé, mais il m’en a manqué un peu”, concède le coureur du CC Etupes. “On voulait à tout prix rentrer et pendant quelques minutes, j’ai cru que ça allait le faire. On était tout près… Puis ils se sont à nouveau un peu éloignés et là, ça m’a mis un coup au moral”, ajoute l’athlète du Paris CO. Contrairement au duo tricolore, Antoine Aebi a, lui, réussi son coup. Le Suisse a relancé à 17 bornes de l’arrivée, dans une bosse, alors qu’il n’y avait qu’une dizaine de secondes d’écart entre le trio de tête et le peloton. Et il a pu revenir sur l’avant. “Je ne comptais pas forcément ressortir tout seul, ce n’était pas le plan. J’ai simplement vu que ce n’était pas bien organisé depuis deux tours et je me suis dit que c’était le moment de relancer. Je voulais emmener deux-trois mecs avec moi, ça aurait fait moins d’équipes pour possiblement rouler derrière”.

Si ce trio, devenu quatuor, est parvenu à tenir jusqu’au bout, c’est aussi et surtout parce que les baroudeurs semblaient en mission. Plus déterminés que jamais, malicieux et rigoureux, ils n’ont pas cherché à jouer au plus malin dans le final et se sont toujours focalisés sur l’essentiel. “Je préférais rouler à bloc jusqu’à la fin quitte à faire 4 plutôt que de me faire becter bêtement”, promet Théo Delacroix. “On s’est dit qu’on irait au bout quoi qu’il arrive. On y tenait absolument. Théo sait que je ne suis pas du genre à compter mes coups de pédales et ça valait aussi dans l’autre sens. On se faisait vraiment confiance”, appuie pour sa part le vainqueur, Emmanuel Morin. Même état d’esprit pour Antoine Aebi. “On a fait un superbe mouvement de course, ça aurait été dommage de tout saboter”. Ce joli numéro est salué par tous les battus. “Quand on s’est fait avaler, je pensais que ça se finirait au massif. J’ai été surpris qu’ils réussissent à tenir. Ils ont vraiment bien géré, ils savaient ce qu’ils faisaient”, synthétise Henri-François Renard Haquin. Et à son compagnon de contre-attaque, Victor Papon, de conclure : “bravo à eux, ils ont bien joué le coup et méritaient d’aller au bout”.

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Portrait de Antoine AEBI
Portrait de Théo DELACROIX
Portrait de Noah HOBBS
Portrait de Gari LAGNET
Portrait de Léandre LOZOUET
Portrait de Emmanuel MORIN
Portrait de Victor PAPON
Portrait de Henri-François RENARD-HAQUIN