Arkéa-Samsic, un nouvel Eldorado pour la jeunesse

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

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À 21 ans, Kévin Vauquelin va emmener l’équipe Arkéa-Samsic à partir de dimanche lors de Paris-Nice. Il le doit autant au départ précipité de Nairo Quintana en fin de saison dernière qu’à ses performances depuis son passage chez les professionnels il y a seulement un an. “Aujourd’hui, le cyclisme a vraiment changé. À très haut niveau, il devient très difficile d’être concurrent de coureurs comme (Tadej) Pogacar ou (Jonas) Vingegaard. Mais Kévin (Vauquelin) a toutes les qualités pour, estime au micro de DirectVelo le manager Emmanuel Hubert. C’est à lui de travailler, et nous avec pour l’accompagner. Il faut l’entourer de gens qui vont bien, que ce soit des équipiers, l’encadrement… Arkéa-Samsic n’a rien à envier aux autres formations du peloton”.

Ces dernières années, elle n’a pas eu besoin de biberonner longtemps sa jeune garde avant de les voir éclore au plus haut niveau. Outre Kévin Vauquelin, Thibault Guernalec, Alan Riou, Donavan Grondin et surtout Matis Louvel ont connu leur moment de gloire. Et les Louis Barré, Ewen Costiou et Mathis Le Berre sont bien partis pour suivre le même chemin. “C’est une autre philosophie qui nous va bien. On a été un petit peu contraints mais je pense que ça va dans le bon sens. On a cinq-six très bons jeunes qui peuvent jouer assez rapidement au niveau international”, estime l’un des directeurs sportifs, Roger Tréhin.

« ON A ENVIE DE LEUR FAIRE CONFIANCE »

L’équipe Arkéa-Samsic est devenue une référence dans le recrutement des jeunes coureurs. À part l’Estonien Mark Pajur, discret ces deux dernières années et redescendu cet hiver dans la Continentale Tartu2024, il n’y a pas eu de récente erreur de casting. À l’inverse d’AG2R Citroën, Groupama-FDJ ou TotalEnergies, la structure bretonne ne bénéficie pas de réserve officielle. Alors comment procéder pour attirer les jeunes dans ses filets face à une grosse concurrence ? “Il y a des gens comme des agents qui font le job et sans qui ce ne serait pas possible d’attirer et de détecter ces jeunes-là”, reconnaît Emmanuel Hubert, alors que Kévin Vauquelin et Matis Louvel, formés au VC Rouen 76, travaillent tous les deux avec Philippe Raimbaud. “Nous avons un réseau qui se construit depuis longtemps. Je viens du monde amateur”, rappelle le directeur sportif Yvon Caër qui suit de près les jeunes au côté de son collègue Arnaud Gérard. Bourg-en-Bresse Ain Cyclisme a ainsi eu l’oreille d’Yvon Caër quand elle lui a parlé cet hiver de sa recrue norvégienne Martin Tjotta, désormais accompagné par Arkéa-Samsic comme sept autres jeunes (voir ici la liste). La liberté de pouvoir piocher partout sans rien s’interdire a selon lui ses avantages. “On n’est marié avec personne, du coup on communique avec tout le milieu amateur et l’étranger. Par ailleurs, en Bretagne, on est bien installé. C’est une terre de vélo. Mathis Le Berre, Ewen Costiou, Pierre Thierry, c’est local”. 

Mais Yvon Caër le sait, ces dernières années son équipe a pu passer derrière les autres formations françaises du WorldTour. Les Bretons David Gaudu et Valentin Madouas ont ainsi préféré la FDJ à l’équipe phare de leur région. “Il y avait une logique de rang”. Pour séduire la relève, les meilleurs VRP d’Arkéa-Samsic sont les coureurs eux-mêmes. “On fait envie aux jeunes car ils voient qu’ils peuvent vite s’exprimer chez nous”, pense Yvon Caër. Des propos validés par Pierre Thierry, le meilleur Français de 19 ans chez les Amateurs en 2022. “Il n’y a pas longtemps, Kévin Vauquelin était encore amateur et maintenant, il gagne chez les pros. Ça montre que tout est possible, il faut y croire. Ils m’ont vendu le projet en parlant de ce qu’ils ont déjà fait, avec par exemple un coureur comme Thibault Guernalec. Ils disent que ça marche, et on voit avec les résultats que c’est le cas. On a envie de leur faire confiance”, assure le Morbihannais.

Il y a un an, il avait commencé la saison en étant accompagné par B&B Hôtels-KTM avant de passer chez le rival en cours d’année. “On ne me donne pas juste un vélo, il y a un vrai suivi. On peut parfois promettre des choses dans un projet mais là, on voit que ça fonctionne vraiment. Je suis tout le temps en contact avec les directeurs sportifs et mon entraîneur (Frédéric Ostian, NDLR) est de chez eux”. Même s'ils ne portent pas le même maillot, les néo-pros connaissent déjà bien la structure à leur arrivée. Arkéa-Samsic a ainsi déjà fait travailler Ewen Costiou pour combler ses lacunes dans les descentes ou chercher à développer les qualités de rouleur de Pierre Thierry, qui compte bien représenter cette saison l’équipe de France Espoirs sur les rendez-vous internationaux. “Quand ils arrivent, ils n’ont déjà plus les yeux qui pétillent”, apprécie Yvon Caër.

LE WORLDTOUR, UN RISQUE POUR LES JEUNES

Si les jeunes ont le vent en poupe chez Arkéa-Samsic, l’équipe sait qu’elle devra peut-être passer un jour par la création d’une réserve. D’autant plus avec la récente promotion en WorldTour. Les néo-pros Ewen Costiou et Mathis Le Berre ne pourront ainsi pas participer fin avril au Tour de Bretagne, là où leurs prédécesseurs ont pu profiter de l'intérêt de disputer une course de sept jours très remuante face à une adversité moins importante. “Est-ce que le fait de passer WorldTour va en sacrifier certains ? Le schéma va peut-être être amené à évoluer, reconnaît Yvon Caër. On avait avant des courses d’un niveau moindre, un calendrier moins agressif pour un jeune. Là, il faudra être costaud car ils vont se retrouver sur un Tour de Romandie ou un Tour de Suisse. Les jeunes que nous avons ont déjà le moteur mais pour la génération d’avant, celle des Guernalec et Riou, ça aurait pu être plus agressif pour eux. Ils ont pu bénéficier des avantages du statut Conti Pro. À nous de travailler là-dessus pour continuer ce qu’on a su faire”.

Même s’il salue le travail des clubs amateurs, pour le technicien breton, son équipe doit toujours faire de la formation au moment où un jeune coureur débarque. Aura-t-elle encore le temps de le faire avec le statut WorldTour ? “On doit les former notamment sur le rôle d’équipier. En Amateur, ils dominent tellement… Les bordures, ce sont eux qui les faisaient. Ils doivent intégrer plein de choses”. L’expérimenté Maxime Bouet l’observe, un athlète qui arrive d’un club amateur demande davantage de conseils. “Ils sont plus demandeurs avec des vieux comme moi. Il y a peut-être une différence là-dessus avec le coureur d’une Conti ou d’une équipe de développement. C'est un peu le cas de Kévin (Vauquelin). On est souvent ensemble pour parler. Au Luxembourg, j'étais avec lui l’an passé. Et je crois qu'il a confiance en moi, même quand il me pose des questions en dehors du vélo, j'essaye d'être de bon conseil”.

Pour Yvon Caër, avoir une réserve deviendra peut-être indispensable. “On verra au bout d’un an comment les jeunes se sont exprimés en étant directement dans le WorldTour. Je pense que ce sera plus dur de faire éclore des jeunes directement. On va peut-être devoir mettre plus de moyens dans la formation mais c’est un investissement qui vaut le coup. Manu (Emmanuel Hubert) en est convaincu. Mais il faut faire les choses step by step”. Comme la structure Arkéa-Samsic l’a toujours fait depuis son arrivée chez les professionnels en 2005.

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