Claudine Fangille a longtemps réfléchi, et hésité. Elle a pesé le pour et le contre et finalement, il y aura bien une Étoile de Bessèges de plus cette année. Celle-ci va s’élancer ce mercredi depuis Bellegarde pour ce qui sera donc la 51e édition de la première course par étapes de la saison. Mais cette Étoile de Bessèges ne ressemblera assurément à aucune autre. Son fondateur, celui qui a porté la course gardoise avec toute sa force et tout son cœur depuis 50 ans, Roland Fangille, s’en est allé en novembre dernier après avoir été touché par la Covid-19. Sa fille, Claudine, déjà omniprésente au sein du comité d’organisation par le passé, a pris la relève. Non sans hésiter à se lancer. “Cette Étoile, Papa ne voulait pas la faire. Il l’a répété pendant des semaines et des semaines. Même une fois à l’hôpital, il a continué de tenir le même discours. Pour lui, cette Étoile de Bessèges est d’abord synonyme de convivialité. Ce doit être une fête, un moment de partage avec les coureurs, les équipes, les bénévoles et les spectateurs. Cette année, il y aura une course, mais pas une fête”, regrette-t-elle auprès de DirectVelo à quelques heures du grand départ. “Il faudra se contenter du minimum, sans public, sans grandes tablées au soir des étapes. Et je sais que Papa ne voulait pas de ça”.

« POUR LUI, POUR NOUS ET POUR LE CYCLISME »

Pour autant, tous les bénévoles et proches de Roland, et de la famille Fangille, ont absolument tenu à repartir en 2021, histoire de lui rendre hommage. Et nul doute que l’exceptionnel plateau de coureurs réuni cette année, digne d’une course WorldTour, leur met du baume au cœur. “Cet immense soutien de tous les bénévoles et de nos partenaires nous a donné envie de continuer. C’est même devenu une évidence au fil des jours. Il faut que l'œuvre de Papa continue de vivre. Pour lui, pour nous et pour le cyclisme”.

L’émotion sera évidemment immense cette semaine, dans le Gard, tout au long d’un parcours que Roland Fangille a tracé lui-même. Avant de s’en aller. Une émotion partagée au sein de la caravane par ceux qui l’ont longtemps fréquenté, à l’image de Vincent Lavenu, présent sur la course dès le début des années 80. “Roland est un personnage que j’ai appris à connaître et à côtoyer depuis que j’ai créé l’équipe, en 1992, rappelle le manager d’AG2R Citroën. J’ai alors rencontré quelqu’un d’attachant. Je me souviens qu’il avait insisté, lors de notre première venue sur la course, pour m’inviter à un dîner organisé le samedi soir avec tout le comité d’organisation, une soirée dansante. J’en garde de très bons souvenirs, on avait passé un moment agréable. J’avais déjà un attachement pour son épreuve avant d’y venir en tant que directeur sportif puisque j’y avais aussi effectué mes premiers tours de roues en tant que néo-pro en 1983. Ce sont des images que j’ai encore en tête aujourd’hui”. 

« C'ÉTAIT UN GRAND MONSIEUR »

Même tristesse pour un autre manager, celui de la Groupama-FDJ, Marc Madiot : “je garde un bon souvenir de Roland. C’était quelqu’un d’enjoué et de souriant, qui avait une vraie passion pour le vélo, pour sa course et pour les coureurs. On sentait qu’il aimait tous les coureurs”, témoigne-t-il brièvement. Speaker historique de l’Étoile de Bessèges, présent tous les jours au podium protocolaire auprès de Roland Fangille, Daniel Mangeas aurait évidemment bon nombre d’anecdotes à raconter. Mais il préfère avant tout retenir et souligner “sa passion exceptionnelle du sport cycliste et de son épreuve. Je viens tous les ans sur cette course et au-delà d’y animer, j’y venais également saluer un ami. Ce que j’aimais chez lui, c’est qu’il avait autant de respect pour le modeste coureur qui allait terminer 90e que pour le vainqueur. Je me souviens d’un moment fort, en 1987, où l’on s’est retrouvé à quatre à table pour le repas d’honneur : Jacques Anquetil, Raymond Poulidor, Roland et moi-même. Il était heureux, comme un gamin ! C’était beau (...) Cette édition sans lui va nous faire bizarre… Il a réussi à faire grandir son épreuve tout en conservant le côté convivial, type fête locale, avec les bénévoles qui rencontrent les coureurs etc. Je suis heureux de savoir que sa fille et ceux qui prennent la relève sont évidemment dans le même état d’esprit”. Présent sur la course depuis maintenant 28 ans, Stéphane Javalet tenait lui aussi à rendre hommage au créateur de l’Étoile. “J’ai été profondément attristé par l’annonce de sa disparition. C’était un grand Monsieur. Je connais très bien l’attachement que Roland avait pour chaque équipe, y compris les plus modestes comme la nôtre. Il avait toujours un mot gentil pour nous”.

Même du côté de la Belgique, la disparition de Roland Fangille a beaucoup ému. Walter Planckaert connaît le Gard comme sa poche. Et pour cause : il y est venu pratiquement tous les ans depuis la création de l’épreuve. D’abord en tant que coureur - vainqueur d’étape à Aigues-Mortes en 1977 - puis en tant que directeur sportif de la formation Sport Vlaanderen-Baloise. “Cette course, pour nous, les Planckaert, c’est une grande histoire de famille. On y a gagné une quinzaine d’étapes alors tous les ans, lorsque j’y retournais et que je voyais Roland, je lui disais que ce n’était pas l’Étoile de Bessèges mais l’Étoile des Planckaert, rigole-t-il avec émotion. Roland était un grand Monsieur du vélo, une personne attachante, simple, avec les pieds sur terre”. Walter Planckaert tient d’ailleurs à souligner la fidélité de l’organisateur envers son équipe, toujours invitée au fil des éditions. Une fidélité et des valeurs qui sont restées l’essence même de la course cette année au moment de choisir le plateau des équipes (lire ici). “Il est resté fidèle à ses principes (...) J’aime beaucoup cette façon de faire qui le caractérisait si bien. C’était avant tout un passionné et quelqu’un de juste. Avec la disparition de Roland, j’ai perdu un grand ami, mais il restera toujours dans mon cœur”. Et dans le cœur de tous ceux qui ont permis à cette 51e édition d’exister.