Savoir se concentrer pour apprendre et progresser

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

La Fédération Française de Cyclisme a mis en place le programme #RoulezChezVous depuis le début du confinement (lire ici). Elle a également réalisé douze fiches de préparation mentale que vous retrouverez chaque jour sur DirectVelo. Premier rendez-vous : Savoir se concentrer pour apprendre et progresser.

1. La concentration/attention, de quoi parlons-nous ?

L’attention est une fonction du système de traitement de l’information qui permet de gérer une certaine quantité d’informations.
La concentration est la capacité à mobiliser l’ensemble des facultés psychiques pour atteindre un état mental optimal afin d’accomplir une tâche.
Attention et concentration sont deux fonctions différenciées mais cependant très liées. « On dit que l’on est concentré pour faire une action, alors que nous faisons attention à une information pour exécuter l’action. Et il convient d’être concentré⋅e pour orienter correctement son attention ».

2. Développer sa concentration/attention, pour quoi faire ?

La concentration est un savoir-faire essentiel à la réalisation d’une performance.

La capacité de concentration permet :

 - De mieux focaliser l’attention sur les informations pertinentes qui émanent de l’environnement et de soi-même.
 - De maintenir cette focalisation le temps nécessaire à l’action et donc de résister aux distractions.

3. Les incontournables à savoir lorsque je veux développer ma concentration
 L’attention est limitée et sélective : nous devons choisir les signaux les plus pertinents pour l’action en cours.
 L’attention est flexible et orientable. Elle a une direction : externe (orientée vers un objet extérieur), interne (orientée vers les pensées, les sensations) et possède un champ qui peut être large (grand nombre d’éléments) ou étroite (focalisée sur des objets précis et limités en quantité).
 L’attention est anticipatrice puisqu’elle met en relation des expériences passées avec les projets futurs.
 Concentration et attention : processus éphémères et dégradables. Elles consomment de l’énergie et leurs ressources sont limitées.
Pour développer ma concentration, il est possible d’agir sur le développement de la capacité attentionnelle, l’affinement de l’attention sélective, l’optimisation des changements de champs attentionnels et le développement de la puissance de concentration.

4. Comment développer la capacité attentionnelle et la puissance de concentration ?

C’est-à-dire, augmenter la quantité d’information externe ou interne que nous sommes capable de traiter pour réaliser correctement une action.
L’application « Decoder » créée par des scientifiques de l’université de Cambridge vous permettra d’améliorer vos capacités attentionnelles.
https://apps.apple.com/fr/app/peak-entraînement-cérébral/id806223188 
https://play.google.com/store/apps/details?id=com.brainbow.peak.app&hl=fr

5. Comment affiner l’attention sélective ?

Cela nécessite de faire le choix des signaux les plus pertinents pour l’action en cours.

 1. La première phase de votre travail pour affiner votre attention sélective sera de déterminer les éléments pertinents de l’environnement sur lesquels vous porterez votre attention. Pour cela, appuyez-vous sur les conseils de votre entraîneur(e), votre directeur/trice sportif/ve qui pourra vous apporter une vision extérieure à la vôtre. Vous pouvez également visionner les vidéos disponibles sur MyCoach vélo. Par exemple: repérer le sens et l’intensité du vent pour adapter sa position dans un peloton.
 2. La seconde phase sera de focaliser votre attention sur les éléments pertinents de l’action que vous aurez identifié. Par exemple, en course, à partir du parcours que vous aurez  repéré au préalable, se replacer dans la première partie du peloton avant un changement de direction qui mènera sur une partie exposée au vent ¾ dos.
 3. Vous pouvez commencer ce travail dans des conditions environnementales simples où vous n’avez pas beaucoup de distractions à gérer puis travailler dans des conditions où les perturbations sont de plus en plus nombreuses. Par exemple : s’appliquer sur la gestuelle du pédalage sur home trainer (bien orienter la force sur la pédale) avant de réaliser ce travail à l’entrainement en extérieur puis en course.

6. Comment optimiser les changements de champs attentionnels ?

Les champs attentionnels s’organisent, selon R.M Nideffert (1979) autour de deux paramètres indépendants :
- la direction de l’attention : externe (extérieur à soi) ou interne (ses pensées, sensations…),
- le champ de l’attention : large (grand nombre d’éléments) ou étroit (focalisé sur des objets précis et limités en quantité).

Pour être efficace dans l’action et pouvoir répondre à la demande, il est nécessaire de bien orienter son attention et d’être capable de changer rapidement ses champs attentionnels.

Cette capacité à changer rapidement de champs attentionnels se travaille. Voici quelques exemples :

Au cours d’une séance de home trainer :
 - Focalisez votre attention sur la bouteille située devant vous : quelle forme a-t-elle ? est-elle pleine ? (champ attentionnel : externe/étroit)
 - Puis le plus rapidement possible, focalisez votre attention sur les efforts que vous allez devoir produire sur l’ensemble de la séance : quelles vont être les sensations cardio-pulmonaires ? sensations musculaires ? comment va évoluer ma température corporelle… ? (Interne/large)
 - Puis, focalisez-vous sur l’environnement qui vous entoure, dans quelle pièce vous situez-vous ? qui/quoi se trouve dans cette pièce ? (Externe/large)
 - Focalisez-vous ensuite sur votre rythme respiratoire : quelle est sa fréquence ? son intensité ? (Interne/étroit)

Vous pouvez naviguer entre ces différents champs d’abord lentement puis de plus en plus rapidement et dans l’ordre que vous désirez.
Vous pouvez ensuite reproduire cet exercice dans un environnement plus « complexe » en tentant de varier la vitesse de changement des champs attentionnels.

7. Mise en place d’une routine de concentration

La routine permet d’élever son niveau de concentration à un moment donné d’une course.
- Elle est apprise et comprend des stratégies comportementales et cognitives utilisées intentionnellement par les sportif/ves pour faciliter leur performance (Cohn, 1990)
- Elle doit être personnalisée.

La routine est faite pour être réalisée avant un moment particulier (approche d’un sprint, passage technique, un départ, etc.)

1) Récupération (surtout après un effort intense, inutile avant un départ)
2) Relâchement : en soufflant, ou si le temps est suffisant, en utilisant une technique de respiration ventrale ; en se décontractant (le dos par exemple)
3) Analyse : « quelle est la situation ? », « je domine », « je suis mal placé-e », « pourquoi ? » ou analyse technico-tactique : de l’endroit du parcours, position de mes adversaires, sens du vent
4) Décision : c’est la conséquence de la phase « analyse ». Il s’agit d’avoir un plan, une idée. Cette « décision » est unique, il ne peut y avoir qu’un élément sur lequel le sportif/ve va se concentrer. Toutefois, elle peut concerner différents éléments. Par exemple, ce peut être une action précise (ex : bunny-up), un schéma tactique (ex : attaque), un repère lié à l’exécution (ex : placement, allure, mobilité́, « devant »), un état d’esprit (ex : serein, combatif, etc.), etc. Mais il ne doit y avoir qu’une idée en tête au moment de la reprise de l’action. Il faut voir l’exercice comme l’enchainement de différents focus attentionnels et bien avoir prévu comment passer de l’un à l’autre, pour ne pas être en avance ou en retard. L’important est d’être strictement « dans le présent » au moment de l’action et non dans le passé ou dans le futur, même proches.
5) Ré-activation (facultatif, en fonction de la situation et des habitudes du/de la sportif/ve) : si besoin pour aider l’athlète à se « remettre dedans », se taper les cuisses, effectuer quelques expirations brefs et intenses, etc.
6) Imagerie (si besoin et possibilité́) : une fois la décision prise, il est possible d’effectuer une ou deux visualisations, selon la technique choisie par le/la sportif/ve. A condition, bien évidemment, que l’athlète soit familier de cette technique.
7) Discours interne (facultatif, en fonction de la situation et des habitudes du/de la sportif/ve). Le/la sportif/ve se parle à lui-même de ce qui est important pour lui à ce moment là. Cette phase peut aussi avoir lieu avant la phase imagerie.
8) Mot-clé : il s’agit là de résumer en un seul mot (ou une expression) la « décision » et de l’avoir en tête juste au moment où le match reprend. Ce mot clé doit être concret et correspondre à quelque chose de familier pour le/la sportif/ve. Par exemple, « gagner » n’est pas un bon mot-clé́, car il est trop abstrait, il ne dit pas comment faire. Des mots clé comme « mobile », « fréquence », « devant », etc. sont plus appropriés. Le mot clé a une signification claire et univoque pour l’athlète, c’est « son » mot. Il est quasi indispensable que ce soit l’athlète qui le propose lors de la mise en place de la routine.

Fiche réalisée par Virginie Nicaise (Maitre de conférence à l'Université de Lyon et référente FFC préparation mentale) et Emilian Broé (CTS de Bourgogne-Franche-Comté et cadre technique référent en Préparation mentale).

Plus d'informations à retrouver sur roulezchezvous.ffc.fr.

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