La Grande Interview : Raphaël Da Costa

Crédit photo Nicolas Gachet - DirectVelo

Crédit photo Nicolas Gachet - DirectVelo

Il y a un an, Raphaël Da Costa s’apprêtait à découvrir le peloton amateur plein d’envie. Vainqueur d’étape à l’Ain Bugey Valromey Tour, 7e du Tour du Nord Est d'Italie puis 3e du Tour du Morbihan (Coupe de France), il avait été l’un des hommes forts de la seconde partie de la saison Juniors. Ses performances lui avaient même permis de disputer le Championnat du Monde d’Innsbruck (Autriche). Mais tout s’est arrêté en janvier dernier, avant même de disputer sa première course chez les “grands”. Des douleurs au niveau du nerf sciatique l’empêchent encore aujourd’hui de remonter sur un vélo. “Pour moi, c’est fini”, annonce le désormais ancien coureur du Team Matériel-Vélo-VC Vaulx-en-Velin.

DirectVelo : Pourquoi n’as-tu pas disputé la moindre course en 2019 ?
Raphaël Da Costa : Je me suis blessé fin janvier. Je n’ai pas refait de vélo depuis onze mois. Et, excepté quelques cyclo-cross, je n’ai pas disputé de course depuis le Championnat du Monde d’Innsbruck, Aujourd’hui, ça commence à s’apaiser. Il y a des hauts et des bas.

De quelle blessure souffres-tu exactement ?
J’ai passé une quinzaine d’examens : des IRM, des scanners… Je suis même interdit de scanners pendant un petit moment car j’en avais trop fait. Je ne dois plus “prendre” de rayons. Aucun examen ne m’a permis de savoir exactement ce que j’ai. Après déduction, on a fini par me dire que j’avais le syndrome des loges, c’est-à-dire le gonflement d'un muscle trop sollicité. Cela entraîne une grosse douleur. Mais les symptômes ne correspondaient pas du tout. Il est en revanche possible que mon nerf sciatique soit abîmé suite à au syndrome du piriforme que j’ai eu en début d’année (lire ici). Le nerf a peut-être été trop comprimé. Je ne sais pas en réalité. J’ai aujourd’hui une “sensation” dans la jambe. Parfois ça va mieux, et à d’autres moments, après plusieurs footings par exemple, je dois m’arrêter trois semaines si je veux refaire une activité physique sans que ce soit un calvaire.

Penses-tu reprendre un jour la compétition ?
Non, le vélo c’est fini pour moi. Je n’ai pas fait de vélo pendant un an alors que j’arrivais à peine chez les Espoirs. Finalement, je me suis arrêté à la fin de mon année de J2. Je n’ai même pas la caisse d’un coureur qui aurait passé trois ans chez les Amateurs, et qui reprendrait après une pause.

« AU FOND DE MOI, J’AI TOUJOURS EU UN PETIT ESPOIR »

Comment vis-tu cette situation ?
Heureusement, je n’ai pas arrêté les études à la fin de mes années Juniors. Grâce à cela, je ne me suis pas cassé la gueule au niveau mental. La vie continue…

Mais on imagine que tu es passé par des moments difficiles…
Beaucoup de personnes me demandent ce que ça fait de vivre cette situation. En réalité, je ne peux pas répondre à cette question. J’en ai discuté avec mon entraîneur. Au fond de moi, j’ai toujours eu un petit espoir de reprendre la compétition. Je me suis dit que j’allais revenir dans un ou deux mois… Ça m’a permis de rester motivé.

Puis tu as dû te rendre à l’évidence...
Quand j’ai compris que c’était terminé, j’y étais peut-être préparé car je ne roulais plus depuis plusieurs mois. Mon corps s’est habitué à cette vie-là. Mais honnêtement, je ne pensais qu’à ça. Je me demande comment j’ai fait pour me concentrer sur les études mais j’ai tout de même réussi à valider ma première année de BTS.

Quand as-tu compris que c’était vraiment fini ?
À la fin de l’été, début septembre environ. La saison de cyclo-cross allait débuter et j’ai compris qu’elle allait partir sans moi. Ma situation ne s'améliorait pas. Le médecin m’a dit que ça pouvait aller mieux dans deux mois comme dans cinq ou dix ans. Je ne voulais pas vivre pour le vélo, laisser des choses en suspens en espérant que ça passe un jour. Je pense surtout que je vais traîner ça très longtemps.

Il est impossible de te soigner ?
C’est compliqué quand le nerf est touché. Ils ne savent pas ce que j’ai exactement, donc ils ne peuvent rien me donner comme “traitement” et il n’y a aucune opération possible. Ce qui est bizarre, c’est d’avoir un tel handicap à 19 ans.

« JE NE LE SAURAI JAMAIS »

Qu’est-ce qui est le plus frustrant ?
Ce qui me fait le plus chier, c’est que je ne saurai jamais ce que j’aurais pu faire dans le vélo. J’ai disputé le Championnat du Monde Juniors. Est-ce que ça m’aurait souri ensuite ? Je ne le saurai jamais. Ça restera un vrai regret.

Le vis-tu comme une injustice ?
Oui, forcément. Je me pose beaucoup de questions : Pourquoi ça tombe sur moi ? Pourquoi ça arrive après une si belle année ? Pourquoi à ce moment-là ? Est-ce que c’est de ma faute ? Je ne sais même pas la cause. Est-ce lié à la musculation pendant l’hiver ? Je n’avais vraiment pas forcé au niveau des charges de travail. J’avais un coach, tout était bien réglé. Est-ce lié à l’entraînement ? C’est impossible. J’ai eu le même entraîneur pendant dix ans ! Je ne sais pas si c’est de ma faute…

Arrives-tu à suivre l'actualité cycliste malgré tout ?
J’ai souvent dit à mes potes hors-vélo que je n’aimais pas pédaler. Moi, ce qui m’animait, c’était la compétition. J’aimais me battre contre des adversaires. La semaine, je roulais pour le dimanche. Je ne prenais pas de plaisir à rouler quatre heures sous la pluie. J’ai toujours préféré regarder un bon match de foot que le Tour de France. Pour répondre à la question, au début, j’ai totalement arrêté de suivre l’actualité. Je ne voulais surtout pas me demander où j’aurais pu terminer si j’avais été au départ d’une course. C’est peut-être égoïste. Je m’y remets seulement avec la saison de cyclo-cross. Mais de la saison sur route, j’ai juste regardé ce qu’on fait mes amis très proches, comme Aloïs (Charrin), Loris (Coss) et quelques gars du VC Vaulx-en-Velin.

À quoi ressemble ton quotidien aujourd’hui ?
Je suis dans ma seconde année de BTS Négociation et Digitalisation de la Relation Client. Je suis actuellement en stage dans une banque. Je pense donc partir l’an prochain sur une Licence en Banque, à Lyon.

« EN JUNIORS, NOUS SOMMES NAÏFS »

Ton exemple tend à prouver qu’il faut poursuivre ses études…
Il ne faut pas arrêter ses études ! J’essaie de le dire un maximum autour de moi. J’ai fini ma saison 2018 en apothéose. J’imaginais alors que ça allait bien marcher pour moi dans le vélo. À la fin des années Juniors, on a des rêves plein la tête. Nous sommes naïfs à cet âge-là. J’en vois autour de moi qui ne font rien d’autre que du vélo et ce n’est pas dit que ça marchera pour eux.

Aurais-tu pu arrêter les études l’an passé ?
C’était une hypothèse. Moi, je l’ai envisagé mais mes parents ne voulaient vraiment pas ! Ils souhaitaient que je sois occupé en dehors du vélo. Il faut garder au moins un orteil dans les études. Ça évite de rester dans son lit à regarder le plafond si tu te casses la gueule dans ton sport. C’est ce qui m’a sauvé… Je me suis retrouvé à l’usine une fois que j’avais validé ma première année de BTS. Et là tu te rends vite compte que tu n’es pas en train de parler à tes potes dans le peloton.

C’est la “vraie” vie…
Je trouve que le vélo infantilise beaucoup. Nous sommes dans une bulle. Tu es assisté, tu ne fais plus rien tout seul. Il y a les parents, le club, le mécano… Tu ne te rends pas compte de ce qui peut se passer si le vélo s’arrête. Tu peux vite te retrouver dans la merde. Comme je le disais, tu es vachement naïf. Je m’en suis rendu compte une fois que j’ai arrêté. Il faut dire que j’ai eu le temps de réfléchir.

Ton téléphone doit moins sonner...
Le cercle s’est évidemment réduit. C’est “normal”. J’ai été déçu par deux ou trois personnes. Je les pensais très proches mais finalement, ce n’était pas le cas. Certains n’ont jamais pris de mes nouvelles. Je ne vais pas dire de noms (sourires). Mais j’ai toujours des amis dans le vélo. Ils sont quatre ou cinq. Eux sont restés. Pour tout dire, j’ai plus été déçu par des adultes. Mais d’un côté, c’est normal. On oublie vite. La société est comme ça.

Repenses-tu parfois à ta fin de saison 2018 ?
Oui, j’y pense parce que ça reste des moments agréables. Le vélo m’a apporté quand même beaucoup de choses. Ce sport m’a ouvert beaucoup de portes. J’ai vécu de bons moments.



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