On a retrouvé : Vivien Brisse

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Au retour d'une sortie d'entraînement, Vivien Brisse a appris sa non-sélection pour les Championnats du Monde sur piste 2015. En une fraction de seconde, stupéfait et abattu, le Stéphanois, Champion du Monde de l'Américaine en 2013, a décidé de tout plaquer et de mettre un terme à sa carrière (voir ici). Le pistard n'est jamais revenu sur sa décision et le vélo est resté pendu au clou. Cet ancien amoureux de la piste, une discipline "ludique où il se passe toujours quelque chose", dit aujourd'hui ne pas regretter son choix. À 30 ans, il explique avoir tourné la page et ne garder en tête que les bons souvenirs et son maillot arc-en-ciel. Loin des vélodromes, l'ancien sociétaire du CR4C Roanne fait le point sur sa nouvelle vie auprès de DirectVelo

DirectVelo : Avec le recul, estimes-tu que tu as souffert d'un manque de reconnaissance à l'égard de ta carrière et de ton parcours suite à cette non-sélection pour les mondiaux sur piste 2015 ?
Vivien Brisse : C'est vraiment le gros point noir de ma carrière et c'est ce qui m'a fait arrêter. J'avais laissé tomber les Six Jours en janvier pour me préparer à fond pour le mondial. On m'avait dit que j'avais les critères de sélection. Dans ce cas, c'était normal de ne pas faire de Six Jours, c'était le deal pour performer. Le tournant de mon hiver a été la manche de Coupe du Monde disputée au Mexique où j'ai couru l'Omnium pour rendre service à la sélection alors que je voulais me reposer. On m'a demandé d'y aller. Je n'avais pas l'intention de le faire, mais j'y suis allé. J'ai pris une belle gamelle et ils ont jugé mon état de forme à partir d'une discipline différente de ma spécialité, l’Américaine. Ils ne m'ont pas sélectionné pour cette raison. J'ai trouvé ça brutal. Ils auraient dû m'en parler. Ils auraient pu m'aligner sur une autre discipline, sans m'exclure de l'Équipe de France. En plus, les Championnats du Monde, c'était chez nous, en France...

Comment se sont déroulées les semaines qui ont suivi la fin de ta carrière ?
Sur le coup, ça a été vraiment dur. Je ne m'y attendais pas du tout. C'était comme un coup de massue. Après, je me suis vite rendu compte qu'il fallait tourner la page et rapidement rebondir. On m'a proposé de partir en vacances pendant un mois, mais j'ai refusé car les problèmes auraient été toujours les mêmes en rentrant. Arrêter la compétition était un choix par défaut, mais je ne me voyais pas continuer dans cet état d'esprit.

Comment as-tu rebondi ?
Je suis fan de l'Association Sportive de Saint Étienne et grâce à mon titre mondial et à mon ami Thomas Boudat qui a contacté le club, j'ai pu donner le coup d'envoi d'ASSE-OGC Nice, en 2013. Après ça, j'ai gardé contact avec Roland Romeyer, sa fille et le préparateur physique de l'ASSE. Grâce à mon titre, certaines personnes m'ont fait confiance et m'ont aidé, notamment un courtier en protection sociale que j'ai rencontré et qui m'a proposé de m'aider à me lancer. Je me suis dit : « Feu ! On part dans la vraie vie et on efface le reste ». J'ai eu la chance de faire de bonnes rencontres.

« JE NE RETIENS QUE LES BONS MOMENTS »

Tu t'es donc lancé dans ce milieu ?
Oui ! Maintenant, je suis courtier indépendant dans le conseil et la protection sociale de dirigeants d'entreprise. Je gère des mutuelles et je m'occupe de prévoyance. Je travaille avec des experts-comptables qui identifient les manques dans les entreprises et je leur apporte ce qu'il faut. C'est un milieu où je me sens bien. Comme Saint-Étienne est une ville qui respire le foot, au stade, je rencontre beaucoup de clients et de gens avec qui je travaille. C'est une petite ville où les gens sont solidaires.

Tu n'as jamais envisagé de revenir à la compétition ?
Le fait de ne pas avoir été sélectionné m'a tellement dégouté que je n'ai jamais voulu reprendre. Avant de raccrocher, j'avais pourtant l'envie de passer des diplômes pour devenir un jour entraîneur national. Mais ça m'a tellement remué intérieurement que j'ai compris que je ne voulais pas continuer dans cet univers. Aujourd'hui, je donne tout pour ma société. En fait, je retransmets mon esprit de compétition dedans.

Et aujourd'hui, as-tu tourné la page de cette non-sélection ?
Aujourd'hui, je ne retiens plus que les bons moments et surtout mon titre mondial. Il fallait vraiment rebondir pendant que j'étais encore connu dans la région. Je ne voulais plus continuer à faire du vélo juste pour continuer. Pendant ce temps, je serais passé à côté de certaines opportunités professionnelles. Quand je regarde une course sur piste, je suis toujours fier d’être français et j'ai envie que les mecs réussissent à briller.

« JE PROFITE DE CE DONT JE N'AI PAS PU PROFITER »

As-tu suivi les Championnats du Monde sur piste le mois dernier ?
J'ai davantage suivi les résultats que les courses vu que c'était souvent l'après-midi pendant le travail. J'ai surtout suivi via les réseaux sociaux. J'ai vu le titre de Quentin Lafargue. C'est super pour lui car il courrait après depuis longtemps.

La piste a-t-elle évolué depuis ton arrêt ?
Je suis surtout impressionné par les progrès réalisés en poursuite par équipes. L'Équipe de France s'est beaucoup améliorée. Passer en dessous des 3'56'' (le record de France de poursuite par équipes est de 3’55’’531’’’, NDLR), c'est une performance impressionnante.

Tu disais que tu allais regretter ton corps affûté en quittant le monde du vélo (voir ici)...
(Rires) Je garde le poids d'une personne normale, mais comme je travaille toute la semaine, je fais moins de sport, et je ne peux pas être affûté comme avant. J'aime également profiter de la vie, des bonnes tables, et des bons vins. Je profite de ce dont je n'ai pas pu profiter pendant ma carrière, même si je garde une hygiène de vie sportive. Malheureusement, je n'ai plus les veines qui ressortent et j'ai du poil aux jambes.

« UN MILIEU DE PARAÎTRE »

Prends-tu encore le temps de faire du sport ?
J'ai une licence de foot désormais. Je joue au ballon pour l'esprit d’équipe, et l’ambiance du vestiaire très conviviale. C'était une découverte pour moi. Je cours également un peu. Je fais aussi du VTT et du golf. Mais il faut trouver du temps pour tout ça (sourire).

Les gens se souviennent-ils de toi en tant que Champion du Monde ?
Je me suis toujours dit que le jour où je sortirais du haut niveau, j'allais très vite retomber dans l'anonymat. Après ma carrière, mon cercle d'amis proches et de connaissances s'est réduit à vitesse grand V. Je m'y attendais. Aujourd'hui, j'ai très peu de contacts avec le monde du vélo même si avant, je connaissais beaucoup de monde. Il ne me reste que des contacts avec cinq ou six personnes du monde du vélo, mais ce sont de vrais amis.

Comment l'expliques-tu ?
C'est un milieu de paraître où la notoriété attire. Mais c’est le monde actuel qui est comme ça. Aujourd'hui, une personne peut être le meilleur chef d'entreprise possible, s'il tombe malade, quelques années après, il retombe totalement dans l'anonymat. Les gens sont attirés par ce qui marche bien. Mais je ne le prends pas mal, le vélo reste une belle école de la vie.

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