La Grande Interview : Maxime Cam

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Maxime Cam est passé par toutes les émotions ces derniers jours, à l'occasion du Tour de Bretagne (2.2). Privé de l'épreuve bretonne l'an passé lorsqu'il était encore coureur professionnel chez Fortuneo-Vital Concept, le désormais pensionnaire des Côtes d'Armor-Marie Morin avait coché d'une croix rouge cet évènement sur son calendrier 2017. A 24 ans, le Finistérien de Landivisiau n'est pas passé loin du Graal. Après avoir pris possession du maillot blanc de leader lors de la cinquième journée, il ne l'a finalement abandonné qu'au dernier jour de compétition, dans des conditions climatiques extrêmement difficiles et sur un circuit exigeant. Sans vraiment de regrets, Maxime Cam veut simplement retenir les bons moments à batailler face aux pros, main dans la main avec son frère Florian. "Je ressens des choses différentes quand on court tous les deux. C'est un peu bizarre : Il m'arrive souvent de me retourner, de le chercher...". Des moments de partage que le Breton n'oubliera jamais. Et c'est sans doute bien là l'essentiel : Maxime Cam n'a pas gagné, mais il s'est beaucoup amusé. 

DirectVelo : Comment as-tu vécu les journées qui ont suivi le dénouement du Tour de Bretagne ?
Maxime Cam : J'ai surtout bien soufflé. C'était une course très éprouvante, plus encore en ayant joué le classement général jusqu'au bout. D'un autre côté, le fait d'être concerné par le général m'a permis de me mettre une bonne pression pendant plusieurs jours, et de rester bien concentré sur la course. Je suis allé puiser dans mes réserves et mes ressources, comme rarement. Les courses comme celle-là, il n'y en a pas beaucoup dans le calendrier. D'ailleurs, je n'avais pas disputé la moindre course d'une semaine l'an dernier par exemple. Alors, quand en plus, on y joue le général, il faut forcément le temps de digérer dans les jours qui suivent.

Tu as sûrement repensé à cette fameuse dernière étape, où tu as perdu ton maillot de leader...
Bien sûr ! J'ai fait le point sur ce qui n'avait pas été ce jour-là, mais pas seulement. J'ai aussi repensé aux autres étapes, à celles que j'ai eu l'occasion de passer en tête de course, avec les costauds. Avec le recul, je me dis surtout qu'il aurait été bien pour moi qu'il ne pleuve pas sur la dernière étape. Je ne suis vraiment pas très fan de cette météo-là, avec des conditions extrêmes. Cela a clairement favorisé des écarts encore plus importants. Mais il ne faut pas chercher la petite bête. Flavien (Dassonville) était très fort et d'autres coureurs aussi. Je pense à Stan Dewulf ou encore plus à Elie Gesbert, qui, sans sa fringale le deuxième jour, n'aurait pas été loin de la victoire finale. Il peut avoir des regrets alors que de mon côté, je me dis que je suis à ma place. 

« AVEC DES SI, ON POURRAIT CHANGER BEAUCOUP DE CHOSES » 

Mais est-il possible de ne pas avoir de regrets lorsque l'on a été à 30 kilomètres de remporter le Tour de Bretagne ?

Je n'ai pas fait une mauvaise course, j'aurais signé pour cette cinquième place avant le départ. Ça s'est joué à la pédale sur la dernière journée. Alors oui, je suis tombé sur le circuit final de cette 7e étape. Mais en réalité, ça ne m'a fait perdre que deux-trois secondes. Ça n'a pas changé grand-chose. Elie Gesbert aussi est tombé. Avec des si, on pourrait changer beaucoup de choses. Je ne considère pas avoir été malchanceux. Au contraire, je trouve que j'ai même plutôt été en réussite sur l'ensemble de la semaine.

Dimanche soir, avant la dernière étape, tu faisais preuve de prudence malgré le matelas de 1'09" dont tu disposais sur ton dauphin au général : Au fond de toi, pensais-tu avoir fait le plus dur ou étais-tu réellement inquiet quant à l'issue de l'épreuve ?
Je n'osais pas trop parler d'une éventualité de gagner car j'avais souffert sur l'étape du dimanche. J'avais eu un gros coup de moins bien après le passage du Mur de Bretagne. Il y a vraiment eu un moment où je me suis dit : "Ce n'est pas bon du tout". J'avais pu me refaire la cerise sur le circuit final et il n'y a pas grand monde qui a attaqué parmi les favoris. Je pense que tout le monde était bien usé et ça m'a bien aidé. Mais le soir de cette avant-dernière étape, je n'étais vraiment pas serein et je savais que ce n'était pas gagné du tout malgré ma petite marge au général qui me permettait de ne pas finir forcément avec les premiers. 

Le scénario semblait encore idéal en début de course sur cette dernière étape, lorsque tu faisais partie d'un groupe de tête conséquent...
Il fallait être fort pour se retrouver devant. On avait même réussi à laisser Flavien Dassonville derrière. Mon erreur a sans doute été de trop en faire dans cette première partie de course. J'ai passé pas mal de relais. Dans le feu de l'action, je n'ai pas calculé mes efforts. 

« JE N'AVAIS PAS LE DROIT DE BAISSER LES BRAS »

Jusqu'à exploser en fin de course ?

J'ai déjà pris un coup derrière la tête quand le groupe Dassonville est rentré. Physiquement, j'ai senti une première baisse physique sur les GPM de la partie en ligne. Je subissais un peu. Puis j'ai craqué sur le circuit final, et je suis tombé. A ce moment-là, c'était très dur mentalement. J'ai failli lâcher. Il restait encore 30 bornes et ça ne passait pas vite... Mais je me suis dit qu'avec tout le boulot qu'avaient réalisé les copains durant la semaine, je n'avais pas le droit de baisser les bras.


Tu as aussi vu les favoris revenir et filer les uns après les autres ?

Les mecs de Joker qui étaient dans le peloton sont rentrés sur moi puis m'ont lâché presque aussitôt. Mentalement, ça faisait mal. J'ai regretté de ne pas avoir un peu mieux géré mon effort car au final, ils sont rentrés sur l'avant de la course. Peut-être que j'aurais pu prendre les roues. J'ai sans doute été trop ambitieux. Sur la chute, c'est la même chose : Je voulais rentrer le plus vite possible pour ne pas me retrouver à rouler vent de face et j'ai glissé dans un virage. Je n'ai peut-être pas fait les bons choix. 

Tu t'es senti seul, dans ce final ?
Mon frangin est tombé un tour avant moi, dans le même virage. Fabien (Schmidt) a dû s'arrêter aussi. J'ai perdu les deux coup sur coup. J'ai eu le soutien de coureurs d'autres équipes comme Yann Guyot ou Camille Guérin qui m’encourageaient. Mais c'est sûr que j'étais quand même livré à moi-même.

« DE GRANDS MOMENTS DE PARTAGE »

Faire un résultat sur le Tour de Bretagne, c'est un joli clin d’œil alors que tu n'y avais pas été sélectionné l'an passé avec la Fortunéo-Vital Concept...

J'avais participé à l'édition 2015 avec Bretagne Séché. Ça n'avait pas été trop mal par rapport à 2014 où là, j'avais vraiment galéré avec la sélection de Bretagne. La semaine avait été très dure. Et l'an passé, c'est vrai que je m'étais préparé spécifiquement pour cette course. J'avais plutôt bien marché en début de saison, notamment à Bessèges (15e du général, NDLR) et j'avais eu besoin de souffler au mois de mars avant de me préparer pour le Tour de Bretagne. Mais les dirigeants pensaient que je n'étais pas en forme et que je n'étais pas à la hauteur. J'ai appris ma non-sélection quelques jours avant la course alors que j'étais prêt à en découdre. C'était une grande déception alors j'étais d'autant plus heureux d'y performer cette année. 

Ce Tour de Bretagne 2017 aura aussi été l'occasion de partager de grands moments avec ton frère ?
C'est vrai que c'est la première année où l'on peut vraiment partager ces moments-là ensemble, en course. Jusqu'à maintenant, nous n'avions pas trop eu l'occasion de courir ensemble, du moins aux avant-postes. Là, on a pu s'échapper ensemble et il m'a aidé à prendre le maillot de leader sur la 5e étape. Il était aussi content que moi à l'arrivée. On aura vécu de grands moments de partage durant toute cette semaine. J'espère que ça se reproduira. 

Jusqu'à cette saison, vous n'aviez jamais vraiment eu l'occasion de courir ensemble...
Et du coup c'est très particulier ! Je ressens des choses différentes quand on court tous les deux. C'est assez difficile à expliquer. Je me rappelle de la première course cette année au Circuit des Plages Vendéennes... C'est un peu bizarre : Il m'arrive souvent de me retourner, de le chercher. Je veux voir où il est pour discuter avec lui et avoir son avis sur la situation de la course. 

« JE PENSE QUE FLORIAN EST PLUS FORT QUE MOI »

Tu as un vrai rôle de grand-frère avec Florian ?

J'essaie de le conseiller sur certaines choses bien sûr, avec l'expérience que je pense avoir aujourd'hui grâce à tout ce que j'ai pu vivre dans le milieu du vélo. Que ce soit technique ou tactique, ça peut aider. Pour le reste, mon frangin est un grand garçon et il s'est toujours bien débrouillé. Il a dû gagner cinq ou six fois le Championnat de Bretagne chez les jeunes alors que moi, jamais. Il n'a pas toujours eu de la chance avec des blessures mais je pense qu'il est plus fort que moi. Quand je vois ce qu'il a fait sur le Tour de Bretagne, en comparaison avec ce que j'y avais fait, moi, en 2014... Il m'impressionne. Je savais qu'il était fort mais là, il a encore progressé.     


Vous vous ressemblez sur le vélo et semblez avoir globalement les mêmes qualités...

On est plus ou moins les mêmes oui. On est des frères quoi ! (rires). Mais cela dit, encore une fois, je pense sincèrement que le frangin sera plus fort que moi. Il a encore une marge de progression et il pourra peut-être aussi s'appuyer sur ce que j'ai fait ces dernières années. C'est un très bon coureur. 

On dit de toi que tu marches énormément au mental, peut-être plus encore que d'autres...
Disons que quand j'ai vraiment quelque chose en tête ou que j'ai un objectif précis, je suis motivé à 200% dessus. J'aime bien que les choses soient claires. Si on m'annonce un programme de course au dernier moment, je ne vais pas être dedans car je n'aurai pas eu le temps de m'y préparer. C'est quelque chose qui m'énerve car je sais que je ne suis pas dedans, sans même le vouloir. Avec moi, il faut que les choses soient carrées. 

« LE SENTIMENT DE BOUCHER LES TROUS »

Pour ne rien laisser au hasard ?

Pour se préparer convenablement, tout simplement. On ne va pas préparer une course en quelques jours. Chaque épreuve a ses spécificités. Il faut les travailler. C'est vrai pour une course mais aussi à l'échelle d'une saison. Je préfère connaitre à l'avance les périodes où je vais beaucoup enchaîner et les périodes où je vais pouvoir souffler. 

Et ça n'a pas toujours été le cas ?
Non, pas chez Fortuneo. Je pensais que tout allait être bien cadré chez les pros mais en fait, il m'arrivait d'être prévenu quasi au dernier moment pour certaines courses. Quand ça allait bien en début de saison en 2016, il y a eu un moment où j'aurais bien aimé lever le pied. Mais ça n'a pas été le cas et j'ai commencé à m’essouffler pendant le week-end Drôme-Ardèche. Derrière, je n'ai donc pas fait le Tour de Bretagne puis j'ai subi le calendrier le reste de l'année. J'avais le sentiment de boucher des trous, on me mettait là où il y avait de la place. Entre fin mai et fin juillet, je n'ai disputé que le Championnat de France. En pleine saison, pff... Ce n'est pas le mieux ! 

Tu n'as jamais eu le sentiment de pouvoir t'exprimer chez les pros ?
J'ai eu l'impression d'être en entreprise, comme s'il fallait rendre des comptes sans arrêt. Si tu es équipier, tu as la possibilité de t'exprimer quand même, peut-être deux ou trois fois dans la saison, mais si la semaine d'avant tu as roulé comme un bourrin à l'entraînement parce que tu n'étais pas censé courir le dimanche, tu arrives cramé sur la course. Je trouve ça dommage. 


Tu sembles être relativement discret voire effacé, une fois descendu de ta bicyclette...

Je n'aime pas du tout me mettre en avant et être au premier plan. Je préfère écouter ce que les gens disent. Je suis comme ça depuis tout gamin. C'est quelque chose de naturel chez moi. C'est de famille, mes parents sont aussi comme ça, même si mon frangin l'est un peu moins.

« JE PEUX M'AMUSER TOUS LES WEEK-ENDS AVEC LES COPAINS »

N'est-ce pas un problème pour s'imposer dans le cyclisme professionnel que beaucoup présentent comme "un monde de requins" ?

Quand je suis arrivé chez les pros, je me suis dit qu'il fallait que je dise "oui" à tout. Je pensais que c'était la meilleure solution pour que l'on reconduise mon contrat. Maintenant, si j'avais la possibilité de repasser pro, je dirais peut-être plus souvent non. 

Pour quoi, par exemple ?
Le calendrier, justement. Peut-être qu'après tout, il faut savoir refuser d'aller sur certaines courses si on ne se sent pas en condition ou légitime. Il faut être capable de faire des impasses, pour progresser. C'est important d'avoir des cycles dans une saison. Je me connais et je sais mieux que quiconque si je suis apte à courir ou non, et lorsque j'ai besoin de temps de repos.

Tu as toujours l'envie et l'espoir de retrouver le monde professionnel ?
Je ne dirais pas oui à n'importe quel prix et ce n'est pas un objectif plus que ça mais si on me propose quelque chose, je réfléchirai, bien sûr. Pour le moment, je suis bien aux Côtes d'Armor-Marie Morin et je prends beaucoup de plaisir ici. Ça me convient, ce n'est que du bonheur. Je peux m'amuser tous les week-ends avec les copains. On se fait mal à la gueule et surtout, on essaie de faire mal à la gueule des autres (rires). On est une belle bande de copains, on réussit bien tous ensemble, on a des résultats.  

Tu fais le vélo que tu aimes ?
C'est ça ! Il y a de la course, ça bagarre tout le temps. J'aime les courses quand c'est dur tout le temps et qu'il n'y a pas des longs arrêts pipi où rien ne se passe. Ça m'avait manqué durant mes deux ans chez les pros, notamment sur les courses en Belgique où tu savais d'avance qu'on allait avoir un sprint. Il faut que ça bouge. Et le Tour de Bretagne en aura été un superbe exemple. 

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Maxime CAM