La Grande Interview : Ewen Fernandez

Des Jeux Olympiques d'hiver au peloton cycliste, il n'y a qu'un pas. Bien entendu, un pas du patineur ! Ewen Fernandez, 25 ans, a disputé sa première épreuve sur deux roues le week-end passé, un mois après avoir découvert les Jeux à Sotchi, représentant la France dans les épreuves de patinage de vitesse. Dans la neige de Russie, le Breton a défrayé la chronique parce que sa fédération avait tout simplement omis de l'enregistrer sur une compétition... A peine remis de ses émotions, il s'est jeté sur son vélo, avec une licence troisième catégorie au VC Quintin. "J'ai une même passion pour le cyclisme [que pour le patinage sur glace ou le roller]", confie-t-il à DirectVelo.com. Mais cette discipline qui est pour l'instant un complément dans sa préparation physique pourrait devenir sa priorité. "Si j'ai de bons résultats en cyclisme, peut-être que je prendrai le risque de faire une saison complète, en montant de catégorie et en mettant le roller de côté", révèle Ewen Fernandez au cours de notre « Grande Interview ».

DirectVélo : Les Jeux de Sotchi resteront comme un grand souvenir pour toi ?
Ewen Fernandez : Au-delà de certains « soucis », oui. D'autant plus qu'il s'agissait de ma première participation aux Jeux Olympiques. A Sotchi, ils ont été les plus chers de l'histoire [36 milliards d'euros contre 11,5 milliards pour les Jeux de Londres en 2012, NDLR]. Il fallait donc s'attendre à quelque chose de grandiose. C'était un peu un monde fantastique : tout était gratuit, et on se baladait tranquillement. Mais il faut justement faire attention aux tentations, surtout à celles de la nourriture ! Ça m'a fait bizarre de retourner à la réalité...

Tu es également satisfait de tes résultats ?
J'espérais terminer dans le Top 15 sur 5 000 mètres et je prends la dix-huitième place. Quand on regarde les temps, on est beaucoup à se tenir en quelques secondes. Après seulement trois ans de pratique sur la glace, c'est quand même une bonne prestation. En poursuite par équipe, on finit huitièmes... et derniers. Pas de chance, Alexis Contin a souffert d'une hyperthyroïdie. Beaucoup d'équipes auraient voulu être à notre place et je n'oublie pas qu'on s'est battu pour gagner la qualification de la France. Certaines nations étaient très au-dessus, en particulier les Néerlandais. Le patinage est un sport roi dans ce pays. Ils possèdent de grosses équipes professionnelles, notamment PDM, qui après s'être retiré du cyclisme est allé dans le patinage de vitesse.

« DES CONDITIONS HORRIBLES POUR DEBUTER LE VELO »

Le « souci » qui t'a affecté à Sotchi, c'est l'oubli de ta DTN de t'engager sur l'épreuve du 10 000 mètres !
On avait bien prévenu nos différents responsables de remplir les procédures avant le début des Jeux. Malheureusement, on s'est aperçu qu'ils n'avaient fait que des boulettes, compte-tenu qu'ils ne connaissaient rien à notre sport et donc à ses règles. C'est pour cela qu'on voulait un encadrant, qui nous suive toute l'année, qui connaisse les règlements, les temps de qualifications, nos résultats, etc. La bonne nouvelle, c'est qu'il y a des élections à la fédération au mois de juin et que l'actuelle DTN ne sera plus en place.

Tu étais dans la peau d'un coureur cycliste dimanche, engagé sur Plaintel-Plaintel, une épreuve Toutes catégories dans les Côtes-d'Armor. Satisfait de ton expérience ?
J'ai fait la course pour découvrir le milieu et parce que c'était mon club qui l'organisait. J'ai regardé comment ça se passait, comment les coureurs bougeaient. Il y avait un gros peloton, de la pluie et beaucoup de vent. Des conditions horribles (rires) ! Pas mal de coureurs ont abandonné. J'avais forcément un peu peur de frotter avec les autres. J'appréhendais aussi le freinage sous la pluie. Au fond, j'avais la même impression que quand j'étais gamin, sur mes premières courses de roller. J'ai été lâché et je n'ai pas fini l'épreuve. A cause des Jeux et des vacances qui ont suivi, je n'avais pas fait de vélo depuis deux mois.

Mais tu vas persévérer ?
Oui, je veux continuer de progresser en cyclisme. Par exemple, ce week-end, je vais participer à une course de troisième catégorie, à Dolo, toujours dans les Côtes-d'Armor.

« PROFITER DE LA PERIODE POST-OLYMPIQUE »

Ton premier sport, c'est le roller de vitesse, que tu as commencé à l'âge de neuf ans ?
Oui. Dans chaque catégorie, j'ai obtenu un titre de Champion de France ou d'Europe. Le Graal, je l'ai décroché 2012, à San Benedetto del Tronto [haut lieu de Tirreno-Adriatico, NDLR], en devenant Champion du Monde de la course aux points 10 km sur piste. Mais pour réaliser un jour mon rêve olympique, il fallait que je me mette au patinage sur glace. Ce fut chose faite en 2011, une fois que j'ai passé mon BTS en Assistant de Gestion PME-PMI.

Le vélo, tu l'as découvert dans quelles circonstances ?
C'est un sport qui m'a toujours intéressé. J'en fait beaucoup dans ma préparation, avec des sorties de trois à quatre heures. Il se rapproche du patinage dans pleins de choses. Je regarde toutes les courses à la télévision. Cette année, je me suis dit que j'allais profiter de la période post- olympique pour me mettre au cyclisme de compétition.

Quels points communs trouves-tu entre une course de vélo et de patinage ?
Ce sont deux sports individuels à l'origine, qui se pratiquent aussi en équipe. On fait travailler les jambes. On a dans les deux sports une distinction entre la route et la piste. D'ailleurs, les épreuves en patinage sont inspirées de celles du cyclisme sur piste. D'autres terrains de sport se situent sur la route, en pleine ville, comparables à des critériums cyclistes. Quand on court, on porte des combinaisons aérodynamiques. Les cyclistes en mettent aussi de plus en plus. La manière de courir présente également des similitudes. Dans une épreuve en ligne cycliste, il y a beaucoup de relances et quand on attaque, on part d'un côté de la route, pour faire sortir les autres de l'aspiration. Sur glace, comme nous ne sommes que deux en piste, l'effort se gère comme un contre-la-montre.

« UNE SAISON COMPLETE EN CYCLISME ? »

Comment concilies-tu tes vies sportives ?
Au mois de mars, il y a des courses de roller, mais j'ai choisi de ne pas les disputer, pour couper un peu avec le patinage. Je vais donc courir à vélo. Avril sera un mois complet de roller, car j'y ai un objectif. En mai, ce sera l'inverse. Globalement, il ne faut pas toujours courir, mais garder des moments pour l'entraînement et la récupération.

Donc le cyclisme, c'est un complément à ta pratique du patinage ?
En effet. Le vélo nous donne du rythme et nous aide à nous faire la caisse ! Il permet également de sortir de ma routine. Je ferai des courses de vélo quand je n'aurai pas de grand rendez-vous en patinage. Mais si j'ai de bons résultats dans cette discipline, peut-être que je prendrai le risque de faire une saison complète, en montant de catégorie et en mettant le roller de côté. C'est mon côté compétiteur qui s'exprimera !

Quel type de cycliste penses-tu être ?
Avec le roller, j'ai développé une musculature un peu lourd, surtout au niveau des jambes. J'ai donc du mal à passer les bosses (rires). Mercredi matin, j'ai fait une sortie avec des amis, et nous avons roulé dans des endroits vallonnés. J'en ai bavé ! Je me vois donc plus comme un rouleur-sprinter. J'ai quand même beaucoup plus de puissance que les autres quand j'appuie sur les pédales. Mais encore faut arriver dans les derniers kilomètres en bonne condition. Regarder les sprints à la télévision, c'est quelque chose qui me passionne. Je suis davantage intéressé par ce genre de coureurs et par les spécialistes de classiques, que par les grimpeurs. Je regarde le Tour de France, mais je m'emballe surtout pour une course d'un jour, où tout reste ouvert ! Paris-Roubaix est un bon exemple de ce qui m'attire dans le cyclisme.

Crédit Photo : DR
 

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